[LES HÔPITAUX PROCHES DE LA SATURATION]
Complétant notre article sur l’épuisement de l’hôpital public à La Réunion, Huguette Bello, présidente du conseil d’administration du CHU, fustige les manques de moyens et évoque des hôpitaux « historiquement sous-dotés ».
Présidente du conseil d’administration du CHU de La Réunion depuis le mois de septembre, Huguette Bello est bien placée pour juger de l’épuisement de l’hôpital public dans notre île. Lorsqu’elle était députée — d’ailleurs comme l’ensemble des parlementaires réunionnais toutes tendances confondues — elle n’a eu de cesse d’interpeller les ministres successifs sur cette situation d’« inégalité persistante ».
« Nous disposons de 379 lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants à La Réunion contre 569 en France continentale. Cet écart déjà important en soi, et qu’on ne retrouve pas aux Antilles, doit également être mis en relation avec la précarité d’une grande partie de la population, la prévalence de lourdes comorbidités (diabète, hypertension, obésité), mais aussi la topographie de La Réunion qui limite les préconisations en matière de médecine ambulatoire », expose-t-elle.
Pour illustrer cette inégalité elle prend l’exemple de l’ouest de La Réunion. L’hôpital public y compte 310 lits pour 220 000 habitants soit un ratio de 1,41 lit pour 1 000 habitants. Or, selon l’OCDE, la France compte environ 5,9 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants. « Si l’on appliquait le ratio national, la région ouest de La Réunion devrait disposer de plus de 1 300 places », souligne-t-elle. À titre de comparaison, le bassin de vie d’Aix-en-Provence, dont la population est comparable à celle de l’ouest de l’île, bénéficie d’environ 1 000 lits d’hôpitaux disponibles.
Des hôpitaux « historiquement sous-dotés »
Cette situation a évidemment de lourdes conséquences en situation épidémique. Et Huguette Bello explique que si la population réunionnaise est davantage contrainte aujourd’hui que celle des départements hexagonaux c’est d’abord à cause de « l’offre insuffisante en réanimation »
« C’est un constat qui n’a échappé à personne, explique-t-elle. Le Gouvernement a décrété le 28 décembre 2021 l’état d’urgence à La Réunion alors que notre taux d’incidence, qui certes augmente de plus en plus, n’est pas le plus élevé de France. Des régions de la France continentale enregistrent des taux bien plus importants sans pour autant être placés en état d’urgence sanitaire ».
« Le recours à cette procédure est avant tout la conséquence d’une offre insuffisante en réanimation. Les 97 lits de réanimation sont quasiment tous occupés dont la moitié par des patients covid. Conjuguée à l’impossibilité de mobiliser les évacuations sanitaires, cette situation amène à rechercher des remèdes en dehors de l’hôpital : état d’urgence, couvre-feu voire confinement ».
La sous-dotation des hôpitaux réunionnais ne date pas d’hier, elle s’est aggravée lors du passage à la T2A en 2006. La tarification à l’activité a modifié le financement des hôpitaux. Les surcoûts supportés par les établissements de santé des Outre-mer et de la Corse ont été pris en compte à travers un coefficient géographique appliqué, avec des taux différents, à ces différents territoires. Si le surcoût lié aux salaires des personnels de santé est, pour l’essentiel, pris en compte, il en va différemment pour les charges relatives à l’acheminement des médicaments et matériels médicaux, aux frais de maintenance ainsi que pour les coûts de constructions immobilières.
15M€ de surcoût des hôpitaux réunionnais
Ces surcoûts touchent par exemple l’énergie (+34%), le gaz médical, les produits sanguins. Ils affectent aussi les charges hôtelières et logistiques ou encore les charges financières. A La Réunion, l’ensemble des surcoûts actuellement non pris en compte correspond à 15 à 16 M€ et justifie une augmentation de 4 points de coefficient géographique.
Le problème est que le coefficient géographique de La Réunion n’a été réévalué que d’un seul point en près de 15 ans. Il est bloqué à 31%. Cela provoque des réactions en chaîne : les surcoûts n’étant plus totalement compensés, l’hôpital enregistre des déficits, et, pour les combler, le gouvernement réclame des fermetures de lits et des suppressions de postes.
Les responsables sanitaires ont réalisé une étude précise sur la nécessité de revaloriser ce coefficient. Les parlementaires réunionnais alertent de manière unanime alertent les gouvernements successifs sur ce problème. Pourtant «toutes les demandes de revalorisation sont restées lettre morte au mépris du principe républicain de l’égal accès aux soins », déplore Huguette Bello.
F.C.