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Université de La Réunion

L’Université, foyer de l’intelligence de l’Homme réunionnais

LIBRE EXPRESSION / JOURNAL DE PAUL HOARAU

L’actualité française de ces dernières semaines a été largement consacrée à la crise politique autour de la nomination d’un premier ministre et de la constitution du Gouvernement, maintenant connus.

Tout le monde a dit, pendant cette crise, se positionner en fonction de ce qu’a demandé le peuple à travers les dernières élections. Le problème est que la demande du peuple a été filtrée à travers les interprétations des partis. La volonté du Peuple n’a pas été réellement prise en compte par eux. C’est à ce niveau que la démocratie ne trouve pas son compte et qu’il y a crise.

A La Réunion, notre intérêt pour le reste du  Monde ne doit pas nous faire oublier notre responsabilité pour La Réunion. Ici,  il n’y a pas d’un côté ceux qui sont Réunionnais parce qu’ils pensent comme nous et ceux qui ne sont pas Réunionnais parce qu’ils ne pensent pas comme nous. Tout le monde – le Peuple – est Réunionnais et tout le monde doit trouver ensemble  les fondamentaux réunionnais.

Dans mon dernier « Journal » j’ai traité de la reconnaissance et de la responsabilité du peuple comme condition d’un développement serein. J’ai précisé que cette condition était en amont du problème de statut. J’ai précisé et je persiste, que le non-respect de cette condition était la cause des guerres en général et des guerres coloniales si cruelles, en particulier. Mais à l’intérieur de cette responsabilité générale du peuple, il y a, à l’intérieur de chaque peuple, des responsabilités particulières : la responsabilité des zarboutan (les hommes de foi, les intellectuels, les artistes) ; la responsabilité des politiques, des professionnels ;  la responsabilité des acteurs de terrain. Tout ce monde doit exerçer ses responsabilités particulières dans le cadre d’un consensus sur « les Fondamentaux ».  

Les universitaires font partie des « intellectuels ».  C’est très joli les bâtiments, les équipements, les organigrammes, les publications, etc. mais que trouvons-nous à l’intérieur de tout cela ? Il ne suffit pas que l’Université soit un pourvoyeur de diplômes.  L’universitaire est aussi un chercheur. En même temps que dans son enseignement, dans sa recherche il travaille sur la matière universelle de notre Peuple et sur l’information qui révèle son identité particulière.

Si l’universitaire – ou tout autre responsable – prétend donner à la matière universelle réunionnaise une information particulière  qui ne serait pas la sienne, ce sera l’échec absolu.  Sa mission d’intellectuel sera, en même temps que l’information de l’Homme Réunionnais universel, la recherche de l’information particulière qui l’identifie. C’est la conjugaison de ces deux élements qui font la personne, qui donne sa personnalité à l’Homme Réunionnais, qui fait le Peuple Réunionnais. Sinon, il n’y a pas de personne, donc d’humain, donc de responsabilité.  L’Université doit être, entre autres choses, un foyer de l’intelligence de l’Homme réunionnais.

Le résultat de cette formation et de cette recherche sera le fruit d’un dialogue entre l’expertise scientifique de l’Université et l’expertise de terrain des acteurs du pays. Devant la modeste réalisation rurale des Lucioles  de Grand Galet où je me trouvais il y a trois semaines, comme devant d’autres réalisations d’acteurs locaux dans d’autres domaines ruraux, artisanaux, industriels, etc.,   je me suis posé la question de l’existence de ce dialogue, ici.  

Plus largement, l’Université de La Réunion devra être un foyer de l’intelligence indianocéanienne dans laquelle se situe La Réunion. D’où la resurrection de la vieille idée de « l’Université Indianocéanienne ». Parce que l’Indianocéanie est le métissage des vieilles civilisations d ‘Afrique, d’Asie et d’Europe que les hommes et les femmes qui ont peuplé nos terres, ont apportées avec eux et métissées. Si l’Histoire et la Politique, pour ce qui concerne particulièrement La Réunion, ont fait des Réunionnais des Français, les Réunionnais qui se sont faits dans le même temps, sont aussi Indianocéaniens. C’est le positionnement Indianocénien qui caractérise l’Université Française de La Réunion, des autres Universités Françaises d’Europe, d’Afrique et d’Amérique.

A côté des problèmes sociaux et administratifs qui se posent, j’ai voulu insister sur cette vocation essentielle de l’Université, à savoir : la formation de compétences sans doute, mais aussi la formation des hommes et des femmes qui feront La Réunion et  qui seront le Peuple Réunionnais responsable de son développement à travers ses acteurs, dont les universitaires.

Je rédigeais cet article quand j’ai eu connaissance du discours de Jean-Pierre Chabriat, conseiller régional, au comité de pilotage du « Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation ». Je ne peux pas m’empêcher de retenir quelques citations de ce discours qui me paraissent à la hauteur de la responsabilité politique de la Région : «  Il est essentiel, plus que jamais, de construire des passerelles là où certains voient des barrières, d’entretenir l’espoir là où l’incertitude pourrait s’installer, ici, à La Réunion ».  « Ce schéma est le fruit d’une longue concertation que nous souhaitons la plus inclusive possible. Il servira de guide pour les politiques régionales en matière d’enseignement supérieur et de recherche . Ce document est une vision ambitieuse où se conjuguent excellence académique,  innovation scientifique, recherche de pointe et solidarité humaine, afin d’offrir à chaque Réunionnais un avenir prometteur et épanouissant. » –  Les initiatives prises « ont permis d’instaurer une vision à long terme et d’établir un cadre confirmant la Région comme chef de file dans la structuration de cet espace. » – « Bien que l’enseignement supérieur relève traditionnellement de la compétence de l’État, il est de notre responsabilité en tant qu’élus, de prendre en main notre destin commun et de répondre aux besoins spécifiques de notre territoire, de nos concitoyens. Le défi est immense, mais ensemble, il est à notre portée. » –  Nous ne manquerons pas de citer ce passage : « Parce que la coopération et l’intégration régionales sont au cœur de notre projet de société, notre double appartenance à l’Océan Indien et à l’Europe constitue un atout que nous devons pleinement intégrer dans le schéma ». Cette autre citation n’a pas manqué de retenir mon attention : «  Je suis convaincu que l’enseignement supérieur n’est pas seulement un lieu de transmission de savoir. Comme l’a souvent  souligné Abdou Dioui, c’est l’espace où se forment les esprits critiques, les leaders de demain, les citoyens responsables et engagés. » – Enfin, je n’arrêterai pas ces citations sans  la conclusion du discours : « Le défi qui nous attend est celui de l’intelligence. De l’intelligence individuelle, bien sûr, mais surtout de l’intelligence collective, cette capacité à anticiper les changements, à ouvrir de nouveaux horizons pour nos enfants et à créer des perspectives de développement inédits pour notre île. »

Les passerelles pour un dialogue ouvert, la responsabilité politique locale du développement de l’île,  le service de l’intelligence personnelle et collective par les Réunionnais, avec les Réunionnais et pour les Réunionnais à travers ces citations,  ne sont-ils pas les éléments du « PROJET D’UN PEUPLE »  sur lequel nous sommes un certain nombre à travailler et  sur lequel les 696 000 électeurs Réunionnais seront appelés à se prononcer par référendum ? Les voix réunionnaises sur l’essentiel se multiplient. Ne perdons plus notre temps.

Paul Hoarau

Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.

L’Université à La Réunion

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.