SAINT-JOSEPH : ENTRE GRAND GALET ET LA PLAINE DES SABLES
À l’exception des habitants de Saint-Joseph, voire de ceux de l’écart de Grand Galet — et les randonneurs — peu de gens connaissent l’ancien village de Cap Blanc. Ancien, car il n’existe plus aujourd’hui, totalement déserté un peu après le milieu du 20e siècle suite à diverses intempéries : passage de plusieurs cyclones (dont le terrible cyclone de 1932 : 90 morts ; plus de 40 000 sinistrés), nombreux éboulis… Les habitants se sont retrouvés particulièrement isolés. Certains sont alors allés s’installer dans le village voisin de Grand Galet, beaucoup d’autres préférant « redescendre » à Saint-Joseph.
Un peu d’histoire…
Le quartier ou « petit village » de Cap Blanc, situé entre Grand Galet et la Plaine des Sables, est particulièrement éloigné de Saint-Joseph et difficile d’accès. Il a été fondé en 1785 d’abord dans le fond de la rivière Langevin par Joseph Hubert, qui fut longtemps Maire de Saint-Joseph. Ce « premier village » se situait à un peu plus d’un kilomètre du « village actuel ». On peut encore aujourd’hui observer quelques anciens petits murs ou murets en pierres, parfois plutôt bien conservés, souvent recouverts de filaos et de racines. Les premiers habitants vivaient quasiment en autarcie, trop éloignés de Saint-Joseph. Ils subsistaient de leurs cultures vivrières et d’un peu d’élevage.
Au milieu du 19e siècle, ce village a compté plusieurs centaines d’habitants au moment de l’âge d’or de la culture du géranium (distillation). Ceux-ci venaient essentiellement de Langevin et des alentours de Saint-Joseph. La proximité de Grand Galet (7 à 8km tout de même) permettait à certains enfants d’aller à l’école. La population était pauvre, vivant essentiellement de quelques cultures, d’arbres fruitiers locaux, de quelques volailles, … Pas de médecin bien sûr : « à l’époque, c’était surtout les plus riches qui profitaient du médecin, dit Marie-Estella Benard *, et la ville était trop éloignée. Un « accouchement se passait toujours à la maison » ajoute-t-elle. Et à cette époque-là, on mourait jeune, souvent avant 55/60 ans, car la vie était très rude.
Peu de photos, les habitants n’avaient guère le moyen de s’offrir un appareil photo… Les seules photos que l’on retrouve sont souvent celles du Père Lechevalier qui faisait chaque année sa « tournée » des villages éloignés
Situé entre la cascade de Grand Galet et la Plaine des Sables, entouré de remparts (côté la Crête et côté Grand Coude), Cap Blanc est peu ensoleillé, mais généralement plutôt bien arrosé !
Le sentier de Cap Blanc
Cap Blanc est aujourd’hui bien connu des randonneurs pour la difficulté du sentier, mais surtout pour la beauté de ses paysages. On y trouve d’ailleurs assez souvent des groupes de campeurs qui profitent des belles clairières et de quelques kiosques pour passer du temps en pleine nature… *
En se baladant (ou en randonnant pour les plus courageux), on trouve encore ça ou là une vieille case en tôle. L’église n’existe plus, mais on trouve à cet emplacement un petit espace de culte.
Cap Blanc reste aujourd’hui plutôt un lieu de balade ou de randonnée. Très souvent, on peut encore observer des truites nageant dans une rivière aux eaux limpides. Les filaos sont impressionnants, la rivière et ses cascades sont magnifiques, les paysages très variés, et on se trouve entouré de remparts ! Un peu au bout du monde en somme…
Dominique Blumberger
La pauvreté à Cap Blanc
(extrait de « Dame Anaclet de Grand Galet : Marie Estella Benard ») : « Mes parents employaient trois journalières, trois soeurs de Cap Blanc, Lucina, Alexina et Lucia, les filles d’Eugénie Francomme qui était veuve, elle n’avait pas de quoi nourrir ses enfants ». Il faut dire que la pauvreté était terrible à Cap Blanc. Elles aidaient dans la case et sur l’habitation en échange de leur nourriture. Elles mangeaient comme nous et avec nous. Elles dormaient chez nous, car Cap Blanc était à huit kilomètres de la maison ».
Peu d’informations directes, mais quelques-unes tout de même transmises oralement par d’anciens habitants… notamment concernant l’éloignement de Cap Blanc :
Une fois l’an, le curé, à l’époque le père Léon Duval, faisait le tour des écarts. Après avoir officié à Grand Galet, « il allait ensuite à Cap Blanc chez le vieux Gédéon Rivière qui lui prêtait son propre lit pour y passer la nuit » (propos d’Estella Benard).
Il s’est dit que pour tromper l’ennui, certains week-end, les jeunes hommes de Cap Blanc mettaient en place une « batay kou d’pwin ». Un jeu à priori, mais suffisamment violent pour qu’il y ait eu un mort !
Un habitant ayant sa maison à Cap Blanc, et qui devait partir a décidé de la démonter totalement, et de la reconstruire à l’identique à Langevin.
Une jeune fille de Cap Blanc s’était mariée à Saint-Joseph, le cortège avec famille, invités et … orkès est remonté jusqu’à Cap Blanc. Cela prenait la journée !
* Marie Estella Benard : Elle a habité Grand Galet, un récit de sa vie a été publié par la société d’Histoire de Saint Joseph.
Merci à Mme LEBON pour le prêt de cet ouvrage.
Merci également à
Clément Suzanne (Maison du Tourisme du Sud Sauvage, actuel président de la Société d’Histoire de Saint-Joseph)
Christian Landry, 1er adjoint à la mairie de Saint-Joseph, ancien proviseur du lycée Pierre Poivre, fondateur de la Société d’Histoire de Saint-Joseph
Jean-Paul Goursaud, site Randopitons (photos)