Pour le deuxième épisode de notre dossier sur les aides au retour et la préférence régionale sur le marché de l’emploi, nous nous sommes intéressés aux actions de Ladom en faveur du retour sur le territoire d’origine.
« Le dispositif de « retour au pays » de Ladom (L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité) a été décidé par le gouvernement lors du conseil interministériel des Outre-mer (CIOM) de juillet 2023 ; il a été voté par les Parlementaires en fin d’année et, désormais, Ladom doit le décliner et en préparer les textes d’application. » C’est ce que nous avions pu lire chez nos confrères de FranceInfo en avril dernier. Nous avons contacté Saïd Ahamada, le directeur général de Ladom pour savoir ce qu’il en est aujourd’hui.
En septembre 2024 où en sommes-nous de ce dispositif de retour au pays ?
C’est un dispositif emblématique parce que c’est la première fois dans l’histoire de la République que l’Etat va financer la mobilité de l’Hexagone vers l’Outre-mer. C’est un élément important qui a été retenu par le conseil interministériel des Outre-mer (CIOM) sur la proposition que j’ai faite. Sur mes 17 propositions, 16 ont été retenues dont celle-ci. Cette proposition répond à une vraie problématique sur les territoires. Déjà parce qu’il y a une véritable demande de personnes dans l’Hexagone qui souhaitent revenir sur leurs territoires d’origine mais il y a aussi un enjeu de montée en compétences pour les territoires. Aujourd’hui on a des postes non pourvus qui pourraient l’être par des personnes originaires des outre-mer mais qui résident dans l’Hexagone. Ça a été un vrai combat et ça a fait bouger les lignes d’arriver à convaincre de la nécessité de ce dispositif qui a été repris par le gouvernement. Le projet de loi de finance en décembre 2023 a validé cette proposition de Passeport Mobilité Retour qui concernera les bénéficiaires de Ladom conformément à la volonté des parlementaires. Ce sera donc, suite à un amendement des parlementaires, réservé à ceux qui sont partis dans l’Hexagone pour leurs études ou formations avec Ladom.
Actuellement, on est sur la rédaction du texte d’application. Avant la fin de l’année, on démarre le dispositif Passeport Mobilité Retour. C’est le calendrier qu’on a depuis le début et pour l’instant, il est respecté.
En dehors du passeport mobilité retour, existe-t-il d’autres aides pour le retour au pays ?
Tous les dispositifs de Ladom incluent un billet retour. On n’est pas dans l’idée qu’on paye un billet aller pour que la personne se débrouille seule pour son retour. Que ce soit pour les études, la formation, à de rares exceptions près, il y a toujours un billet retour. Il ne faut pas croire que jusqu’à présent Ladom n’avait jamais travaillé sur le retour. On a toujours la possibilité de financer l’aller comme le retour.
On a aussi dans notre portefeuille un autre dispositif « Cadres d’avenir » qui existe à Mayotte, Saint-Martin et en Guadeloupe et en voie d’expérimentation en Martinique et en Guyane. L’objectif est de permettre à des jeunes d’être accompagnés pour ensuite revenir sur leur territoire moyennant une aide financière.
« Le dispositif Cadres d’avenir est un programme d’accompagnement d’étudiants, porté par le ministère chargé des Outre-mer dans le cadre du plan d’actions pour la jeunesse. Il a pour vocation, de former, dans le cadre d’une mobilité, de futurs cadres intermédiaires et supérieurs dont les territoires auront besoin pour assurer leur développement. Pour ce faire, les bénéficiaires s’engagent à revenir exercer dans leur DROM d’origine, leur activité professionnelle, en lien avec la formation suivie. » (Site de Ladom)
Vous avez déclaré en avril dernier que c’était la première fois que le gouvernement accepte de financer la mobilité dans le sens Hexagone vers l’Outre-mer, vous souhaitez que cette aide au retour soit un outil au service du développement des territoires, c’est-à-dire ?
Ladom a longtemps participé à la promotion de projets individuels : aider à la formation, accompagner les étudiants dans l’enseignement supérieur. Le rôle de Ladom était de rétablir l’égalité des chances entre un jeune ultramarin et un jeune hexagonal, c’était donc une mission au service des ultra-marins. Avec les propositions que j’ai faites, et le gouvernement m’a suivi là-dessus, on a souhaité mettre Ladom au service des Outre-Mer aussi. Pour être au service, il faut connaître les besoins en matière de formations, d’études ou de montées en compétence et on s’aperçoit que des compétences manquent ce qui empêchent aux territoires de se développer. On forme quand cela est possible depuis déjà quelque temps mais on propose maintenant aussi de ramener les compétences sur le territoire avec des personnes qui en sont originaires.
« Ne pas aller trop vite »
Vous travaillez avec les acteurs locaux de ce retour au pays dans les différents territoires couverts par LADOM, y en a-t-il autant dans chaque territoire, certains sont-ils plus concernés que d’autres ?
Mon parti pris ça a été de réunir toutes les associations qui avaient déjà travaillé sur ce sujet. En ce qui concerne La Réunion, on a pu travailler avec l’association « Retour au péi » notamment. Nous nous sommes réunis à Paris et nous avons travaillé pendant plusieurs mois sur le dispositif à mettre en place pour accompagner au mieux les bénéficiaires potentiels. On voulait quelque chose d’efficace, on s’est aussi déplacé sur les différents territoires pour rencontrer les acteurs locaux, les collectivités, France Travail. Tous les territoires sont différents, il était important de connaître leurs besoins spécifiques et donc de prendre notre temps car on sait qu’on est attendus au tournant.
C’est une volonté commune pour tous les territoires d’Outre-mer, ce n’est pas un dispositif inventé à Paris pour des territoires qui n’en veulent pas. Aujourd’hui, il n’y a pas un seul territoire d’Outre-mer qui n’a pas la volonté de travailler sur ce retour au pays et qui n’a pas de structures qui ont déjà commencé à le faire. Après, il y a un degré de maturité différent selon les territoires, certaines associations ont démarré il y a longtemps, d’autres ont trouvé des moyens financiers et on travaille de manière fluide avec elles. On peut noter que la Martinique a déjà de l’expérience mais ce qu’il faut retenir c’est cette volonté commune qui permettra de développer une culture commune du retour au pays. On ne revient pas au pays de la même façon lorsqu’on est originaire de Guyane ou de la Réunion. On a aussi nos équipes implantées auxquelles on demande de travailler avec les écosystèmes locaux.
Quels seront les critères d’éligibilité ?
Pour bénéficier du Passeport Mobilité Retour, il faut être passé par Ladom. C’est ce que les députés et les sénateurs ont choisi dans leur amendement. Ce n’était pas une volonté du gouvernement puisque le texte d’origine était plus ouvert. Dans le texte initial, l’idée était d’ouvrir l’aide aux personnes qui disposaient d’un projet professionnel durable, avec des compétences dont le territoire avait besoin. Constitutionnellement, il n’est pas possible de réserver une aide à un citoyen originaire d’un territoire puisqu’on ne sait pas le définir juridiquement. Comment définir quelqu’un originaire de La Réunion, est-ce que c’est avoir un parent de La Réunion, deux parents, est-ce que c’est être né à La Réunion ? Bref, on rentrait dans un débat complexe donc, soit il n’y avait pas de critères pour l’aide, donc ouvert à tous même si on sait dans la pratique que c’est surtout les ultra-marins qui reviennent, soit on ajoutait le critère d’être un ancien bénéficiaire de Ladom. D’autant plus que comme je le disais, il fallait avoir un contrat de travail. La seule possibilité de restreindre l’accès à l’aide c’était d’ajouter le critère d’être un ancien bénéficiaire de Ladom. Ça a été la solution de repli, de contournement juridique pour réserver l’aide aux ultra-marins.
Entretien : Léa Morineau