CE QU’IL FAUT DE NUIT DE LAURENT PETITMANGIN (MANUFACTURE DE LIVRES — RÉÉDITION LIVRE DE POCHE)
C’est le premier roman de Laurent Petitmangin, réédité en livre de poche cette année. Prix Fémina des lycéens à sa sortie, prix des lecteurs du livre de poche 2022. Il ne laisse pas le lecteur insensible.
On aime (ou on n’aime pas) le style direct, un peu brut de l’auteur, mais c’est tellement réaliste, sensible, poignant, riche d’une humanité qui se perd.
En Lorraine, le narrateur, père de famille, raconte la vie des siens brisée par la longue maladie puis le décès de la « moman » et la vie qui reprend avec ses deux garçons adolescents puis adultes. Pendant trois années, ce père et ses deux garçons auront vécu avec la maladie, passant des heures et heures à l’hôpital et mettant la vie de famille entre parenthèses. Ils apprennent alors à « vivre à trois » sans elle, à se redécouvrir, à construire l’avenir.
Ce père, cheminot, encarté PS, passionné de football (son fils « Fus » le pratique), et les matchs du FC Metz, club phare de la région, rythment les week-end. Ce père veut apporter le meilleur à ses enfants, vante les mérites de l’école, du travail. L’équilibre familial est parfois fragile, la communication parfois difficile. Son autre fils, Gillou qui fera, au prix de gros sacrifices, de brillantes études à Paris, fait la fierté de son père.
Mais les convictions de ce « père courage » seront ébranlées par le chemin que prend l’autre de ses fils qui s’acoquine avec le Front National… L’incompréhension est totale, le père ne comprend pas, essaie d’expliquer, de convaincre, avant de plus ou moins abdiquer. De fil en aiguille, Fus plonge jusqu’à l’irréparable.
Sans jamais tomber dans le pathos ni dans le jugement, on se prend d’empathie pour ce père qui ne baisse à aucun moment les bras, reste droit dans ses convictions et ses valeurs. La vie réserve, à tous, ses drames, petits ou grands. On ne peut s’empêcher de se demander comment nous aurions réagi dans la même situation…
Laurent Petitmangin écrit tout cela avec justesse, raconte aussi sa région sinistrée, son patois, ses gens. L’histoire aurait pu être sordide, l’auteur nous livre pourtant un récit diablement lucide et émouvant qui « remue les tripes ». La vie n’est pas toujours ce qu’on aimerait qu’elle soit, mais l’amour qu’on porte aux siens est indéfectible.
Dominique Blumberger
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