Jessie, 23 ans : « Pour que chacun ait le droit de faire ses choix »

[LA PAROLE DES RÉSISTANTS PACIFIQUES : 2]

Jessie*, étudiante de 23 ans en Information-Communication à l’Université de La Réunion, se sent incomprise et non écoutée, à l’heure où la notion de l’acceptation des libertés d’autrui fait débat.

La démocratie : « Le fondement premier en lequel je crois »

« J’accepte la position des autres, mais eux n’acceptent pas la mienne. Nous, les non-vaccinés, sommes traités de coupables. Je n’ai pas demandé cette maladie, je n’ai rien voulu de tout cela », nous souffle-t-elle, dans un sentiment de désespoir. La future communicante envisage de se faire vacciner, non pas pour pouvoir jouir des plaisirs simples qui lui ont été arrachés mais par peur des futures mesures qui toucheraient sa vie universitaire : « Je peux aller à la plage, me balader en forêt. Et je peux me passer des sorties loisirs où le pass est nécessaire. En revanche, ce qui me fait peur c’est s’ils mettent en place l’obligation du pass vaccinal pour accéder à mes examens. » Désarçonnée, elle dénonce un « gouvernement hypocrite », qui ne lui laisse nul choix que de se vacciner à contrecœur. Elle cite le principe de la démocratie et ses droits constitutionnels. « Personnellement, je ne manifeste pas, parce que je suis ni pour ni contre, je suis pour que chacun ait le droit de faire ses choix. C’est le principe même de la démocratie, il serait temps de l’appliquer. Soit on l’utilise pour tout, soit on ne l’utilise pour rien. Demain matin, j’ai le droit d’aller voter ou de ne pas y aller. Aujourd’hui, c’est le même enjeu pour le vaccin. J’ai le droit de le faire comme de ne pas le faire. C’est le fondement premier en lequel je crois et je ne comprends pas qu’il soit équivoque à un moment si important où la santé est en jeu. » 

« J’ai encore le droit de douter et d’avoir peur »

La dionysienne insiste donc sur la notion de choix qui selon elle ne doit être associée à aucun jugement de valeur : « C’est un choix comme un autre. Il n’y a ni bon, ni mauvais choix dans cette situation. » Elle estime qu’on n’est pas obligé de prendre les armes pour revendiquer son opinion. Ainsi, pour elle, résister signifie ne pas être têtue ou considérée comme dégénéré : « Quand on prend connaissance des profils des non-vax dans les médias, on a l’impression qu’on est des fous furieux, qu’on veut imposer notre façon de voir, qu’on est anti-vax, anti-médoc, anti-tout. Je ne suis pas contre tout ça, mais j’ai le droit de douter. »

Spontanément, elle se confie en détail sur ses peurs et ses réticences notamment liées au contexte médical : « J’ai peur du vaccin, peur de mourir du vaccin, peur de m’injecter des produits dont on n’a pas assez de recul. J’ai encore le droit d’avoir peur » ajoute-t-elle presque de manière rhétorique. « Je remets la parole de l’industrie pharmaceutique en doute car, pour moi, du moment que la santé rapporte de l’argent à une société, elle devient un business. Faire du profit grâce à la santé occulte l’intérêt humain et fait passer la valeur financière avant. Ce n’est pas un jeu. Voilà pourquoi je n’ai pas confiance. » De son côté, parce que cela lui semble être du bon sens, elle prend le soin de garder ses distances afin de ne pas contaminer les autres.

« Monter les uns contre les autres : c’est petit »

Manifestation devant la préfecture de Saint-Denis le 8 janvier 2022.

Jessie nous fait part de la discrimination « forcément » présente en imitant les dirigeants d’un air railleur : « Ceux qui sont vaccinés ont le droit mais pas vous. » Face à ce « spectacle » incessant et les débats houleux actuels, elle ressent une telle discrimination qu’elle se sent obligée de justifier le fait qu’être non-vaccinée ne veut pas dire être contre le vaccin.

Jessie constate que les médias, les réseaux sociaux et les institutions alimentent un message « diabolisateur » qui cause chez elle un sentiment de culpabilité prégnant. A cet instant, elle n’argue plus et  laisse ainsi entendre avec une pointe d’ironie: « Limite si toute cette crise n’est pas entièrement de la faute des non-vaccinés. »

Elle s’ouvre sur la confiance qu’elle a totalement perdue envers le gouvernement, en nous rappelant la gestion douteuse de ce dernier sur les débuts de la crise covid : « J’ai l’impression qu’on est obligé de leur faire confiance, les yeux fermés. Or, ils nous ont prouvé maintes et maintes fois que nous sommes guidés par des incompétents. Ils sont dans la contradiction depuis le départ en minimisant la crise sanitaire et les risques (ndlr : à l’occasion du maintien du premier tour de l’élection municipale de mars 2020). Puis en affirmant que le masque est inutile avant de l’imposer. A quel moment pensent-ils que nous avons toujours confiance en eux ? » Elle affirme qu’il y a un réel fossé entre le discours des politiciens et l’action des citoyens. Elle conclut : « Monter les uns contre les autres, c’est petit et injuste ». 

Hawa Locate

*Pour des raisons d’anonymat, nous utilisons un prénom d’emprunt. 

A propos de l'auteur

Articles suggérés