Encore un roman sur la Grande guerre (celle de 14-18…), sans doute, mais un roman multi-primé, qui vaut autant par son intrigue et son originalité que par son contenu historique.
De très nombreux prix !
Paru en 2022 aux Editions Aux forges de Vulcain, ce roman de Gilles Marchand collectionne les prix littéraires… Prix du meilleur roman francophone, Prix Libr’à nous, Prix Domytis, Prix La Boétie, Prix La Passerelle, Prix littéraire des villes sœurs, Prix Librairie Lamartine, … et surtout Prix des libraires 2024 et prix des lecteurs du livre de poche 2024. Rarement un roman (fiction) aura été autant primé, preuve qu’il a su séduire de nombreux lecteurs et de nombreux critiques.
L’histoire en quelques mots
Le narrateur, « poilu » rentré de la guerre manchot (il a perdu sa main gauche), a décidé de consacrer sa vie à la recherche des « disparus » de la Grande guerre. Contacté par Mme Joplain, bourgeoise très riche, il essaie de retrouver son fils Emile dont elle n’a plus aucune nouvelle. Celui-ci, poète dans l’âme était tombé amoureux d‘une jeune Alsacienne (donc Allemande à l’époque) employée de maison de ses parents. Petit à petit, grâce à des recherches et divers témoignages, il retrouve le parcours d’Emile , blessé, déplacé sur différents fronts et de son amoureuse, qui elle-même a cherché à le retrouver sur les champs de bataille et que de nombreux blessés ont surnommée « la fille de la Lune ».
Un intérêt historique indéniable
Pour écrire son roman, l’auteur a fait de nombreuses recherches. Il y évoque Blanche Maupas qui a cherché à faire réhabiliter son mari et plusieurs de ses compagnons d’armes et les difficultés rencontrées. Il y évoque surtout la guerre, les tranchées, certaines batailles : Verdun, la Somme, le Chemin des Dames… sans rien occulter des horreurs qui vont avec, ni des souvenirs qu’elle a laissés. C’est parfois très « dur » à lire, mais quand on termine le roman, on se dit vraiment, plus jamais ça !
Une écriture qui se rapproche de celle de Boris Vian
Gilles Marchand est loin d’un être un écrivain « inconnu ». Il a notamment écrit Requiem pour un Apache, encensé par la critique, ou le Second Souffle. Dans le Soldat Désaccordé, il y a bien sûr une intrigue solide, étayée par des faits historiques, mais il y a aussi et surtout une plume. Il décrit toutes les atrocités d’une guerre terrible et inhumaine, mais aussi une belle histoire d’amour (voire deux, car car son histoire avec Anna y est également racontée) dans un style à la fois très poétique et souvent assez fantaisiste, qu’on pourrait rapprocher de celui de Boris Vian.
Ce roman vient de sortir en format livre de poche, et mérite vraiment d’être lu !
Dominique Blumberger
Extraits :
« La guerre, quand tu y as goûté, elle est dans ton corps, sous ta peau. Tu peux vomir, tu peux te gratter tout ce que tu veux, jusqu’au sang, elle ne partira jamais. Elle est en toi ».
« J’ai vu des animaux exploser, j’ai vu des hommes ramasser des morceaux d’eux-mêmes, en nettoyer la boue et tenter de les recoller ». […]
« J’avais eu l’occasion de rencontrer beaucoup de spécialistes. Ils m’avaient confié à quel point ils avaient été désemparés par l’arrivée de ces patients qui souffraient d’hallucinations terribles, de tremblements irrépressibles, de ceux qui se levaient au milieu de la nuit en poussant des hurlements à réveiller les morts ».
« Des bruits, des explosions. Le ciel qui devint blanc. Le sol qui vibra. Le fracas. Une tempête de métal et d’acier qui fit trembler le monde. Ses oreilles qui sifflèrent. Elle avançait tout droit, elle ne savait qu’aller tout droit. Un corps devant elle. C’était lui ! Elle se pencha. La moitié d’un homme à qui on avait retiré le bassin et les jambes. Il souriait ».
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