Entre 2021 et 2022, le photographe documentaire Olivier Lardeux a porté son regard sur le quartier de Bras-Fusil. Continuant son travail sur la commune de Saint-Benoit après avoir photographié les habitants de Sainte-Anne, il continue de rendre compte des liens parfois invisibles qui lient l’humain au territoire avec cette fois-ci un enjeu supplémentaire, celui de déconstruire une réalité du quartier trop souvent dépeinte comme violente.
À Saint-Benoît, dans l’est de La Réunion, le quartier de Bras-Fusil porte une réputation de « quartier chaud ». Mais derrière ce nom se cache une réalité toute autre, que le photographe Olivier Lardeux s’est attelé à documenter à travers son projet Il était une fois dans l’Est. Une œuvre née d’une immersion profonde et d’une attention particulière aux habitants, loin des clichés qui trop souvent le définissent.
Bras-Fusil, un nom qui raconte déjà une histoire
Pour Olivier Lardeux, le nom même du quartier évoque une charge symbolique forte. « Bras-Fusil, ça pèse. Ce nom véhicule déjà des représentations, des images. » Mais loin de se limiter à ce poids historique et social, le photographe s’efforce de déconstruire cette image par la rencontre et l’écoute. L’idée n’est pas de s’imposer en dehors, mais de comprendre de l’intérieur.
Le titre Il était une fois dans l’Est reflète bien cette dynamique : « Ce sont des amis qui m’ont soufflé ce jeu de mots, un clin d’œil à l’univers du western et des “quartiers western”, cette idée que l’on se fait parfois de ces lieux. Mais il y a aussi cette notion de raconter une histoire, de saisir ce qui est souvent ignoré. »
Un dialogue photographique
Olivier Lardeux insiste sur la nécessité de prendre son temps pour saisir la véritable essence d’un lieu. « Je ne suis pas venu avec un projet tout fait. J’ai pris le temps de rencontrer les gens, de discuter, de comprendre. Ce travail, c’est un processus qui s’est fait au fil du temps, à force de présence et de patience. »
La photographie pour lui n’est pas une simple illustration de la réalité, mais un moyen de faire entendre des voix souvent marginalisées. Dans ce cadre, il a édité une gazette qui présente son travail aux habitants du quartier. « C’était important pour moi de restituer ce que nous avons fait ensemble. La gazette, c’est un moyen de montrer que cette démarche est avant tout partagée, qu’il s’agit d’un échange, d’une collaboration. »
Une restitution qui va au-delà des images : « Mon rôle n’est pas de parler à la place des gens, mais d’offrir un espace où leurs paroles puissent circuler. »
Un témoignage fort : « Bras-Fusil c’est ma plus belle histoire d’amour »
Parmi les témoignages recueillis lors de ses rencontres, un particulièrement marquant a retenu son attention. Une femme lui a confié : « Bras-Fusil c’est ma plus belle histoire d’amour. » Ces mots résonnent comme une déclaration d’attachement à un territoire, souvent mal compris et stigmatisé. Pour Olivier Lardeux, ces paroles résument parfaitement le paradoxe du quartier : « Là où les autres voient des difficultés, des problèmes, il y a des histoires d’amour, des solidarités qui tissent un lien humain fort et essentiel. »
Une démarche qui va au-delà du projet local
Si le projet Il était une fois dans l’Est se concentre sur Bras-Fusil, il s’inscrit dans une démarche globale plus vaste du photographe. Son approche, loin des clichés et de l’exploitation de l’image, cherche avant tout à comprendre le quotidien et la réalité des habitants. « Je ne cherche pas à produire du spectaculaire. Ce qui m’intéresse, c’est la vérité, les histoires discrètes, souvent invisibles, qui se tissent dans l’ombre des grands récits. »
Au bout de la première année de travail, le projet a été exposé au sein de la Maison des associations du quartier mais le photographe peine à trouver d’autres structures pour l’accompagner dans la mise en avant de ce travail. « Il y a un enjeu de restitution, mais aussi de diffusion. Ce n’est pas juste pour les murs d’une galerie. Je veux que les gens voient ce travail, qu’il circule, qu’il entre dans les écoles, les maisons, qu’il soit un pont entre ceux qui ont posé leur regard et ceux qui vivent ici. »
Bras-Fusil : une histoire en constante évolution
Le travail d’Olivier Lardeux autour de Bras-Fusil n’est pas terminé. Il continue d’aller à la rencontre des habitants, d’écouter, de photographier, de partager. Son objectif n’est pas de répondre à des questions, mais de les poser, de semer des graines.
« Parfois, il suffit d’un petit décalage pour voir autrement », explique-t-il. Et dans ce quartier de l’Est, il y a tant à voir, à entendre, à raconter.
Olivier ceccaldi ( texte et podcast)
Photographie de couverture par Olivier Lardeux
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