[Musique] Nelson H, le zoréole qui rend Paris groovy

INTERVIEW DE NELSON HAMILCARO

Le musicien d’origine réunionnaise, Nelson Hamilcaro, a profité de la période des Jeux olympiques pour sortir une petite pépite musicale intitulée « Paris a le groove », clin d’oeil au « Paris a le blues » du groupe « Mad in Paris » de la fin des années 1990. La radio Funky Pearls parle du « grand retour de Nelson Hamilcaro »

C’est quoi un zoréole ? Un zoreil qui s’intègre à la culture créole ? Ou bien la définition marche dans d’autres sens ?

Nelson Hamilcaro, le bassiste et membre fondateur de Mad in Paris et de Groove bag et plus récemment de Nelson H & Friends, élargit le concept. Ses parents, tous deux originaires de La Réunion, sont arrivés en France en 1967 avec son frère et sa sœur. Il est né un an plus tard, en 1968, en région parisienne, à Fontainebleau. « Eh oui. Je suis un vrai Zoréole, et de toute cette grande famille qui s’est installée en France dans les années 70, je suis l’un des seuls à être né sur le territoire Français », dit-il.

Nelson Hamilcaro a toujours vécu de sa musique à Paris. Il rêve de venir jouer sur son île d’origine.

Deux ans après sa naissance, les Hamilcaro s’installent à Créteil, où Nelson fait toute sa scolarité. « Mais voilà. L’école m’ennuie rapidement, même si je m’y fais beaucoup d’amis. A côté des cours, je découvre la guitare et ensuite la guitare basse, et ce sont deux véritables coups de foudre… »

À 18 ans, il décide d’intégrer le CIM (Centre d’Information Musical), une école de jazz à Paris. « Ma mère me soutient et m’accompagne dans cette voie. Je la remercie encore aujourd’hui. Même si j’ai pratiqué la guitare classique pendant mes années de collège, mon instrument de prédilection devient rapidement la guitare basse. »

A l’occasion des Jeux olympiques, Nelson H. signe ce que la radio Funky Pearls, spécialisée dans le funk et la soul, désigne comme son grand retour. Nelson H & Friends sort le single « Paris a le groove ». Un titre qui résonne avec le « Paris a le blues » du groupe Mad in Paris de la fin des années 1990.

Quel lien entretiens-tu avec La Réunion ?

Ma relation avec La Réunion est profonde, par mes racines familiales. Il y a toujours eu une « tribu réunionnaise » à la maison. C’était à chaque fois une joie d’entendre les coups de klaxon en bas de chez moi. J’étais tout excité à l’idée de passer du temps avec mes cousins, tandis que les adultes s’affairaient dans la cuisine pour nous préparer de délicieux rougails.

Part noire et part blanche

Ma mère et mon frère sont, depuis, retournés y vivre. J’y ai donc des attaches très fortes. Même si je n’y vais pas aussi souvent que j’aimerais, j’ai toujours adoré y retourner avec mes filles. C’est toujours pour moi un lieu extraordinaire pour me ressourcer, loin de la vie parisienne éreintante. C’est aussi une source d’inspiration dans ma musique.

 Comment fait-on pour rester Réunionnais quand on est zoréol ?

Être Zoréol, c’est être à la fois Français et Réunionnais pour toute sa vie. Les deux identités sont indissociables. C’est comme lorsqu’on est métisse — ce que je suis — on ne peut pas dissocier sa part noire de sa part blanche. On est les deux, il faut l’accepter. Je trouve que c’est une richesse et une chance incroyables. On a la possibilité de puiser ce qui nous convient dans chaque culture, d’y prendre le meilleur pour s’élever un peu. Peu importe d’où vient la réflexion, ce qui compte c’est sa profondeur, son ouverture… Pour moi, c’est ce mélange, l’esprit créole. Et c’est une philosophie de vie dont je me nourris au quotidien.

« Depuis l’âge de 18 ans, j’ai la chance et le bonheur de vivre essentiellement de la musique. »

Comment es-tu devenu musicien ?

Le désir de devenir musicien vient avant tout de ma mère qui m’a acheté ma première guitare quand j’avais 12 ans. 

Mon premier professeur de guitare a aussi joué un rôle essentiel. Certaines rencontres marquent une vie. Ca a été le cas avec lui. Il était génial. Il avait une bienveillance et une véritable attention. Il m’a beaucoup encouragé et m’a donné le goût de cet instrument. Je pratiquais dès que je le pouvais et j’ai rapidement progressé.

La musique pour être entendu

Quand je jouais à la maison, où il y avait souvent beaucoup de monde et où il n ’était pas aisé de se faire entendre, notamment car j’étais le cadet, je sentais qu’on m’écoutait avec une attention toute particulière. Notamment ma grande sœur, Stellaire. Je revois encore les expressions sur son visage à ces moments-là. 

C’est sans doute comme cela que je suis devenu musicien. Quand j’ai senti qu’à travers la musique, on allait m’entendre davantage… Le reste n’était qu’une question de travail, et j’ai su m’y mettre.

 Vis-tu de ta musique ou as-tu un autre métier ?

Depuis l’âge de 18 ans, j’ai la chance et le bonheur de vivre essentiellement de la musique. Cependant, il a bien fallu pallier les aléas financiers de la vie de musicien. Quand j’ai eu mes filles j’ai commencé à donner des cours particuliers et à monter des spectacles avec des enfants dans plusieurs écoles à Paris et en région parisienne.

La transmission de mon art aux jeunes générations a pris une place importante dans ma vie, et j’en suis très fier. Ce choix, presque involontaire, m’a permis de mieux comprendre ma place d’homme sur notre petite planète.

 Quelles sont tes inspirations ?

Il est difficile de répondre à cette question tant elles sont multiples…

La première vient de mon grand frère, Luderce. Quand nous étions petits, nous partagions la même chambre. Un été, il a travaillé tout un mois alors qu’il était étudiant et, avec son salaire, il s’est offert une platine vinyle Akai et tout le matériel qui allait avec : le tuner, la platine cassette, l’ampli… On avait un son de malade dans la chambre. Luderce adorait le rock, et moi, j’adorais ce que mon grand frère adorait.

En même temps, mes amis du collège n’étaient pas du tout dans le rock, mais plutôt très funky. Mes premières soirées d’adolescence avec mes meilleurs amis étaient donc sous le signe du funk.

Le temps du Bernica à Paris

C’est surtout mon meilleur pote de l’époque, Yoann, qui m’a fait découvrir ce genre musical qui débarquait des Etats-Unis. Lui aussi était Réunionnais. À l’époque, sa mère tenait un restaurant réunionnais dans le 14e arrondissement, Le Bernica. Nous y allions souvent. Le crabe farci et le rougail saucisse étaient terribles. Tous les ans, pour le réveillon, elle nous permettait de faire une grande fête dans son restaurant. Les meilleurs sons funky s’enchaînent toute la nuit. On est dans les années 80 et on écoute Caméo, Michael Jackson, Kool and the Gang,  Earth Wind and Fire, Barry White…..

Ainsi va la vie. Noir ou blanc ? Français ou Créole ? Hard rock ou funk ? Peu importe la couleur, l’origine ou les influences musicales, si c’est beau, je l’accueille.

La musique et la culture réunionnaises en font-elles partie ?

Indéniablement, oui. Je me rappelle encore de nos Noëls, où nous nous retrouvions à plus de 80 personnes à la maison. La musique coulait à flot, tout comme le petit punch. Quand le maloya et le séga passaient sur les platines, les sourires se dessinaient sur tous les visages et les corps se levaient pour danser. Le son et la chaleur de La Réunion prenaient vie, dans notre salon, à Paris.

« La basse est l’instrument ultime qui fait danser les gens. »

Cela m’impressionnait et me réchauffait le cœur, à chaque fois. Ce sont des souvenirs fabuleux. Plus que la musique réunionnaise à proprement parler, c’est cette joie de vivre et leur plaisir de se déhancher sur le maloya ou le séga qui m’inspirent profondément.

Ce n’est certainement pas un hasard si j’ai choisi la guitare basse comme instrument. C’est l’instrument ultime qui fait danser les gens. Et depuis trente ans, quand je fais danser la foule, je me retrouve peut-être comme le petit garçon que j’étais, toujours aussi impressionné, mais toujours heureux.

Parle-nous de Mad in Paris, de Groove Bag… et de Nelson H & Friends.

Mad in Paris est un groupe de 10 musiciens de plein d’origines différentes, créé au début des années 90. Je pense que nous sommes l’un des premiers groupes français à mélanger musiciens et rappeurs. Ce que l’on fait plaît, et rapidement, on a du succès. On est invités dans tous les plus grands festivals de France et d’Europe, et on signe avec les plus grosses majors françaises de l’époque. Cela m’a permis de vivre dix belles années insouciantes, sans vraiment réaliser ce qui nous arrivait. En plus d’être une belle équipe de musiciens, nous étions les meilleurs amis du monde. Cette période de ma vie m’a permis de connaître, et surtout de gérer très tôt, le succès. Après notre séparation, à la trentaine, je n’étais plus en quête de notoriété ; je l’avais déjà vécue. Cela a apaisé mes années suivantes. J’ai pu me concentrer uniquement sur la créativité et l’épanouissement de mon art.

 Groove Bag…

En 2019, Fred, le guitariste de Mad in Paris, m’a recontacté pour me proposer de monter un groupe de reprises funky avec deux autres membres du groupe : Ounsa, la chanteuse, et Pat Vegas, le percussionniste, qui s’est entre-temps mis à la batterie. J’ai accepté avec plaisir. Groove Bag est né du fort désir de rejouer ensemble de la musique funky. Le groupe existe maintenant depuis plus de cinq ans, et une nouvelle histoire, différente mais tout aussi belle que celle de Mad In Paris, est en train de s’écrire.

 Nelson H & Friends…

Groove Bag est un groupe de reprises qui permet l’interprétation, mais pas la création. J’ai toujours été dans une démarche créative, et ces dernières années, j’ai composé dans des univers musicaux différents du funk, tels que la comédie musicale, le ciné-concert, la musique africaine et le folk. Pour le projet Nelson H & Friends, j’ai tout simplement ressenti le besoin de revenir à mes premiers amours : le funk et la création.

Tu viens de sortir « Paris a le groove », quelle est l’histoire de ce morceau ?

C’est assez simple. Avec Groove Bag, nous jouons régulièrement dans des lieux à Paris où se produisent des formations funky. L’un des collectifs qui nous emploie s’appelle Paris a le Groove. Alors qu’on discutait, Camille, le responsable de ces très belles soirées, a un jour émis l’idée d’écrire une chanson sur ce thème. J’ai saisi l’idée au vol. C’est ainsi qu’est né le titre « Paris a le Groove ».

Y a-t-il une chance de te voir en concert à La Réunion ?

Mon projet, avec Nelson H and Friends, est de monter sur scène. J’ai d’autres morceaux que je compte sortir dans les mois à venir.

Ça devrait être très beau, car la plupart des artistes ont plus de 30 belles années d’expérience scénique et maîtrisent ce style de musique à la perfection. Jouer à La Réunion, devant le public réunionnais, ma mère et toute ma famille, ferait sûrement de moi l’homme le plus heureux de la terre.

Quels sont tes projets ?

Pour l’heure, je me concentre sur Nelson H and Friends. Après j’ai bien d’autres idées en tête, mais chutttt !, je ne peux rien dire pour l’instant.

Entretien : Franck Cellier

Le titre : Paris a Le Groove

Le groupe: Nelson H and Friends

Auteur compositeur : Nelson Hamilcaro

Chant : Natalie Chase

Chant : Ounsa Mébarkia

Chant : Driss Fario

Chant : Big Tony

Clavier Chant : Jay Murphy

Rap : Doc Shadow

Guitare : FunkyKurty

Guitare : Christophe Denis

Percussion : Pat Vegas

Harmonica : Vincent Bucher

Clavier : Simon Barzilay

Chant : Sidney Duteil

Guitare : Benoît Barthelet

Visuel : Yann Lazoo

Ingénieur Son Master : Philippe Guérin

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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