Sous couvert de lucidité budgétaire, François Bayrou propose un plan d’austérité d’une brutalité sans précédent. Derrière les milliards d’euros d’économies affichés, ce sont les plus fragiles qui paieront la note mais les privilèges restent inchangés pour les puissants.
Annoncé le 15 juillet 2025, le projet de loi de finances porté par François Bayrou promet 43,8 milliards d’euros d’économies pour redresser les comptes publics. Objectif affiché : ramener le déficit sous la barre des 3 % d’ici 2029. Mais derrière la rigueur comptable, se dessine une politique au coût social immense, dont les riches sortiront, une fois de plus, largement épargnés.
2026, une année blanche pour les droits sociaux
Premier coup de massue : le gel de toutes les prestations sociales, des salaires des fonctionnaires, des retraites et des barèmes fiscaux. Concrètement en 2026, ni revalorisation, ni indexation sur l’inflation. Une mesure qui frappe de plein fouet les familles précaires, les agents publics, les retraités modestes. « Un gel de fait du pouvoir d’achat », dénoncent les syndicats, alors que les prix continuent leur marche en avant.
Dans le même temps, Bayrou propose la suppression de deux jours fériés (le 8 mai et le lundi de Pâques) pour relancer la productivité. Une attaque directe contre le droit au repos, fruit de décennies de luttes sociales.
Santé, associations, services publics : les grands sacrifiés
Du côté des dépenses, le plan vise moins de remboursements de soins, 3 000 suppressions de postes dans les administrations (cette réduction s’inscrit dans la durée, selon la règle : 1 départ non remplacé sur 3) ce qui ne peut en aucun cas améliorer le Service Public.
Le plan Bayrou vise moins de remboursements de soins. Premièrement, la franchise médicale annuelle, c’est-à-dire la part des dépenses de santé non remboursée par la Sécurité sociale, sera doublée : elle passera de 50 à 100 euros par an. Cette mesure concernera les médicaments, les consultations médicales, les actes paramédicaux et les transports sanitaires. Elle représente environ 8 euros de dépenses supplémentaires par mois pour chaque assuré.
Deuxièmement, le gouvernement entend revoir le dispositif des affections de longue durée (ALD). Jusqu’à présent, les personnes atteintes d’une ALD bénéficiaient d’une prise en charge à 100 % de l’ensemble de leurs soins. Désormais, seuls les soins directement liés à la pathologie seront remboursés intégralement. Les soins annexes (comme les soins dentaires ou ophtalmologiques sans lien direct avec la maladie) seront donc moins bien remboursés. Cette mesure pourrait toucher jusqu’à 13 millions de Français.
Ces économie font craindre, notamment du côté des associations de patients et d’aide aux plus démunis, une hausse du renoncement aux soins, en particulier chez les personnes fragiles ou atteintes de maladies chroniques.
Le budget 2026 prévoit d’importantes réductions dans les domaines de la jeunesse, de la vie associative, de la culture et de la solidarité. Ces coupes budgétaires concernent à la fois les crédits directs alloués par l’État et les financements indirects via les collectivités territoriales.
Dans le champ de la jeunesse, du sport et de la vie associative, le budget passe de 1,5 milliard d’euros en 2025 à 1,2 milliard en 2026, soit une baisse de 300 millions d’euros, ce qui représente une diminution de 17,6 %. Cette réduction affectera notamment les dispositifs de soutien aux associations locales et sportives, ainsi que certaines structures d’engagement comme le Service national universel, dont la version actuelle ne sera pas reconduite.
Du côté de la solidarité internationale, l’aide publique au développement subira une baisse de 700 millions d’euros, ramenant les crédits à leur plus bas niveau depuis 2017. Médecins du Monde, entre autres ONG, alerte sur les conséquences désastreuses de cette décision, notamment dans les pays les plus vulnérables.
Les politiques nationales de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances verront leur budget réduit de 1,7 milliard d’euros, tandis que les ministères chargés du travail et de l’emploi perdront 1,3 milliard. La cohésion des territoires sera elle aussi touchée, avec une coupe de 900 millions d’euros.
Par ailleurs, une économie supplémentaire de 5,3 milliards d’euros est exigée des collectivités territoriales, en gelant leurs budgets à l’inflation. Cette contrainte risque de provoquer une diminution des subventions aux associations locales, qu’elles soient culturelles, sociales ou sportives. Plusieurs régions ont déjà dénoncé une « répartition injuste de l’effort budgétaire », estimant que l’État reporte sur les territoires les sacrifices demandés.
Enfin, bien que François Bayrou ait affirmé ne pas vouloir toucher aux avantages fiscaux liés au mécénat associatif (notamment la « niche Coluche »), l’Inspection générale des finances propose des pistes qui inquiètent le secteur associatif : plafonnement de la déduction d’impôt à 2 000 euros ou transformation du crédit d’impôt en simple déduction.
En résumé, les mesures annoncées visent à réduire fortement les soutiens publics aux associations et aux politiques de solidarité, au risque de fragiliser durablement un tissu associatif déjà mis à mal par la baisse des financements locaux et les réformes sociales en cours.
Les victimes ? Les hôpitaux déjà à genoux, les services sociaux saturés, les associations de quartier en première ligne face à la précarité.
Tout cela pendant que les dépenses militaires, elles, seront augmentées de 6,5 milliards d’euros. Le choix est clair : investir dans la guerre plutôt que dans le soin, l’école ou le logement.
Une « contribution exceptionnelle » pour les riches… symbolique
Certes, une taxe temporaire sur les très hauts revenus est évoquée. Mais elle reste floue, sans calendrier précis, et son rendement sera marginal par rapport aux 44 milliards d’euros d’économies attendus. La justice fiscale reste un mirage : les grandes fortunes, les multinationales, les niches fiscales les plus indécentes ne sont pas concernées. Le plan continue de ménager les puissants, au nom de la « stabilité ».
Une bombe sociale à retardement
Alors que la colère gronde déjà, ce projet d’austérité pourrait raviver les braises des Gilets jaunes. Gel social, coupes dans les services publics, mépris des efforts des plus précaires, tout est réuni pour provoquer une crise sociale majeure. Les syndicats annoncent des mobilisations à la rentrée. L’opposition, de gauche comme de droite, brandit la menace de motions de censure.
Mais le premier ministre reste inflexible, évoquant même un possible passage en force par décret ou 49.3. Comme si gouverner, c’était imposer sans débattre. Comme si redresser un pays, c’était d’abord appauvrir ceux qui le font vivre.
La rigueur pour les uns, l’impunité pour les autres
Ce plan n’est pas un budget de justice, c’est un budget de renoncement. Renoncement à la solidarité, à l’équité, à la transition écologique, presque absente de la copie finale. Alors que la dette explose, c’est encore et toujours le peuple qui paye l’addition, tandis que les plus fortunés conservent leurs privilèges.
François Bayrou prétend agir pour l’intérêt général. Il appelle au courage ? Alors ayons le courage de le dire : cette rigueur n’est ni juste, ni soutenable, ni acceptable.
Jean Fauconnet
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