Matthieu Tangapriganin

Matthieu Tangapriganin : une jeunesse qui réclame, qui dénonce et qui agit

On le sait, la jeunesse ultramarine n’est pas avantagée en terme d’accès aux études, puisque plusieurs filières sont inexistantes sur les territoires. Le chômage y est d’ailleurs très présent chez les jeunes et une récente étude estimait que 4 jeunes Ultramarins sur 10 étaient atteints de dépression. Chez Parallèle Sud, nous souhaitons donner la voix à tout le monde, et bien sûr à la jeunesse. Matthieu Tangapriganin, lycéen engagé, s’exprime sur l’importance de prendre en considération les attentes et les besoins des citoyens de demain.

Peux-tu te présenter et expliquer les différents postes que tu occupes, tes engagements ?
Je m’appelle Matthieu Tangapriganin, j’ai 17 ans, et je suis engagé dans une instance de citoyenneté et de jeunesse dans ma ville. Je viens de Saint-Joseph et je fais partie du Conseil municipal des lycéens et des étudiants.
Je suis aussi membre de l’Instance des jeunes d’Outre-mer, au sein de l’Anacej, une association nationale regroupant plusieurs conseils de jeunes en France afin de mieux porter notre voix vers la France hexagonale. Récemment, elle a créé cette Instance des jeunes d’Outre-mer pour que nous, jeunes issus de ces territoires, puissions donner le ton et revendiquer, car nous avons remarqué une forte méconnaissance de nos réalités.
Cette instance regroupe déjà La Réunion, la Guyane, Mayotte et la Martinique, et d’autres territoires devraient bientôt la rejoindre. Aujourd’hui, je parle en mon nom et au nom de l’Instance des jeunes d’Outre-mer.

Pourquoi as-tu commencé à t’engager ?
Je me suis investi dès le collège, car j’ai constaté que les jeunes étaient trop peu écoutés. Nou lé pa plis, nou lé pa moin, mais nous avons aussi notre mot à dire sur les décisions qui sont prises.
Il est essentiel que les jeunes s’expriment et fassent entendre leur voix, car les décisions politiques sont souvent prises sans eux. Pourtant, nous sommes les citoyens et les bâtisseurs de demain, et nous devons pouvoir influencer les choix d’aujourd’hui.

Matthieu Tangapriganin

« L’avenir, c’est notre génération »

Tu trouves que la jeunesse n’est pas suffisamment écoutée par les politiques ?
Au niveau national, la jeunesse est très peu prise en considération par les responsables politiques, surtout ceux qui siègent à Paris, à l’Assemblée nationale, au Sénat ou dans les ministères. Heureusement, nos députés et sénateurs ultramarins défendent nos voix, mais il faut encore davantage d’écoute et de reconnaissance.

Sur quels sujets la jeunesse devrait-elle être davantage entendue ?
Écouter les jeunes, c’est écouter l’avenir d’une nation et de nos territoires. Demain, ce sera nous qui aurons des responsabilités. Certains élus actuels seront encore présents, mais c’est notre génération qui est l’avenir. Il faut nous entendre dès aujourd’hui pour préparer celui de demain. L’éducation est au cœur de cette question.

Je dénonce souvent les inégalités, mais je demande aussi plus de reconnaissance. Notre histoire est aussi importante que l’histoire de chacun des territoires français, et elle doit être reconnue dans les programmes scolaires. Je demande davantage de filières post-bac sur nos îles. Je demande le développement de nos territoires, car nos îles sont françaises et n’ont pas à se sentir différentes de la France hexagonale. Nous faisons pleinement partie de la République. Je demande aussi plus de moyens pour l’éducation et pour garantir l’égalité des chances pour toutes et tous.

S’engager pour construire demain

Tu parles d’éducation. As-tu constaté des inégalités entre l’Outre-mer et l’Hexagone ?
Oui. Certaines filières post-bac n’existent pas à La Réunion. Je pense aux écoles d’ingénieurs, de sciences politiques, de commerce, ou encore à certaines spécialisations médicales. Beaucoup de jeunes doivent partir étudier ailleurs. Cela engendre des frais importants : avion, logement, vie quotidienne, éloignement familial, charge mentale… C’est une inégalité réelle.
En Hexagone, les jeunes ont une mobilité facilitée avec les trains, le métro, les TGV. Nous, à La Réunion ou dans d’autres territoires ultramarins, nous n’avons pas ces mêmes facilités.

Ton engagement porte surtout sur le post-bac ?
Pas seulement. Je pense aussi au chômage élevé à La Réunion. Un élève brillant peut être limité par le manque de formations, de BTS ou d’internats disponibles.
La jeunesse ultramarine n’attend pas de privilège, mais simplement la justice : avoir les mêmes moyens, les mêmes perspectives et les mêmes chances que n’importe quel jeune en France. Quand un jeune d’Outre-mer réussit, c’est toute la République qui réussit et qui grandit. Quand un jeune échoue faute de moyens, c’est la République entière qui échoue.

As-tu déjà observé un impact concret de ton engagement ?
Oui. Grâce à l’Anacej, nous avons pu échanger avec le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (CoJ), une instance rattachée au Premier ministre. Nous avons eu une visioconférence avec son président, Hugo Huet. Nous avons formulé nos revendications, qui ont été relayées dans un rapport adressé à l’ancien Premier ministre, François Bayrou. Cela montre que nous commençons à être entendus et visibles. C’est encourageant.

Si tu avais une tribune de 30 secondes au JT de 20h, que dirais-tu ?
Je dirais que les jeunes doivent avoir toute leur place dans les décisions politiques actuelles. Il est temps qu’ils cessent de se taire et qu’ils soient écoutés. Ils ont de réelles revendications et doivent bénéficier des mêmes chances, comme le promet l’école de la République.
À La Réunion, on dit : « kan gramoune y koze, marmay y ferme son bouche ». Eh bien, il est temps que cela cesse. Les enfants ont pleinement leur place, ils doivent s’exprimer et s’engager pour la France de demain.

Nouveau conseil régional des jeunes

Y a-t-il des personnalités politiques réunionnaises qui mettent en avant la jeunesse ?
Oui. Je pense au maire Patrick Lebreton qui, dès son élection en 2001, a fait de la jeunesse une priorité. Quelques années plus tard, ont été créés le Conseil municipal des enfants, celui des collégiens, et celui des lycéens et étudiants.
Je pense aussi à Émeline K/Bidi, jeune députée réunionnaise et avocate de formation. C’est une femme brillante, un bel exemple pour la jeunesse. Elle prouve qu’on peut être député en étant jeune et femme. Elle appelle les jeunes à se mobiliser et à s’engager.
Enfin, je pense à la présidente de Région, Huguette Bello, et à sa vice-présidente Amandine Ramaye, qui viennent de lancer officiellement le Conseil régional des jeunes. Cet espace offrira aux 16-25 ans une place dans les décisions régionales et un dialogue direct avec les élus.

Comment envisages-tu ton engagement dans 5 ou 10 ans ?
Après le lycée, je souhaite poursuivre mon engagement. Je suis déjà très investi dans ma vie privée, lycéenne et politique. Je veux avoir un impact très important sur les décisions à venir, être plus visible et apporter ma pierre à l’édifice qu’est la jeunesse.

Un mot de conclusion ?
La jeunesse ultramarine n’a aucun privilège à attendre de la République. La République a le devoir de nous faire réussir toutes et tous, où que nous soyons. Quand un jeune réussit, c’est la République entière qui réussit. Et quand les jeunes réussissent, qu’ils soient en Hexagone ou Outre-mer, cela devrait être la fierté de la nation.

Entretien : Léa Morineau

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A propos de l'auteur

Léa Morineau

Journaliste, étudiante à l'ILOI en alternance chez Parallèle Sud. Cocktail de douceur angevine et d'intensité réunionnaise, Léa Morineau a rejoint l'équipe de Parallèle Sud pour l'éducation aux médias et à l'information, elle s'est rapidement prise au jeu du journalisme. A travers ses articles, elle souhaite apporter le regard de sa génération et défendre un journalisme qui rayonne au-delà des apparences.

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