Priscillia Ludosky, Amine Kessaci et Martine Nourry

[La peste] 30 euro-députés racistes, c’est pas possible !

6 / RENCONTRE AVEC PRISCILLIA LUDOSKY, AMINE KESSACI ET MARTINE NOURRY

Priscillia Ludosky, figure des Gilets jaunes en France, et Amine Kessaci, porte-parole  des jeunes de quartiers Nord de Marseille, ont rejoint Martine Nourry, autre figure des Gilets jaunes à La Réunion dans le cadre de la campagne pour les élections européennes. Sur la liste des Verts, ils représentent la France de la diversité, celle qui fait un vrai barrage à l’extrême-droite.

Dans le cadre de notre série sur la montée de l’extrême-droite, « la peste », Parallèle Sud a choisi de rencontrer trois candidats aux élections européennes : la figure nationale des Gilets jaunes Priscillia Ludosky, Amine Kessaci (seulement 20 ans) qui défend les jeunes des quartiers Nord de Marseille et Martine Nourry elle aussi figure des Gilets jaunes sur notre île. Ce choix s’appuie sur leurs profils respectifs.

Ils ont en point commun de n’être encartés nulle part, de savoir mieux que quiconque ce qu’est le racisme et de combattre les idées d’extrême-droite qui se répandent en Europe, en France et à La Réunion. Leur présence sur la liste d’Europe Ecologie les Verts, en 9ème, 10ème et dernière position, est secondaire à nos yeux… même si c’est très important pour eux ! Rencontre donc avec des trois jeunes résistants à la « Peste brune ». Fachés et anti-facho. 

Amine Kessaci : « Ce qui fait peur, c’est que des sondages donnent l’extrême-droite à plus de 30%. »

« Ce qui fait peur, c’est que des sondages donnent l’extrême-droite à plus de 30%, ce qui veut dire 30 députés racistes au parlement européen, et ça c’est pas possible », résume Amine Kessaci.  Ce fils d’Algériens milite contre les discriminations. À 16 ans, il a fondé l’association Conscience qui aide à l’insertion des jeunes. Après le décès de son frère ainé, tué par les trafiquants de drogue, il s’est également attaqué au narco-trafic en privilégiant la prévention et l’éducation plutôt que les opérations de communication autour de la répression.

La police française la plus meurtrière d’Europe

Sa profonde colère le pousse aujourd’hui à proposer des « solutions de gauche et écologiques », loin des raccourcis faciles vers le coup d’éclat ou le populisme. « On peut encore faire bouger les lignes en entrant dans les institutions », renchérit Priscillia Ludosky dont la pétition en mai 2018 contre la hausse de la taxe sur les carburants avait été à l’initiative du mouvement de protestation des Gilets jaunes.

Elle a gardé ses colères intactes, notamment contre les répressions : « En matière de violence policière, la France est le pays d’Europe qui tue le plus. » Et elle insiste sur la répression judiciaire des militants en outre-mer. Mais elle veut croire en la complémentarité de la désobéissance civile et de l’action politique traditionnelle.

Martine Nourry : « Notre chemin, c’est passer du fâché à l’engagé. Comment passer du volcan qui pète à quelque chose qui donne de la joie, de l’espérance, de l’envie de faire ensemble. »

Martine Nourry, qui est passée de l’engagement sur les ronds-points à l’action associative, entend répondre à la revendication exprimée par les Gilets jaunes « d’un vrai besoin de transformation de la société ». Elle déconstruit le « mensonge de l’extrême-droite » (Rassemblement national, Patriotes, Reconquête) et de ses « solutions simplistes dans un contexte complexe » : « Notre chemin, c’est passer du fâché à l’engagé. Comment passer du volcan qui pète à quelque chose qui donne de la joie, de l’espérance, de l’envie de faire ensemble. »

L’extrême droite vote contre les gens

Tous trois se veulent représentatifs des quartiers populaires et des outre-mer qui sont « au ban de la France ». Amine Kessaci pointe du doigt la responsabilité des forces de gauche dans la montée des extrêmes. Elles sont responsables d’avoir « abandonné » les plus précaires. Pour Priscillia Ludosky, le bilan du gouvernement d’Emmanuel Macron est « catastrophique à tous les niveaux » : social, écologique, sur le recul des libertés… Ce qui favorise la montée des extrêmes.

Mais il suffit, selon elle, d’aller « dans le fond du programme du Rassemblement national » ou d’observer le vote des députés de l’extrême-droite pour se rendre compte qu’ils votent des mesures antisociales : contre le minimum européen, contre l’obligation de payer les stagiaires, contre la refondation de la politique agricole commune pour que les agriculteurs aient un revenu digne, contre les revalorisations du travail des soignants… « Ils parlent de nous contre eux. Mais c’est eux qui votent contre nous », assène-t-elle. « En plus ils sont favorisés par Bolloré qui concentre les pouvoirs médiatiques. » « C’est un danger ce qui est dit à la télé ».

Priscillia Ludosky : « Bolloré concentre les pouvoirs médiatiques. C’est un danger ce qui est dit à la télé. »

Martine Nourry leur dénie leurs soi-disant origines populaires : « Quand on voit ceux qui se présentent, d’un point de vue sociologique, c’est ban gro zozo. » « Ils se partagent le pouvoir en famille, on a du Le Pen dans le Rassemblement national et dans Reconquête. » Elle souligne leurs discours en France contre les outre-mer, qui coûteraient cher à cause du RSA et à La Réunion contre les Mahorais et les Comoriens, et à Mayotte contre les Comoriens.

Racisme décomplexé sur les réseaux sociaux

« Ils trouvent toujours un plus faible que l’autre et c’est un discours intenable qui défend les privilèges de sak i resanm a mwin contre les autres». « Avec une extrême-droite qui prend le pouvoir, mon marmay n’ira pas faire ses études en France », lance-t-elle. Et d’imaginer les contrôles de police au faciès au sein de l’Europe

Amine Kessaci pointe la responsabilité d’un « système colonialiste qui perdure » dans la pression migratoire qui renforce les réactions extrémistes. Il relève par exemple que les flottes de pêche européennes appauvrissent les ressources en Afrique et poussent des pêcheurs sénégalais à devenir passeurs clandestins. 

Les dérapages de l’extrême-droite ont envahi le paysage médiatique mais également l’espace numérique où les minorités, notamment les femmes noires, sont régulièrement agressées. Priscillia Ludosky en a fait les frais de la part de Jean-Marie Le Pen contre qui elle a déposé une plainte qui a été classée sans suite. Le racisme sur les réseaux sociaux et l’absence de réaction de la part de la justice finissent par décourager celles et ceux qui en sont victimes.

« Je veux faire entendre les voix niées, les voix de ceux qu’on n’entend pas, les voix des populations des outre-mer », insiste-t-elle. Si leur liste (Europe Écologie Les Verts) atteint les 10% de suffrages exprimés, Priscillia Ludosky et Amine Kessaci siègeront au Parlement européen. Ce qui leur procurera un porte-voix encore plus fort pour défendre leurs valeurs.

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

Articles suggérés