école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire

[Madagascar] À Nosy Iranja, la maîtresse porte la survie de l’école

REPORTAGE

Quand on arrive sur l’île de sable blanc, il faut emprunter la route qui part en direction du sommet. Là se trouve la petite école de l’île Nosy Iranja, dans le nord-ouest de Madagascar. Une maîtresse pour 85 élèves, des conditions d’enseignement et d’apprentissage très éloignées de ce que nous connaissons à La Réunion. Et pourtant, ça se situe à 1h50 de vol de l’île intense. Parfois, il est bon de décentrer son regard. Parallèle Sud a vocation dès que cela est possible à s’extraire du prisme réunionnais pour voir comment ça se passe ailleurs dans l’océan Indien, notre zone géographique, à proposer d’autres lectures du monde, à créer de nouveaux liens.

« Aujourd’hui ils sont 80 élèves, il y en a 5 qui sont absents« . La maîtresse de Nosy Iranja, Anicette Zafimina, est la seule enseignante de la petite école. Elle est arrivée d’Ambanje en 2020. « Avant il y avait une autre professeur, mais avec le Covid elle n’a pas été payée et elle est partie. Moi je reste parce que je n’aime pas voir les enfants abandonnés.« 

  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire

Ce matin, Sophie, une professeur de danse de La Réunion de l’association Contre-temps, en vacances sur l’île, à proposé à l’enseignante un cours aux élèves. Réunis devant la petite école, les enfants sautillent en riant, tentant de suivre les mouvements de la danseuse. « On cueille la mangue, on cueille le Jacques et je vous offre les fruits que j’ai cueillis« , scande Sophie, traduite par l’institutrice, en mimant les mouvements de cueillette le corps penché d’un côté puis de l’autre.
Les petits danseurs d’un jour ont entre 5 et 15 ans. Ils sont vêtus de leur uniforme, jupe bleu foncé plissée pour les filles, pantalon de la même couleur pour les garçons, chemise bleu claire. Les petits devant, les grands derrière, ils participent et suivent avec une grande concentration. Certains observent du bord, plus intéressés par le téléphone avec lequel je les filme.

  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire

Une petite dizaine de touristes remonte la pente. La maîtresse s’éclipse un instant avec quelques enfants qui s’assoient dans la salle de classe et font bonne figure le temps de quelques photos.
À midi, tous les enfants rentrent chez eux pour manger. Le retour en classe à 14 heures débute par un Notre Père crié à tue tête les yeux fermés, en français. Ils sont 3 à 5 par banc, assis par tranches d’âges, en face du tableau correspondant à leur niveau. À droite le calcul, des soustractions, à gauche la conjugaison du verbe « peler ». Au milieu, des résolutions de problèmes. Le tableau recouvre le mur entier. Tout est écrit en français bien que ni les élèves ni même la maîtresse ne parlent vraiment la langue, les phrases sont recopiées du livre.

« Les parents ne pensent qu’à vendre aux touristes »

Malgré le nombre d’élèves, le calme règne. Certains recopient sur leur cahier, d’autres s’occupent en faisant des pliages de feuilles, en aposant des autocollants colorés sur leur cahier… La poussière de craie flotte dans le rayon de lumière. Parfois Anicette rappelle à l’ordre quand le volume du bourdonnement des voix augmente trop. « J’alterne toute la journée entre donner des exercices et faire la leçon« , raconte la maîtresse. « C’est très difficile. » Assis sur la première rangée, trois enfants très jeunes se sont assoupis la tête sur le bras, le sac d’école encore sur le dos.

  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire
  • école de Nosy Iranja Madagascar, Anicette Zafimina. photo Jéromine Santo-Gammaire

« 7-4 ça fait 4?! » s’énerve l’enseignante alors que la petite fille au tableau s’est trompée. Très douce en dehors de la classe, elle adopte un ton strident à l’intérieur. Les mauvais élèves sont envoyés dehors ramasser les feuilles et les détritus en plastique. Elle n’hésite pas à les menacer avec une sorte de bâton souple.
Le salaire d’Anicette Zafimina est payé par les droits d’entrée dont s’aquittent les touristes lorsqu’ils accostent à Nosy Iranja. Sur l’île, c’est une des seules habitantes à être rémunérée pour un service public. Aujourd’hui, après avoir été fermée 2 ans il y a quelques années, l’école est gratuite et ouverte à tous. « Mais certains parents s’en fichent, ils ne pensent qu’à vendre leurs affaires aux touristes« , s’exclame Danot, le beau frère de la maîtresse, qui a participé à la construction de la nouvelle école en 2015, financée par un bienfaiteur. « On est obligé de dire aux parents de laisser leurs enfants venir en classe pour apprendre car beaucoup ne viennent pas du tout« , ajoute-t-il. « Quand je veux voir les parents par rapport à leur enfant la plupart du temps ils ne viennent pas« , regrette Anicette Zafimina.

À l’école il manque de tout

Sur le chemin de terre menant à l’école, une petite urne en bois invite les passants à déposer de la monnaie. À l’ecole, il manque de tout. Certains touristes ramènent du matériel comme des cahiers ou des stylos qui sont ensuite partagés entre tous les enfants. « Mais pour aider cette école, il faut donner directement à la maîtresse car le risque est que les intermédiaires mettent l’argent dans leur poche« , fait remarquer Danot. Pendant le reportage, la batterie alimentée par le panneau solaire à rendu son dernier souffle. C’est elle qui permettait d’allumer la lampe pour la lumière. Il n’y a pas d’électricité, comme dans la grande majorité des cabanes du village, les fils électriques de la salle de classe sont coupés au mur. Pour aider Anicette, il est possible de la joindre directement au +261 34 08 456 25.

Jéromine Santo Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.

Articles suggérés