parcours de la flamme olympique à Saint-Paul

[La flamme] On ne touche pas au feu sacré

DÉLIT DE SACRILÈGE PAÏEN

« Il est interdit d’interdire !» Il est loin l’esprit de Mai 68. Aujourd’hui, et particulièrement quand il s’agit des jeux Olympiques, il est tout simplement interdit de ne pas être d’accord.

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Panem et circenses. La recette du pain et des jeux du poète Juvénal n’a pas beaucoup changé depuis l’Antiquité. Sauf que, cette fois en France, on n’aura ni l’un ni l’autre. Depuis longtemps le pain se fait rare, et les jeux seront réservés à l’élite ; il n’y a qu’à voir les mesures de restriction de circulation à Paris ou le prix des billets pour accéder aux dieux du stade. Le peuple, lui, aura le droit de voir la flamme et de regarder la télévision.

« Ras le bol des peine à jouir qui ont pas du tout envie qu’on puisse célébrer quelque chose ensemble», a déclaré Anne Hidalgo, maire de Paris. « De toute façon, on est là et on le fait. » C’est bien là le problème. On passera sur l’extrême vulgarité du propos, mais pas sur la décision unilatérale, imposée, obligée que les Français auront à subir les Jeux. 

En effet, la candidature française n’a pas eu de mal à être acceptée par le CIO (comité international olympique) puisqu’elle était la seule, Hambourg, Toronto, Budapest et Boston s’étant retirées après les consultations de leurs populations, et Rome suite à l’élection d’une nouvelle maire. La France, elle, s’est engagée à ne pas consulter.

Nous sommes allés, mercredi, à Saint-Paul voir le peuple regarder passer le feu sacré. Organisation millimétrée, couverture médiatique de Réunion la 1ere indécente – toutes la rédaction était sur place et l’antenne totalement dédiée à l’événement -, et public peu nombreux au regard de l’investissement. Des enfants des écoles avec papa ou maman, quelques employés de passage avant d’embaucher, des collégiens ou lycéens libérés pour l’occasion. Pas d’embouteillage pour accéder en ville, pourtant pour moitié interdite aux voitures et encore moins pour en sortir. Le stationnement, encore un signe, se fait sans problème. N’importe quelle soirée électorale rassemble largement plus de monde dans les jardins de la mairie, sans compter les 14 juillet ou Grand Boucan où, là, on peut dire qu’il y a du monde à Saint-Paul. 

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Pour être honnête, l’ambiance était bon enfant, la chorale de maloya chantait en boucle « Sina pwin lor larzan… » de circonstance, et on ne se bousculait pas. « Je pensais qu’il y aurait des animations », regrette une dame accompagnée d’enfants. 

Eh bien non, pas d’animation… et pas de contestation non plus. Et pour se convaincre du peu d’intérêt de la cérémonie, il n’y avait qu’à entendre le speaker répéter ad noseam « vous ne verrez cette flamme qu’une fois dans votre vie, filmez et prenez des photos ». 

On nous impose des Jeux sans nous demander notre avis, le passage d’une flamme (qui ressemble étonnamment à n’importe quelle autre flamme) et tous les désagréments qui vont avec et c’est là que le bât blesse. Non seulement la population parisienne n’a pas été consultée, mais, à La Réunion comme ailleurs, il est interdit de manifester. Pourtant un droit constitutionnel que l’on peut faire appliquer, à condition que le décret préfectoral laisse le temps d’un recours. Deux jours avant la cérémonie, la préfecture a envoyé aux rédactions un décret « de mesures renforcées » qui précisait « pour la sécurité du public »: « Interdiction de manifestation » (un droit constitutionnel), « interdiction de survol de drones » (admettons), « interdiction de vente et de transport de carburant et d’artifices» (vous passerez la débroussailleuse un autre jour), « interdiction de vente d’alcool à emporter », « interdiction de vente et de transport d’armes » (y compris le canif du grand-père, tant pis pour le casse-croûte). Rien que ça. 

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Il est vrai qu’on a frôlé l’attentat. Quand deux pieds nickelés se sont fait prendre avec un coupe-boulons, partis en reconnaissance pour poser une banderole sur le parcours, Mickael Hoareau, secrétaire départemental Unsa Police avait tout de go déclaré le 3 juin sur la 1ere avec le plus grand sérieux : « On a évité un drame », après avoir parlé d’« association de malfaiteurs qui vont commettre des attentats ». Autre illustration du climat de pensée unique pour ce qui concerne ces jeux Olympiques. 

Car, des raisons d’être contre, il y en a. Juste un exemple: pour avoir le droit de faire circuler la flamme olympique dans le département, la collectivité doit s’acquitter de la modique somme de 180 000 euros ! Ne sont pas comptés les frais de logistique, les 1 000 personnels de sécurité mobilisés, les heures d’embouteillages… 

Philippe Nanpon

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Le feu sacré

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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