[LIBRE EXPRESSION]
C’est par un vote unanime du Sénat ce 16 février 2022 que la loi protégeant les lanceurs d’alerte a été adoptée par le Parlement. Issue d’une proposition de loi soutenue par le député Sylvain Waserman (MoDem), cette loi transpose en droit français une directive européenne de 2019, en allant au-delà du droit européen, et corrige des imperfections de la loi pionnière, dite Sapin II, de 2016.
Le lanceur d’alerte est désormais défini comme « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, ou une violation d’un engagement international de la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. »
C’est bien à cette définition que correspondaient les révélations de Irène Frachon (Médiator), Marine Martin (Dépakine), Raymond Avrillier (corruption dans les marchés publics de l’eau), Amar Benmohamed (racisme et maltraitance dans la police), rescrits fiscaux de Luxleaks (Antoine Deltour et Raphaël Halet) et tant d’autres.
N’oublions pas les plus célèbres : Julian Assange, privé de liberté depuis dix ans et menacé d’extradition aux Etats-Unis où il risque, pour trahison, 175 années de prison. Les médias du monde entier ont repris ses révélations sur les crimes de guerre d’unités américaines en Iraq . Citons encore Edward Snowden, réfugié en Russie, qui a mis au jour l’espionnage international de l’agence américaine NSA.
Toutes et tous ont agi pour l‘intérêt général
La loi prévoit que les lanceurs d’alerte n’ont plus l’obligation d’en référer à leur supérieur hiérarchique mais directement à l’autorité administrative ou judiciaire responsable, ces dernières doivent répondre dans un délai fixé. Elle leur permet également de faire un signalement public s’il y a urgence grave et imminente ou danger.
Les lanceuses et lanceurs d’alerte ne seront plus seuls mais pourront être aidés par des « facilitateurs » qui peuvent être des personnes physiques ou morales, syndicats ou associations par exemple.
Ils et elles peuvent disposer d’informations et cela ne pourra pas leur être reproché si leur statut est bien établi et la procédure légale respectée.
Une provision pour frais de justice pourra leur être allouée (payée par la partie adverse) si nécessaire.
Les interdiction des représailles à leur encontre sont fortement renforcées par rapport aux dispositions de la loi Sapin II. Les lanceuses et lanceurs d’alerte auront une protection en cas de menaces et de licenciement.
Le rôle du Défenseur des droits est élargi et un nouveau poste d’adjoint, chargé de la protection des lanceurs d’alerte est créé.
Des sanctions contre les procédures-baillons sont fortement accrues, passibles d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € . Au civil, l’amende peut aller jusqu’à 60 000 €.
Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession et membre-fondateur de la Maison des lanceurs d’alerte (MLA), salue cette belle avancée du droit positif des citoyens. La MLA a accompagné 316 lanceurs d’alerte depuis le 22 octobre 2018, dont 185 nouveaux dossiers en 2021. Ce qui indique assez la nécessité des alertes.
Les lanceuses et lanceurs d’alerte sont les sources des journalistes et le SNJ espère que cette loi puisse s’imposer en contrepied de la loi inique sur le secret des affaires.
Comme la MLA, le SNJ sera très attentif à la mise en place de cette loi : les décrets d’application et l’installation de différentes dispositions dans les entreprises, administrations et lieux appropriés.
Syndicat national des journalistes SNJ, Paris
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.