L’audience devait initialement avoir lieu le 30 janvier 2025. Devaient y être jugé·e·s les cinq prévenu·e·s, dans l’affaire d’un trafic illégal et organisé de déchets dangereux de La Réunion vers l’Inde. À la demande de consultation des documents sous scellés relatifs à l’affaire par les avocat·e·s, l’audience du 21 août s’est consacrée à la photocopie de ces pièces, tandis que le fond de l’affaire sera examiné lors d’une prochaine audience, prévue le 10 novembre 2026.
Les pollueurs présumés qui ont exporté illégalement des déchets dangereux en Inde ou à Maurice viennent de gagner encore plus d’un an avant d’être jugés. « De toute ma carrière, c’est la première fois que j’assiste à une telle audience », confie Jérôme Maillot, avocat impliqué dans l’affaire. Les portes du tribunal s’ouvrent et l’audience commence. La juge annonce rapidement que, pendant plusieurs heures, ce ne sont pas les prévenu·e·s qui seront jugé·e·s, mais des documents sous scellés, photocopiés et transmis aux avocat·e·s. Parmi ces scellés, on retrouve en fait des documents administratifs tels que des passeports, des relevés bancaires, des contrats, des données informatiques, etc. Une grande caisse contenant les documents est posée sur la table de la juge, et le travail de fourmis commence. Ce nouveau report était difficile à imaginer, compte tenu de la date de la première audience et de l’enquête publique ayant révélé ce trafic. Du 1er octobre 2024, jour du démantèlement du trafic, en passant par le 30 janvier 2025, il faudra désormais attendre l’audience relais du 16 avril, puis le 10 novembre 2026 pour que les prévenu·e·s de cette affaire soient jugé·e·s. En attendant, toutes les restrictions pesant sur les prévenus ont été levées, à la réquisition du procureur ayant estimé que l’atteinte était trop forte au regard du délai de la procédure.
Tout commence le 1er octobre 2024
Pour rappel, le 6 octobre 2024, le parquet de Saint-Pierre annonçait avoir démantelé un trafic de déchets dangereux provenant de véhicules hors d’usage. Ce trafic, dont le profit est estimé à 3,5 millions d’euros, impliquait alors six personnes physiques et trois personnes morales. En réalité, le 21 août, les prévenu·e·s étaient plus nombreux·ses. Les personnes morales incluent notamment les entreprises A2P, Aldo Recyclage Réunion, le groupe Colas Transport et Environnement, le groupe RCOM.OI et l’entreprise Tout Transport AH KANE.
Dans un communiqué publié le dimanche 6 octobre 2024, le procureur soulignait que l’enquête ouverte en 2023 avait « démontré que les acteurs de ce trafic, agissant en bande organisée, ont illégalement géré et exporté annuellement près de 200 containers de déchets dangereux en mélange ».
Mais alors, pourquoi consacrer cette nouvelle audience à la photocopie des scellés ? Un scellé est en fait un objet ou un document saisi dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, placé sous la garde de l’autorité judiciaire. Ces documents sont parfois utiles aux avocat·e·s pour préparer leur défense, c’est pourquoi ils peuvent demander à les consulter. C’est exactement ce qu’il s’est passé ce 21 août. Or, normalement, ces consultations ne mobilisent pas une audience entière afin d’éviter justement des procédures à rallonge. Ces demandes peuvent se faire au greffe, ou au dépôt des scellés.
L’environnement et la santé publique, la dernière roue du carosse ?
Le jugement de cette affaire est à nouveau repoussé. La date lointaine de novembre 2026 a été évoquée à l’audience. Quelles en sont les raisons sous-jacentes ? Peut-on supposer un manque de personnel au tribunal de Saint-Pierre, dédié aux affaires de santé publique et d’environnement ? Le 25 mars 2026, Parallèle Sud avait également assisté au renvoi d’un procès concernant le stockage irrégulier d’une centaine de tonnes d’amiante dans la Plaine Saint-Paul.
Ce renvoi, accepté à la suite de la demande d’un·e prévenu·e, avait laissé la résolution de cette affaire en suspens, et les big-bags d’amiante à l’air libre, dans une bâtisse non sécurisée de la Plaine Saint-Paul. Les pollueur·se·s, ne seront pas jugé·e·s avant le 10 mars 2026. Pourtant, l’amiante, elle, n’attendra pas mars 2026 pour impacter l’environnement et les habitant·e·s du quartier de la Plaine Saint-Paul.
Alors, quelles sont les réelles conséquences du renvoi de ces affaires ? Et peut-on légitimement se demander si les dossiers liés à l’environnement et à la santé publique sont les dernières roues du carrosse ?
Pour ce qui est de l’affaire du jour, le flou persiste sur le lieu de stockage de ces déchets dangereux en Inde et à Maurice, ainsi que sur la nature de ces déchets. Y a-t-il beaucoup d’habitant·e·s qui, sans le savoir peut-être, vivent à proximité de ces déchets et sont impacté·e·s par leur présence ?
Hélas, l’éloignement nous empêche d’aller constater le fin mot de l’histoire pour cette fois. Il nous faudra donc attendre, au mieux, novembre prochain pour connaître le dénouement de ce jugement, et croiser fortement les doigts pour ne pas assister à un nouveau renvoi.
Sarah Cortier
⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.