Une enquête réalisée par Le Monde et Lighthouse Reports, révèle des pratiques dangereuses et parfois meurtrières de la part de la police aux frontières (PAF) dans les eaux qui séparent l’archipel des Comores de Mayotte.
L’enquête menée par Le Monde et le collectif Lighthouse Reports relance le débat sur les pratiques de la police aux frontières (PAF) à Mayotte. Selon plusieurs témoignages recueillis, des vedettes de la PAF auraient provoqué des naufrages de « kwassa-kwassa », ces petites embarcations utilisées par les migrants comoriens pour rejoindre l’île française de l’océan Indien.
Un homme amputé après une interception
Le 16 septembre, Le Monde a diffusé le témoignage de Farid Djassadi, 31 ans, originaire des Comores. L’homme affirme que son bateau a chaviré lors d’une interception par un navire de la PAF. Aspiré sous l’embarcation officielle, il a été happé par l’hélice. Hospitalisé à Mayotte, il a perdu ses deux jambes. Durant son enquête sur ce fait particulier, les journalistes révèlent que l’embarcation utilisée , le Makini, n’aurait pas dû être utilisée ce jour-là et que « les pilotes à bord au moment des faits ne disposaient pas des diplômes requis ».
Naufrage mortel le 25 août
Un autre drame est survenu le 25 août 2025. Un « kwassa-kwassa » parti de l’île comorienne de Ndzouani transportait 26 passagers, dont des femmes et des enfants. D’après plusieurs rescapés, le bateau a été percuté par une vedette de la police aux frontières alors qu’il approchait des côtes mahoraises. Selon les témoignages recueillis, la collision aurait été volontaire de la part des agents de la PAF.
Le parquet de Mamoudzou a confirmé la mort d’au moins deux passagers, une jeune femme et un vieil homme. Le Cross Sud océan Indien, centre régional opérationnel de surveillance et de secours, a fait état de sept disparus supplémentaires, que les recherches n’ont pas permis de retrouver.
Témoignages et contradictions
Les récits recueillis par Le Monde et Lighthouse Reports font état d’abordages violents, parfois réalisés sans sommation. Certains migrants affirment que les vedettes françaises auraient volontairement provoqué des collisions.
Les autorités françaises contestent ces accusations. Pour le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, c’est « l’attitude des filières d’immigration clandestine, qui sont les premières responsables de ce drame. » Le parquet reconnaît la mort de passagers lors de naufrages mais ne précise pas les circonstances exactes. Les bilans officiels, souvent partiels, divergent des témoignages.
Une frontière meurtrière
Depuis trois décennies, le bras de mer d’environ 70 kilomètres qui sépare l’île comorienne d’Anjouan de Mayotte est considéré comme l’une des frontières les plus dangereuses au monde.
Selon les estimations du Cross Sud océan Indien, c’est au moins 477 personnes qui sont mortes ou portées disparues depuis 2010, dans des naufrages liés à la surcharge des embarcations, aux conditions météorologiques et aux interceptions. La majorité des disparitions n’a pas fait l’objet d’un recensement officiel.
Une dangerosité des traversées qui fait écho à la dangerosité des pratiques d’interception par les forces de police à la frontière, reconnue sous anonymat par plusieurs fonctionnaires issus des ministères de l’Intérieur et des armées interrogés par Le Monde et Lighthouse Reports durant leur enquête.
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