KILTIR
Comment continuer à offrir une programmation riche et variée en ces temps de restrictions budgétaires. Nous avons rencontré David Picot, le directeur de Lespas Leconte de Lisle, à Saint-Paul, pour nous l’expliquer.
David Picot, comme l’an dernier le premier spectacle de la saison est programmé le 14 février, n’est-ce pas un pari risqué ?
C’est la question que nous nous sommes posée l’an dernier, Aurus était programmé à cette date. Nous avons aussi sondé nos spectateurs pour savoir ce qu’ils en pensaient. Il en ressort qu’on peut avoir envie de venir au spectacle quand on est célibataire, mais aussi que c’est une occasion de sortie en couple. Nous avons programmé Les Femmes du jazz le 14, une proposition adaptée à cette événement, et rapidement on a affiché complet ; du coup, on a ajouté le 15 le même concert à notre programmation, et les trois quarts des billets sont déjà partis. Comme pour bon nombre de nos spectacles.
Il faut réserver autant à l’avance pour avoir une chance d’avoir une place ?
Depuis le covid, d’une manière générale, les gens se décident souvent au dernier moment. A Lespas, comme nous avons la particularité d’avoir une petite jauge, on sait qu’il faut réserver. Et on réserve, même si c’est moins rapidement qu’auparavant.
Lespas a un public fidèle ?
Notre programmation est éclectique et diversifiée. Nous avons un noyau dur de public qui aime la découverte, qui nous fait confiance. Et puis nous avons différents publics plus spécifiques en fonction de nos propositions.
Et le public des Hauts ? Il vient au théâtre ou bien Lespas se délocalise ?
Dana Virama fait un travail formidable avec la Kaz Marron. On y organise maintenant Zénérasyon Maloya, avec la volonté là aussi de mélanger des formes électriques et des formes traditionnelles de maloya. Pour autant, avant que des groupes ou spectacles issus des hauts de Saint-Paul se produisent à Lespas, on y invite les gens, pour désacraliser le lieu.
Tous les budgets sont en baisse, votre fonctionnement n’en souffre pas ?
On a fait le choix de la prudence cette année, avec plus de projections et de conférences, et nous avons bon espoir que la ville et la Région nous soutiennent à la même hauteur que l’an dernier. Mais les hausses de salaires mécaniques et l’inflation nous obligent à rester prudents.
Le malheur, c’est la suspension du Pass Culture grâce auquel les établissements scolaires peuvent venir au spectacle. Nous accompagnons aussi les chefs d’établissements qui, parfois, ne profitent pas de leurs droits à ce dispositif par manque d’information ; ils deviennent alors des clients réguliers. Pour l’instant, les séances scolaires sont maintenues. Notre programme est d’abord diffusé aux établissements scolaires de Saint-Paul, puis plus largement, car on vient de loin parfois, du Tampon ou de Saint-André par exemple. Dans ce cas, on organise en parallèle une visite historique de Saint-Paul aux élèves pour amortir le transport.
Il y aura le 14 février Les Femmes du Jazz, une création, de quel autre spectacle vous êtes très fier ?
On a une très belle proposition du chorégraphe Didier Boutiana, Le Sel de la Terre. Sa dernière création a été conçue pour les grandes scènes, il l’a réadaptée pour de plus petits théâtres comme le nôtre. Avec autant de danseurs – ils sont neuf sur le plateau, sans en faire une petite forme, mais en réduisant un peu les coûts en mutualisant avec d’autres salles.
Mais encore ?
Nous proposons de la musique classique, c’est assez rare à La Réunion et Vita Bella, comme chaque année, avec le partenariat du théâtre Lucet-Langenier où Catalina Skinner et Pierre-Yves Binard viennent donner leurs masterclasses. On n’a pas souvent l’occasion de voir et d’entendre un tenor et une mezzo soprano. On a aussi un partenariat avec Michel Bourdoncle, pour Congyu Wang un concertiste singapourien installé par amour à La Réunion. Il donne des concerts dans le monde entier, c’est une occasion inespérée d’accueillir un pianiste de cette envergure. Nous sommes aussi la seule salle de l’île à posséder un piano demi-queue, il faut en profiter.
Du théâtre peut-être?
Il y a Crache, des Réunionnais installés dans l’Hexagone, que j’ai raté à Avignon mais qui m’a été conseillé par le Séchoir et les Bambous qui, eux, l’ont vu. On se fait confiance, on travaille en concertation à Avignon et on se partage le travail car on ne peut pas tout voir.
Il y a toujours des festivals ? Sept Soleil Sept Lunes ou encore Komidi ?
Bien sûr. Sept Soleil Sept Lunes est maintenant programmé en mars, grâce à la mairie qui nous suit, pour éviter l’embouteillage des programmation de la fin de l’année. Nous avons aussi un partenariat avec le Théâtre de Plein Air qui est complet à chaque fois, il y a un public pour le flamenco ou le fado. D’ailleurs, en première partie cette année, on va programmer le Kréol Sete Soi Band, la réunion de tous les Réunionnais qui ont bénéficié d’une résidence avec ce festival qui regroupe douze pays et cinquante villes. Ce groupe d’anciens du festival reprend des morceaux en portugais, en espagnol, en italien avec des arrangements locaux ; c’est un projet magnifique qui a impressionné tous ceux qui ont déjà eu la chance de l’entendre. On aura aussi, en clôture, le retour de Kaloupilé qui se reforme quarante-cinq ans après.
Quant à Komidi, nous sommes maintenant force de proposition pour leur équipe. Notamment pour Un Songe, une création qui s’est faite ici et qui jouera à Avignon cette année.
Vous m’avez parlé de beaucoup de projections et de conférences ?
Les conférences sont appréciées, souvent à guichet fermé, ça marche bien. Les films et captations fonctionnent aussi très bien. Pour les enfants, pendant les vacances, on fait le choix d’un animé avec du fond, il faut que ça ait un sens. En plus des captations des spectacles du théâtre Vollard, nous allons diffuser une pièce de Sham’s, une traduction en créole de Feydeau qui avait eut un grand succès à l’époque. Il y aura aussi une journée avec l’association Horizon qui propose trois films puis une soirée dans la cours. Enfin, l’association des cinéastes de La Réunion que l’on héberge nous propose une de leurs créations agrémentée de trois autres courts métrages de leur choix.
Propos recueillis par Philippe Nanpon
Pour les dates de programmation, se référer à lespas.re
⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.