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[Grand Raid] 373 guerrières au départ

Ce mercredi 16 octobre, tou.te.s les inscrit.e.s à la Diagonale des Fous sont venu.e.s récupérer leurs dossards sur le site de la Ravine-Blanche à Saint-Pierre. Au total, sur les 2937 coureur.euse.s qui prendront le départ de la course, on compte 373 femmes. Si la parité n’est pas encore atteinte, le nombre de femmes qui prennent le départ de cette course mythique augmente. Plusieurs d’entre elles ont partagé leur ressentis, leurs attentes et leur expérience de préparation au micro de Parallèle Sud. 

Valérie est originaire de Saint-Leu. Traverser son île représente beaucoup. Un voyage dans ces paysages merveilleux, un dépassement de soi, un challenge qu’elle s’offre. Pour la deuxième fois, elle tentera de finir la course, après une première tentative en 2022 qui avait pris fin à Cilaos à cause d’une blessure. Pour elle, être un homme ou une femme ne change rien sur la ligne de départ et dans les sentiers. Si tout le monde se prépare, alors, tout le monde a ses chances. 

Sylvie a 59 ans. Ce soir à 22 heures, elle prendra le départ de cette diagonale pour la troisième fois. Lors de sa première tentative, Sylvie avait chuté dans le sentier du Coteau Kerveguen, lors de sa deuxième, elle court 10 km avec un orteil cassé. “J’ai quand même continué parce qu’on est des guerrières, mais j’ai dû arrêter avec le conseil d’un médecin, parce que je ne pouvais plus remettre ma chaussure”. Sylvie est aide soignante au CHU de Saint Denis et a profité d’un nouvel aménagement des horaires de travail pour consacrer la majeure partie de son temps à sa préparation physique. Les concessions qu’elle a faites relèvent du temps manqué en famille. “ Il faut un chouette mari, qui prend le relais, qui cuisine, qui s’occupe des tâches ménagères, toute seule je n’y arriverais pas.” 

Elles ont décidé de se suivre

Régine est auxiliaire socio-éducative. Cette année, elle prend le départ pour soutenir la prévention et le soin pour les personnes autistes. Après de nombreuses heures d’entraînement, tôt le matin dans les sentiers givrés de la plaine des Cafres, avant ses journées de travail, Régine a désormais hâte de prendre le départ de la course. Régine et Sylvie ne se connaissaient pas avant cette remise des dossards, et ont décidé de se suivre tout au long de la course. Habituées à prendre soin des autres le reste du temps, c’est elles qui se feront chouchoutées durant ces longues heures dans les sentiers de leur île. 

Ce départ les fait rêver. “Toutes les années je pleure, cette année je vais pleurer parce que j’y suis”, confie Régine. Pour Sylvie, passer l’arche et voir le sourire de ses proches est un rêve qui dure déja trois ans. “Cette année, il faut que cela se fasse”. 

Audrey a 47 ans, et participe pour la deuxième fois à la Diagonale des Fous. Venue de Normandie, sa préparation a rimé avec jonglage pour trouver le temps de s’entrainer. “C’est difficile d’allier enfants, boulot et entrainement, c’est un entendement de toute la famille. Je pense que nous les femmes, avons un mental très fort, les études statistiques le montrent, il y a moins d’abandon chez les femmes que chez les hommes. ”La sororité s’exprime sur le parcours entre femmes, et entre coureuses en général”, raconte Audrey. Venue chercher le dépassement et la fierté personnelle, Audrey souhaite franchir la ligne d’arrivée avec son frère. 

Système patriarcal

Marie vient de Lyon, elle a 48 ans, et se lance ce soir sur sa première distance de plus de 100 km en trail. “J’ai choisi pour mon premier ultra tail la plus belle et la plus difficile des courses, je souhaite m’imprégner de la culture réunionnaise.” Le pourcentage de 13% de femmes inscrites s’explique selon Marie par un système patriarcal encore très ancré dans nos sociétés, une inégalité dans le partage des tâches au sein des foyers, une difficulté encore trop présente pour les femmes de se dégager du temps à soi, un manque de confiance à se lancer sur de telles distances, même en ayant les capacités de le faire. Ayant passé 23 ans au Québec, Marie y a remarqué une meilleure représentation des femmes dans les ultra trails. De retour en France, à Nice, et lors de sa participation à un Iron Man, elle a noté l’étonnement du public à la voir courir sur ce type de course. “Au mon dieu, une féminine”, se souvient-elle avoir entendu à son passage. Cette différence est aussi selon elle liée à un meilleur aménagement du temps et de travail et un meilleur partage des tâches au sein du foyer, au pays de la feuille d’érable. 

Pour Marie, un enjeu existe aussi dans la considération des spécificités féminines par les organisateurs des courses et des fabricants de matériel de trail. L’ultra traileuse raconte comment les vestes d’hydratation ont pendant longtemps été designées pour des hommes, ne prenant pas en compte les poitrines des femmes. 

Marie, participante à cette 32ème édition du Grand Raid, prendra le départ ce 17 octobre pour sa première Diagonale des Fous, Photo : Leeloo

Virginie a 39 ans et participe pour la deuxième fois à la Diagonale des Fous. Cette année, elle vient rechercher l’ambiance particulière de la course, l’engouement, et souhaite se recréer de beaux souvenirs durant cette édition. A toutes les femmes qui n’osent pas encore s’inscrire, elle leur conseille d’oser, de se lancer. “Plus fortes et plus résistantes que certains hommes, on a le mental, il ne faut pas hésiter à y aller. Après, ce sont des sacrifices, j’ai un enfant, c’est du temps passé en montagne, mais on en est capables et il faut y aller.”

Virginie, participante à cette 32ème édition du Grand Raid, prendra le départ ce 17 octobre pour sa deuxième Diagonale des Fous, Photo : Leeloo

Ce soir, à 22 heures, seront lâchées les 373 guerrières de la diagonale des fous. Un chiffre que l’on espère voire croître durant les prochaines éditions, pour enfin, un jour, ne plus avoir à analyser la liste des participant.e.s, sous le prisme des inégalités de genre.

Sarah Cortier

Les guerrières du Grand Raid

A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Etudiante en journalisme

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique, Sarah souhaite désormais se former au métier de journaliste qui la fait rêver depuis toujours. Persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits et d’apporter de nouveaux regards sur le monde pour le faire évoluer, Sarah souhaite participer à ce travail journalistique engagé aux côtés de Parallèle Sud.

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