Mouss et Hakim Zebda

[Musique] Quand Nougaro tombe la chemise

MOUSS ET HAKIM AU KABARDOCK

« Vous aimez surprendre le public, vous ne jouerez donc pas Tomber la chemise samedi ? » « Ah ben comme tu le demandes, ça me donne envie de la chanter ! », renvoie Mouss. « Moi aussi », renchérit Hakim. Si les deux Toulousains viennent présenter en musique sept textes inédits de Claude Nougaro, ils n’oublieront pas les tubes qui ont jalonné 35 ans de carrière. A voir et à entendre samedi au Kabardock.

Mouss et Hakim Zebda
Mouss et Hakim. (Photos PhN)

Mouss et Hakim, vous multipliez les projets. Après Zebda, Origines Contrôlées, Les Motivés, voilà Les Darons de la Garonne…

Mouss : Oui, c’est le titre de notre album sorti il y a deux ans. Il s’agit de sept textes que nous a offert Hélène, la soeur de Claude Nougaro, que nous avons mis en musique. Mais le concert s’appelle De Zebda aux Darons de la Garonne. Nous jouerons des morceaux de toutes ces expériences. 

Mais qu’est-ce que vous avez tous, à Toulouse, avec Claude Nougaro ? 

Mouss : C’est un chanteur, un poète, un grooveur de la langue française. Avec lui, le monde a sa place en français. Nous sommes originaires du même quartier, les Minimes, tout comme Bigflo et Oli d’ailleurs. Il a toujours été hyper bienveillant avec nous, il nous appelait ses « potes de banlieue ». Nous étions très amis avec sa fille Cécile, c’est comme ça qu’on l’a rencontré.

Et vous avez mis ces textes inédits en musique ?

Mouss : Ça a presque été facile tant il y a de la musicalité dans ses mots, il suffit de se laisser aller au rythme, au souffle. Il n’y a que lui pour faire sonner la langue française comme ça.

Hakim : On a le même accent. Pour nous, fenêtre est un mot de trois syllabes : « fe » « nê » et « treu ». Pas fnèt’ comme vous vous dîtes. Rien qu’en disant ses textes, on les chantait. Quand on était jeunes, on écoutait James Brown, Bob Marley et on se disait que ce serait difficile de faire sonner la langue française… et bien c’est vrai, sauf à Toulouse. 

Mouss : Et puis c’est arrivé en plein Covid, ça a eu une influence c’est sûr. On a pris le temps, on a eu plusieurs mois pour s’en imprégner. On a mis des cordes, on jouera avec un violoncelle samedi, et un accordéon. On a pu se laisser aller au raffinement dans les arrangements, on n’a jamais passé autant de temps sur les voix. On est allés au bout. Oui, le Covid a joué sur le résultat final.

Hakim : On a pensé à lui.

C’est la troisième fois que vous venez nous rendre visite…

Mouss : La première fois c’était en 2010 avec Origines contrôlées. Un très grand souvenir. Le Kabardock déjà à l’époque avait organisé un repas cuisiné par des dames du quartier dans une ancienne bibliothèque je crois. Et puis un concert épique au Cocobeach, on avait fini sur le toit… En 2014, Zebda qui reste éternel. Zebda nous a permis de devenir musiciens, quand on vient d’un quartier, c’est inimaginable pour un enfant. 

Hakim : Origines contrôlées, c’est une histoire de transmission. Pour montrer notre attachement à la musique qu’écoutaient nos parents. Des chansons issues de l’immigration écrites en France. Notre père, quand il écoutait des chansons arabes nous disait sobrement : « Ça m’aide à supporter ». 

Racontez-nous votre premier contact avec La Réunion.

Mouss : Nous avions comme voisins la famille Blondel dont la mère était malgache. Ils avaient apporté La Réunion dans notre immeuble. Quand on allait chez eux, c’était La Réunion ; chez nous, c’était l’Algérie, et dehors c’était la France. Quand je viens ici, je pense à eux.

Hakim : Ici, c’est la France qu’on aimerait avoir.

Mouss : C’est notre devoir d’invention : notre histoire, c’est la créolisation.

Zebda avec Le Bruit et l’Odeur, Origines Contrôlées, Les Motivés… Vous êtes très politiques ?

Mouss : Il y a une fibre sociale dans ce que l’on propose. Pour nous, la culture c’est du lien social, l’art appartient à tout le monde, c’est l’opportunité d’apporter des émotions. Quand on vient du milieu d’où l’on vient, la culture coûte cher.

Hakim : Nous remettons la culture au centre des débats. Dans nos quartiers, il n’y a ni écoles de musique, ni écoles de théâtre, il y a des équipements sportifs et des clubs de sport. La culture, ça fabrique de la matière grise, c’est pour ça qu’il n’y en a pas là où on a grandi. De Zebda aux Darons de la Garonne, ça raconte comment on a explosé les déterminismes. Comment les enfants de maçon algérien ont fait le tour du monde en musique.

Mouss et Hakim Zebda

On vous a beaucoup entendus dans les manifs avec Les Motivés. Vous touchez des droits là dessus ? 

Mouss : Non bien sûr, c’est le Chant des Partisans. Il y a aussi Bella Ciao. Notre rôle, c’est de dire comment est née la chanson.

Origines Contrôlées, ça a dû désarçonner votre public?

Mouss : Avec des chansons en arabe et en kabyle, on savait que c’était pas gagné d’avance. On a eu un besoin de découverte, de faire danser sur des chansons que les gens ne connaissaient pas. Il nous fallait un challenge, c’est une difficulté de ne plus avoir à convaincre. Et oui, ça a marché.

Dans ce cas, rassurez-moi, vous ne jouerez pas Tomber la chemise ?

Mouss : Ta demande, ça me donne envie de la chanter.

Hakim : Moi aussi.

Mouss : Ce que représente cette chanson, c’est énorme pour nous. Nous étions dans notre troisième année avec Zebda, on s’est mis en tête d’écrire des chansons pour mettre le feu, c’est comme ça qu’on a écrit Tomber la chemise, même si on ne savait pas bien sûr ce qu’elle allait devenir. On a vendu un million et demi de single, un million d’albums, et revendu trois cent cinquante mille exemplaires de notre album précédent Le Bruit et l’Odeur.

Hakim : D’après certains, c’est le dernier « tube de l’été ». Une fois, on s’est fait refouler d’une boîte de nuit, justement au moment où le DJ jouait notre morceau. Un client a fait remarquer au portier qui on était, il nous a couru après pour s’excuser. Et nous, on a pu lui dire « non, on a plus envie d’y aller, dans votre boîte ». C’est un plaisir, quand même.

Propos recueillis par Philippe Nanpon

Samedi 9 décembre au Kabardock avec Migui en première partie. Pour la réouverture après travaux, la salle portoise propose un tarif promotionnel à 15 euros, valable sur réservation jusqu’à samedi 18 heures.

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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