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[Musique] Sacem à tout vent

LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMMENT ÇA MARCHE ?

La Sacem est une vénérable institution fondée en 1851. On sait à peu près à quoi elle sert, mais peu comment elle fonctionne. 

Michel Mey délégué régional réunion Mayotte Sacem
Michel Mey délégué régional Réunion Mayotte de la Sacem.

« Est-ce qu’on entre dans une boulangerie en comptant obtenir une baguette gratuite ? Non ? Et bien pour la musique c’est la même chose, il faut rémunérer le travail », indique Michel Mey, délégué régional pour La Réunion et Mayotte de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Tout le monde connait la Sacem. Peu savent comment ça marche. 

Pour ce qui est de la collecte, ce n’est pas compliqué. Une taxe est due à la Sacem partout où de la musique, enregistrée ou jouée en direct, est diffusée. Sauf les lieux privés bien sur. Salles de concerts ou bars culturels, festivals payants ou gratuits, radios et télévisions, commerces en tous genres comme les bars et restaurants, salons de coiffure, dentistes s’il s’agit de la salle d’attente (la salle de soins est considérée comme privée), etc. Même les taxis ou encore les écoles, y sont soumis. Les moyens de diffusion sont aussi concernés, c’est la Sacem qui perçoit et redistribue les droits d’auteurs sur les disques et les CD, ou les plate-formes de streaming. Un peu plus d’un euro pour un compact disc de « droits de reproduction mécanique », perçu à la fabrication. Les « droits financiers » sont ceux liés à la diffusion. A noter que, bientôt (les textes européens sont en cours de transcription dans le droit des Etats membres), les réseaux sociaux devront eux aussi mettre la main à la poche.

82 %

« Quatre-vingt deux pour cent de nos recettes sont redistribuées aux auteurs et compositeurs », souligne Michel Mey. Les dix-huit pour cent restants servent au fonctionnement. Et il faut du monde pour savoir exactement à qui reviennent ces droits. 

D’abord, les radios, télévisions ou organisateurs de spectacles fournissent la liste des titres joués. Soixante-quinze pour cent des sommes collectées sont redistribuées au programme. Les boîtes de nuits, elles, sont sur écoute: un tiers des quelque 2 500 établissements de France sont écoutés chaque année, et les morceaux reconnus grâce à un système de code barre enregistré sur tous les titres. Même les musiques urbaines et les samples qu’elles contiennent sont identifiés à l’aide d’intelligences artificielles (et de techniciens). Et pour qui est au forfait, les sondages donnent un panel d’ayant-droits. Ne restent plus qu’un savant travail de comptage et de statistiques pour savoir combien revient à qui. Seulement quatre à cinq pour cent des sommes en fin d’année restent non identifiées, qui peuvent être attribuées suite à des réclamations.  

3 500 sociétaires

La Réunion compte 3 500 sociétaires, un chiffre considérable au regard des autres régions françaises. « A titre de comparaison, la région qui regroupe Nice, Toulon et Monaco, bien plus peuplée et étendue, n’en compte que  3 200 », souligne Michel Mey. Pour devenir sociétaire de la Sacem, il suffit de faire la preuve lors de sa demande d’un millier de vues sur Youtube pour un morceau de musique, ou justifier d’un concert, ou d’un passage à la radio… et de payer cent euros pour toute la vie. 

« On accepte tout le monde, nous ne sommes pas des censeurs », précise le délégué régional. Ni la qualité, ni le propos ne sont jugés. Autrefois, il fallait passer devant une commission et savoir écrire la musique. « La première fois que Manitas De Plata a voulu s’inscrire, il a été refusé. Heureusement que les choses ont changé », se félicite-t-il. 

Les retours sont maigres, à moins de réaliser un véritable tube. Depuis que les artistes ne vendent plus de CD, ils doivent compter sur les plates-formes qui ne redistribuent que quelques centimes d’euro par millier d’écoutes. Ce qui explique la flambée du prix des cachets depuis quelques années. 

Pour les contribuables, il en coûtera 200 euros par an pour un commerce à deux salariés, un euro pour une école (accord avec le rectorat), 10 000 euros pour une petite radio musicale. « De plus en plus, on tient compte du chiffre d’affaires et du secteur d’activité », 

Si la Sacem garde une image de gabelou dans l’inconscient collectif, et que son histoire est constellée d’anecdotes, comme celle de ce retraité bénévole qui s’était retrouvé nu une nuit de réveillon après avoir voulu couper le son d’une fête cette nuit là, les temps ont bien changé. « Nous avons très peu de contentieux. On explique que cet argent sert à la création, que sans ça il n’y aurait plus de musique », témoigne Michel Mey. Et puis la Sacem participe à l’effort: treize aides de 6 000 euros sont octroyées  à l’autoproduction chaque année, un prix décerné avec comme récipiendaire en 2022 René-Paul Eléléara, Emmanuelle Ivara et Kénaelle Richard, des aides aussi aux salles et festivals pour qu’ils programment de jeunes artistes.

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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