CONSTRUCTIONS ILLEGALES
Depuis qu’ils sont devenus propriétaires en 2018, Cyril et sa compagne Agnès enchaînent les déconvenues. Ils dénoncent notamment l’obtention d’un “faux permis de construire”. L’homme qui leur a vendu leur maison, cadre à la mairie de la Possession, construit dans la ruelle sans respect des normes et des lois, avec l’intervention des employés municipaux. Pour le couple, la justice et la municipalité ne prennent pas la juste mesure de la situation.
“On va faire appel”, informe Me Guillaume Darrioumerle, l’avocat de la partie civile. “On vient d’avoir un jugement civile qui condamne le mis en cause pour abus du droit de propriété. Il doit payer 5000 euros de dommages et intérêts, on avait pourtant soulevé énormément d’arguments juridiques, mais le reste n’a pas été retenu.”
Pour Cyril, musicien, et Agnès, aide-soignante, c’est la déception. Cela fait 6 ans que le couple vit dans une situation rocambolesque et déploie une énergie phénoménale pour tenter d’en sortir et de faire reconnaître son préjudice. Mais les deux décisions judiciaires de première instance en leur faveur (pour constructions illégales au pénal et pour abus de propriété au civil) sont insuffisantes selon eux.
Fosse septique maron
Le 23 février 2022, au lendemain du passage du cyclone Emnati, leur jardin s’effondre, révélant la fosse septique maron d’environ deux mètres de profondeur qui acheminait jusque là les eaux usées des maisons avoisinantes. “J’ai failli tomber”, fait remarquer Agnès. C’est le point godwin du conflit qui est né dès l’achat de leur maison en juillet 2018 avec l’ancien propriétaire, également leur voisin et cadre à la mairie de la Possession, Karl Bomela.
Fin 2017, le couple repère un lot de deux maisons vendues via le Bon Coin, à la Possession, impasse des zattes. L’annonce correspond à ce qu’ils recherchent, une maison pour eux, une pour le papa d’Agnès, le prix est abordable, 120 000 euros les deux maisons d’allure modeste. “Le vendeur se présente comme un cadre de la municipalité, responsable des affaires scolaires, on était en confiance”, relate Cyril.
Pourtant, dès le début, des signaux auraient pu leur mettre la puce à l’oreille. “A l’époque, on était très naïf, on vivait dans le monde des bisounours ! On a fait confiance, on était complètement manipulé”, précise le couple avec le recul, reconnaissant volontier que cette affaire leur a “ouvert les yeux sur beaucoup de choses”. En effet, le propriétaire de la petite maison de 35m2 souhaite alors leur vendre avec 6 locataires vivant à l’intérieur dont une femme enceinte. “On a refusé, on est pas des marchands de sommeil !” s’exclame Cyril. Les acheteurs s’entendent pour faire l’acquisition de la seconde maison un peu plus tard et signent le compromis de vente de la première maison devant notaire.
10 000 euros en liquide
La semaine avant la vente, ils constatent que le cadre municipal à condamné les fenêtres du salon avec du placo pour “protéger du bruit des voisins”. Cyril raconte que l’ancien propriétaire n’installera jamais le compteur électrique qu’il avait pourtant promis. Ils indiquent même avoir versé 10 000 euros en liquide sans preuve en avance pour la seconde maisonnette.
“Et là, peu de temps après la vente, on voit arriver une armée de gars qui installent des pilones comme pour construire un immeuble”, se souvient Cyril. “Je pose des questions à M. Bomela, il me rassure, il me dit “non pas du tout, c’est une terrasse en pilotis”. Je viens même lui donner un coup de main sur ses travaux ! Et puis là, je trouve ça bizarre, je vois que les travailleurs sur le chantier font partie du personnel de la mairie. Il y a même le camion de la mairie.” Finalement, en lieu et place d’une terrasse, c’est bien une maison sur pilotis qui se monte.
En se renseignant auprès du service urbanisme de la commune, Cyril se rend compte que la construction ne dispose pas de permis et que le propriétaire n’a déclaré qu’un abri de jardin. C’est alors qu’en creusant il découvre que sa propre maison n’a pas de permis de construire conforme.
« Les documents n’étaient pas ceux de notre maison »
“On n’arrivait pas à obtenir l’acte de vente définitif. Quand enfin on l’a reçu après avoir beaucoup insisté, on a découvert que le certificat de conformité, le permis de construire, le certificat de termites n’était pas celui de notre maison ! Des documents avaient été changés entre le compromis et l’acte final.”
“Dans l’acte de vente y avait ma pièce d’identité”, indique Cyril. “Il est allé ouvrir en mon nom un compteur d’eau pour alimenter tous les autres bâtiments. On a porté plainte pour usurpation d’identité mais elle n’a pas abouti.”
Le notaire se décharge de toute responsabilité, Cyril demande un RDV avec les cadres de la mairie et la police municipale. Il a le sentiment de jeter un galet dans la mer. En parallèle, l’ambiance se tend dans le quartier, les maisons des voisins étant très proches les unes des autres, le couple et M. Bomela se voient quotidiennement.
« Menaces et agressions verbales »
Cyril et Agnès affirment subir des menaces, des agressions verbales, des insultes régulières. “On a même eu des menaces de mort pour nous décourager d’aller en justice.”
Alors que Cyril Baudino menace de contacter la presse, les services municipaux et la maire assurent qu’ils vont “faire avancer [son] dossier”. Le couple a l’agenda politique de son côté : leur RDV tombe en plein dans l’entre-deux tours des élections municipales.
Là, contre toute attente, alors qu’à la fois le notaire de la vente et M. Karl Bomela avaient chacun de leur côté reconnu qu’il n’y avait pas de permis de construire pour la maison, Cyril et Agnès indiquent avoir reçu un appel de l’urbanisme. “Ils me disent : “on a retrouvé le permis perdu dans les archives” !
« Le permis est faux »
“On voit très bien que le permis est faux”, affirme Me Guillaume Darrioumerle. ‘C’est un sketch. La manipulation était tellement visible que le tribunal a estimé que M. Baudino auraient dû s’en rendre compte. Donc ça n’a pas été retenu, c’est une prime à l’escroquerie.”
L’arrêté municipal de la parcelle mère stipule que le propriétaire a le droit de construire deux lots. En tout, ce sont 8 maisons qui sont construites. Cyril et Agnès ne sont pas les seuls à se plaindre. D’autres propriétaires du quartiers sont également embêtés par la situation des constructions sans permis mais préfèrent arrondir les angles pour préserver les relations. L’un d’eux a fini par vendre sa maison et déménager. « J’ai vite vu que ce Monsieur qui travaillait à la mairie était intouchable », témoigne-t-il. « J’ai demandé aux autres voisins et ils m’ont répondu que ça ne les dérangeait pas. J’étais seul contre tous donc c’était pas la peine, j’ai dit je me barre. »
« M. Bomela est un gentil monsieur mais derrière il comme il veut, il a peur de rien, il est sans foi ni loi », poursuit l’ancien voisin. « La famille Bomela est là depuis toujours, elle est connue partout. »
Signalement conjoint de la mairie et de la DEAL
« Nous avons conjointement avec la DEAL fait un signalement au tribunal dans le cadre d’un contentieux de l’urbanisme », affirme de son côté la municipalité par la voix de sa maire, Vanessa Miranville. « Le dossier étant entre les mains de la justice, notre pouvoir d’action s’arrête à constater le respect ou non de la décision de justice une fois qu’elle sera définitive. » Pour l’heure, l’agent aux affaires scolaires est toujours en poste. Karl Bomela a fait appel en décembre 2023 de la décision du tribunal correctionnelle qui le condamne à 3000 euros d’amende, à démolir l’agrandissement de sa maison ainsi qu’une autre construction. Les autres ont un an pour être régularisées.
Dans le dossier au civil, « on demandait aux juges de constater la responsabilité de Bomela dans la vente mais on demandait pas l’annulation de la vente, c’est ça qui nous a porté préjudice », estime l’avocat Me Darrioumerle. Il faut dire que le couple demandait aussi plus de 300 000 euros pour couvrir les préjudices subits, ce qui a pu freiner les juges.
La réponse de Karl Bomela
« Quand Cyril Baudino a acheté, il était au courant que je devais mettre le compteur d’électricité. Ca a été devant le juge et tout est bon. C’est pas moi de dire si c’est bon ou pas bon. J’ai pas vendu de maison au noir, on était devant un notaire. Ca fait 4 ans que ça dure.
Je ne ferai pas appel, j’aime pas la Justice. S’il y a une amende, je paie l’amende et c’est fini.
Concernant les maisons que j’ai construites sans permis, c’est mon problème, ca me regarde. Ca vous regarde que les maisons ne soient pas régularisées ? J’ai rien à vous dire. C’est ma vie privée. C’est quoi le problème que je travaille à la mairie? Tout le monde fait des erreurs, si on a fait des erreurs, on les répare. Je suis fier de moi, j’ai fait des erreurs, je sais lesquelles et demain je ferai mieux. Il faut tomber pour mieux se relever. »
Texte : Jéromine Santo-Gammaire
Photos : Sébastien Fontaine
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