[kiltir] Vincent Roca a choisi La Réunion

HUMORISTE, ÉCRIVAIN, ALCHIMISTE DES MOTS

Vincent Roca, beaucoup de gens le connaissent sans doute, mais peu savent qu’il habite La Réunion depuis plusieurs années.

Ecrivain, humoriste de talent, ou plutôt comme il aime à le dire, « magicien ou cuisinier ou escamoteur des mots », ses chroniques sur France Inter dans l’émission Le Fou du Roi de Stéphane Bern l’ont sans doute fait connaître du grand public. Pour son ami Jacques Dau, Vincent Roca est « un alchimiste des mots ». Plus de 850 chroniques en un peu plus de dix ans, il explique que France Inter l’a « un peu formaté, le roman ne m’a jamais tenté, je n’écris que des textes courts qui ne dépassent jamais 5000 signes ». 

Vincent Roca, c’est une vingtaine de spectacles, le premier écrit en 1989, Allegro ma non troupeau, a été joué plus de 400 fois ! C’est aussi plusieurs livres, et surtout… le bon mot en toutes circonstances ! Quand on est amateur de Devos, de Lapointe et de Desproges entre autres, on aime les bons mots et « jouer avec, les triturer, les tordre dans tous les sens ». On aime aussi beaucoup lire. Son dernier roman : Histoires de la nuit, de Laurent Mauvignier (un pavé !). Actuellement, il lit l’un après l’autre les romans d’Albert Camus dont il « apprécie la qualité d’écriture ». Et il est également très amateur de chansons à textes. Il se dit « très attaché aux gens d’écriture » : Leprest, Sarclo, Sylvestre, Jamet, Lapointe… et Michèle Bernard qu’il apprécie particulièrement et avec qui il a même créé à Lyon dans ses jeunes années une troupe de théâtre pour enfants, La Compagnie des mulets.  

Il a aussi été acteur, musicien, professeur de mathématiques même, avant de devenir le Vincent Roca que connaît le grand public. Depuis maintenant sept ans, il est installé à La Réunion, dans le charmant quartier de Manapany, à Saint-Joseph. Contacté par Claude Niobé (ancien directeur du théâtre Luc-Donat) en 2013 au festival d’Avignon, il vient jouer en 2013 Delirium très mots. Au théâtre, Vincent Pradel, membre de Komidi, lui propose de venir au festival Komidi, à Saint Joseph. L’année d’après, il vient présenter son spectacle, et revient l’année suivante pour un autre spectacle, Ma Parole. Sa référente, qui fait le lien avec Komidi, est Colette. Elle deviendra sa femme. Depuis lors, il habite La Réunion, même s’il est plusieurs fois par an en tournée en métropole et ailleurs. Assez régulièrement, il s’y produit, notamment dans le cadre de Komidi (Vincent Roca et Wally : 150kg à deux, l’Abécédaire) dont il est désormais un bénévole actif, membre du comité de programmation du festival. 

   

Vincent Roca en spectacle.

Cette Réunion il l’aime énormément. « Ni la mer, car je ne n’aime pas me baigner, ni la montagne, parce qu’à mon âge la randonnée, c’est compliqué », dit-il, mais « la diversité de ses paysages et son climat. Il aime aussi le « ti’punch, le rhum arrangé, la cuisine et particulièrement le carri poulet, le sega, le maloya ». Tout ce qui fait le charme de notre belle île.

Depuis le confinement, « où il a bien fallu occuper son temps », Vincent s’est réellement passionné pour la photo. « C’est venu petit à petitje fais surtout des photos insolites, des paysages, et beaucoup de photos de Manapany — ses couchers de soleil sur la baie sont très différents et très réussis — quand on arrive dans un tel décor, on a envie de garder des images ».

Dominique Blumberger

                       

Manapany, le havre de paix de Vincent Roca.

« J’aimerais que les gens gardent en mémoire mon regard sur le monde »

Vous êtes né à Bregenz, en Autriche. Roca, ce n’est pas très germanique comme nom de famille ! 

Pas du tout, c’est catalan. Mes parents ont une lointaine origine catalane. Mon père était militaire en Autriche depuis la fin de la guerre, mais je n’ai passé que quatre mois là-bas, j’en garde donc très peu de souvenirs.

Vous avez longtemps exercé en Afrique comme prof de maths. Quels souvenirs en gardez-vous ? 

D’excellents souvenirs. D’abord, parce que ça m’a permis de voyager. Ensuite, parce que fils de militaire, je refusais absolument de tenir une arme, et j’ai obtenu un VLC (ndlr : volontaire service national) au Cameroun. J’ai ensuite enchaîné sur des contrats civils, au Mali, au Niger, au Gabon, à Madagascar, et longtemps au Sénégal. J’y ai énormément de bons souvenirs, mais aussi de moins bons parfois. À Madagascar, en 1979, les habitants voyaient partir des Mig 21 et disaient ‘« C’est notre sucre qui s’en va, c’est notre lait qui s’en va… » Quand on est un coopérant surpayé, on n’a pas ces soucis-là et ça fait mal. C’est en Afrique que j’ai commencé à faire des tours de chants d’humoriste dans des cabarets avec un ami, j’ai même écrit des chansons, puis des textes humoristiques. J’avais toujours en moi, depuis mes années au conservatoire, et même gamin, cette envie d’être comédien. J’y suis venu petit à petit.

Intervenez-vous parfois en collèges ou en lycées autour de vos textes ? 

Non, pas jusqu’à maintenant. Je n’ai jamais posé de regard sur la manière dont je travaille. J’ai produit avec Eric Bouvron et l’aide de Komidi, le spectacle Danlor, l’insolent Roland Garros, que nous avons présenté à Avignon, et je vais le jouer à Barcelone en février prochain dans le cadre d’un festival, et on m’a demandé d’intervenir auprès d’ « étudiants apprenants » et de profs. J’y travaille actuellement autour de l’illusion, des mots à double sens. C’est nouveau pour moi. J’ai préparé beaucoup de choses à projeter pour expliquer, c’est passionnant. Et ça pourrait se faire d’ailleurs dans une classe.

« Je ne suis pas le fils de Robert Roca »

Si je vous dis Roca père et fils, ça vous inspire quoi ? 

Ça me fait d’abord penser à quelque chose qui n’a rien à voir. Souvent, à la fin d’un spectacle, on me demande si je suis le fils de Robert Roca (ndrl : chansonnier). On m’a même dit que j’avais la même voix que mon père. Alors pas du tout, je ne suis pas son fils. Un jour, à un festival d’humour où je vais régulièrement à La Charité sur Loire, on m’a demandé si avec mon fils, circassien (ndrl : qui pratique les arts du cirque), on ne pourrait pas monter un spectacle. Ils avaient déjà proposé à François Morel et son fils le même type de projet. On a monté un spectacle en dix jours qu’on a joué plusieurs fois sur le thème de la chute. Et on a extrait de ce spectacle 25 minutes qu’on a jouées plusieurs fois dans des villages avec un camion. C’est un spectacle qu’on va refaire, qu’on va retravailler, c’est en projet, car mon fils est très pris. En tous cas, c’étaient de grands moments. J’aime beaucoup ce qu’il fait et je suis très fier de lui.

Des projets en cours ?

Celui-là, mais j’en ai un autre en cours d’écriture actuellement. Je me laisse du temps. Et puis les illusions, ces mots à double à sens, j’ai ça qui tourne dans la tête…

Quand vous arrêterez votre carrière, qu’aimeriez-vous que les gens disent de vous ? 

Ah ! Ça c’est un peu une question du questionnaire de Proust. Je pourrais dire que je m’en fiche un peu, mais bon, j’ai écrit beaucoup de choses, j’aimerais que les gens lisent encore mes bouquins, les textes de mes spectacles. Qu’ils gardent mon regard sur le monde au travers de mes aphorismes et pourquoi pas quelques images ? 

Entretien : Dominique Blumberger

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