Four à chaux de Manapany

[Histoire locale] Le four à Chaux de Manapany

UNE HISTOIRE LIÉE AU SITE DE MANAPANY

Des fours à chaux, il y en a eu beaucoup, le tout dernier en activité était situé à Saint-Leu. Par contre, le four à chaux de Manapany était très particulier, et unique en son genre car son foyer disposait de quatre ouvertures.

Un peu d’histoire

Construit à partir de 1852-1853, ce four a été conçu par l’ingénieur Pierre Charles Guy de Ferrières, qui fut pendant quelques années maire de la ville de Saint-Joseph. Ce four à chaux avait pour objectif premier d’alimenter les deux usines à sucre de la société que monsieur Guy de Ferrières administrait avec Julien de Rontaunay. Ces deux usines construites par Kerveguen, étaient situées au Butor (au niveau de l’ancienne gendarmerie) et au bas de la rivière des Remparts. On peut d’ailleurs encore voir une partie des ruines de cette usine qui fut plus tard la plus grande féculerie de l’île (jusqu’à 6000 tonnes de farine de manioc par an, ainsi que du tapioca). Le lieu est utilisé chaque année par le festival Komidi notamment pour les repas entre artistes.

Le four de Manapany a été en activité pendant près de quarante ans, jusqu’à la fermeture de l’usine Caprice Orré à la fin du 19e siècle. Il fournissait la chaux qui servait pour le blanchiment de la canne (décantage du jus), mais aussi à fabriquer du mortier. En effet, c’est avec du sable, de la chaux, et …. de la mélasse qu’on fabriquait le mortier destiné aux constructions. Cette « technique » pourrait venir d’Inde. D’ailleurs, aujourd’hui encore, on utilise des mélasses et des « vinasses » comme adjuvants retardateurs de la prise du béton. Dans l’Ouest, on utilisait également la chaux par épandage sur les champs pour désacidifier les sols (chaulage). 

Le four est toujours visible et en relativement bon état
Le four est toujours visible et en relativement bon état

Un four unique en son genre

Le four de Manapany était constitué d’un corps cylindrique et donc de quatre foyers. Le corail arrivait de Saint-Pierre, d’Anse les Bas et de Grande Anse (beach rock riche en calcaire) par petites barques ou plutôt des radeaux en bois de chokas (zinguades). Il était déchargé sur l’embarcadère construit dès 1853, et situé dans la baie de Manapany. Une rampe d’accès permettait d’accéder à une passerelle qui arrivait juste à côté du four où il était déchargé dans le gueulard (ouverture supérieure du four).. Les fours à chaux sont très souvent adossés à un talus, afin qu’on puisse facilement acheminer le corail jusqu’au gueulard. C’est le cas à Manapany. Dans le four, on y brûlait le corail entre 800° et 1000°.

Croquis du four à chaux de Manapany, (source St JO MAG Février 2014)

On retrouve encore aujourd’hui dans la baie des traces d’anneaux d’attaches, mais la rampe d’accès au four et la passerelle ont elles totalement disparu, de même que le pont levis (on peut néanmoins encore marcher entre les remparts). Lorsque ces radeaux prenaient le chemin du retour vers Saint-Pierre, ils étaient chargés de sucre et de rhum fabriqués dans les usines locales… Ce n’est que plus tard, lorsque furent construits les premiers ponts que les coraux furent acheminés par voie terrestre.

Four à chaux, entrée
L’une des quatre entrées

La fin de l’exploitation

Après l’interdiction de prélèvement du corail dans les lagons, décidée par le préfet Vaudeville en juin 1969, les fours à chaux ont cessé de fonctionner, à l’exception de celui de Méralikan à la sortie de Saint-Leu (près du cimetière) qui lui ne fut fermé qu’en 1990. Pour la petite histoire, un deuxième four à chaux se situait au niveau de l’actuelle ferme Corail, elle a d’ailleurs été en partie construite avec de la chaux fabriquée sur place.

Un lieu très prisé des touristes

Le site du four à chaux est visité quasi quotidiennement par de nombreux touristes. La cheminée est toujours là, on peut y voir les quatre entrées de foyers (photo ci-dessus). La Maison du Tourisme du Sud Sauvage est installée juste au-dessus de l’ancienne cheminée. Depuis le site, parfaitement entretenu par les services de la ville, on a une vue splendide sur la baie de Manapany, l’une des plus belles de l’île dont Luc Donat a chanté la beauté dans son texte « Manapany » (Manapany ti coin charmant…).

Dominique Blumberger

PS : Un grand merci à Christian Landry (1er adjoint au maire de Saint-Joseph, ancien proviseur du lycée Pierre-Poivre, fondateur de la société d’Histoire de Saint-Joseph) qui a donné de nombreuses informations historiques et permis d’étayer cet article.

A propos de l'auteur

Dominique Blumberger | Reporter citoyen

Ancien enseignant et directeur à la retraite, Dominique Blumberger a rejoint les rangs de Parallèle Sud quelques mois après son lancement. Passionné de musique, gros lecteur, il propose d’ailleurs souvent des avis sur ce qu’il a lu, il affectionne plus particulièrement les portraits et les reportages.

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