[OPJ 974] « On ne prend pas La Réunion que pour un décor »

SÉRIE TÉLÉVISÉE

Lundi 12 août au matin, près de la baie de Saint-Paul, dans une ancienne école municipale réinvestie pour l’occasion, c’est l’avant dernier jour de tournage pour l’équipe d’OPJ. Alexandre Nerrière, le directeur de production, a répondu à nos questions sur l’importance de l’ancrage local de la série. Immersion sur le tournage.

  • Est-ce que vous avez des retours du public réunionnais qui suivent la série, l’apprécient et la trouvent vraisemblable ?

Bien sûr, quand on tourne on croise du public, des personnes qui nous disent adorer la série. Il y a de la fierté de retrouver sur la télévision nationale à la fois des décors et des personnages réunionnais. D’autant plus quand on leur explique comment elle est produite localement avec une équipe technique à 90% de l’île. Les réunionnais s’approprient cette série.

  • Comment sont recrutés les figurants ?

Les figurants sont recrutés en amont, et on essaye de recruter des gens de la profession quand on a besoin de pompiers, de policiers, infirmiers, barmans ect… Mais on a aussi des badauds évidemment.

Sur cette saison, on a à peu près 400 figurants.

  • Pour l’écriture de la série, comment sont accompagnés les auteurs afin d’écrire des scénarios empreints de la culture locale ? (Club de moringue, cimetières d’esclaves marons)

L’écriture se déroule en plusieurs étapes.

Actuellement, on est en préparation de l’écriture de la saison 7. C’est-à-dire que les auteurs se réunissent avec la directrice de collection. C’est l’étape du brainstorming, on décide quels univers vont être abordés, quelles enquêtes, quels défis pour les personnages. A cette étape, pour le côté local on s’appuie sur deux auteurs réunionnais : Guillaume Bègue et Marcelino Méduse. Au niveau de la production, on peut aussi être sollicité comme on connait bien le territoire. Ensuite, il y a des recherches supplémentaires, on va aller questionner des historiens. On a donc des auteurs qui gravitent autour d’un cercle réunionnais et qui au bout de plusieurs saisons commencent à connaitre le territoire.

Le deuxième temps de l’écriture à partir de septembre, ce sont les arches des enquêtes et des personnages. Plus tard, en novembre-décembre, on rentre dans les séquenciers, donc diviser les textes en 25 séquences par épisode.

25 séquences qui doivent se suivre et sont formatées, car c’est une intrigue qui sera filmée, ce qui diffère de l’écriture d’un roman. Les auteurs sont aussi limités par les moyens financiers, donc pas d’hélicoptère ou de séquence avec 12 personnages qui durent cinq heures. Une fois les séquenciers écrits, des lectures sont faites par la production (Terence Films), la chaîne (France 3) et un premier assistant.

Une fois les séquenciers validés, c’est l’étape de l’écriture des dialoguiers. On pose les dialogues des personnages sur chaque séquence. L’écriture dure donc de septembre à février.

C’est un rythme assez rapide, même pour un prime time. A titre d’exemple un 6X52 se fait en 60 jours, sur OPJ on fait du 12X52 en 60 jours.

Pour le montage, il démarre en même temps que le tournage, on compte à peu près six mois de montages qui sont eux en métropole, sur Paris. Car à la Réunion, on n’a pas suffisamment d’effectif pour monter.

Emploi local

  • 90 % des intermittents employés sont issus de la réunion, c’est la seule série prime-time française à le faire, de qui émane cette volonté d’employer du local ? France TV, réalisateurs ? pour les stagiaires, quel est leur rôle, cela fait partie de vos valeurs de transmission ?

Aucune autre série française en prime (12X52) n’arrive à se produire avec autant d’emploi local. C’est-à-dire que même en métropole, si on tourne à Dunkerque, Mulhouse ou Perpignan, il y aura toujours une partie des équipes qui viendra de la capitale. Ce n’est pas par choix mais plutôt car il est difficile de trouver dans ces régions, une main d’œuvre suffisante. Quand on veut s’afficher comme une série réunionnaise, cela doit passer par l’écriture, les intrigues, par les équipes de techniciens. C’est une volonté partagée par France Télévisions et Terence Films.

Pour les stagiaires, on sait que la formation dans le milieu du cinéma ça a longtemps été négligée, ce qui faisait que c’était des métiers réservés à un cercle restreint de personnes. Le but c’est de soutenir cette industrie à La Réunion en formant du personnel compétent. Ça fait évidemment partie des valeurs de France TV, qui reste une chaine nationale publique.

En ce qui concerne leur rôle, on a des stagiaires costumes, mise en scène, ingé du son, maquillage déco, sur à peu près tous les départements. On compte une douzaine de départements.

  • Quel est le public type d’OPJ ?

La série OPJ s’adresse aux réunionnais et au public de France 3. Mais il y a de nuances, on sait que la chaine hertzienne de France 3 elle s’adresse à un public quinquagénaire et sexagénaire avec un ancrage fort sur les dynamiques de séries policières habituelles. A côté de cela, la série est très forte sur le replay, on est sur le top 10 des replay France télévisions tous programmes confondus. Dans le replay, on sait qu’on a un autre public : jeunes, couples, des trentenaires ou encore des familles. C’est pour cette raison qu’on garde les codes des policiers mais on ajoute de l’humour des belles images filmées en drone, des portraits, on reste toujours en mouvement pour essayer de plaire au plus grand monde.

  • Considérez-vous que le décor exotique et les beaux paysages confère en grande partie ce succès à la série ?

Déjà la diffusion a lieu sur France 3, la chaine des régions. Pour eux c’est important d’avoir une série policière avec un ancrage local important. Mais on ne prend pas La Réunion juste comme un décor, d’où l’intérêt d’avoir des intrigues qui tournent autour d’univers réunionnais. C’est d’ailleurs ce qui parle aux gens, le fait de découvrir un territoire avec des belles images et des enquêtes ancrées sur celui-ci.

Bande-son maloya

  • Quels sujets de société sont abordés au sein de la série ?

L’inclusion sociale au niveau ethnique et du genre, (le personnage principal est une femme réunionnaise commandante de police). Mais c’est une série grand public donc il n’y a pas de fortes prises de positions.

  • La première saison se déroulait en Nouvelle-Calédonie Kanaky, depuis la saison 2 tout est tourné à la Réunion. Pourquoi ce choix et quelles différences ?

On a quitté la Nouvelle -Calédonie suite au Covid. On a pris la décision de venir à la Réunion car notre production (Terence Films) avait déjà travaillé ici pour la série CUT, et connaissait donc déjà le territoire mais aussi sa capacité à produire une série en termes de moyens humains et matériels. Les différences sont énormes, en Nouvelle-Calédonie il n’y a pas la force industrielle d’ici, c’était beaucoup de débrouille, il fallait composer avec les forces en présence, former les gens. La série aurait été moins locale puisqu’on aurait été obligés de faire venir plus de gens de métropole. Venir à la Réunion, c’est ce qui nous a permis de passer en prime. La première saison c’était du 10X26 minutes, aujourd’hui on est sur du 50X26 minutes.

  • Question sur la bande son

Sur cette saison, on ne sait pas encore, c’est géré par la post-production. Mais évidemment, ils sont en contact avec des artistes d’ici, de maloya, de shatta aussi très certainement. C’est encore une fois un élément qui renforce l’ancrage réunionnais.

Léa Morineau

OPJ, un succès péi

La série OPJ, c’est le top 10 des programmes France télévisions, 2,5 millions de téléspectateurs, cinq saisons déjà diffusées et 90 % de l’équipe technique réunionnaise. Le tournage de la sixième saison de la série policière a eu lieu du 24 juin au 13 août sur l’île, en extérieur comme en décor. L’équipe de tournage garde un rythme plutôt élevé qui permet de produire une saison par an depuis 2019. Dans ce vieux bâtiment, on traverse tour à tour une salle d’autopsie, le bureau des policiers, une salle de réunion, et le bureau de la fameuse commandante Clarissa Hoarau (le personnage principal) interprétée par Yaëlle Trulès. Dans la salle d’interrogatoire, à travers la vitre sans tain, on aperçoit les techniciens régler les derniers éclairages avant de tourner.

C’est Alexandre Nerrière, le directeur de production, qui commente la visite, à voix basse car des scènes sont tournées plus bas. Le décor a été construit en sept semaines, 900 kilos proviennent de l’Hexagone mais « c’est seulement pour ce qu’on n’a pas trouvé ici » comme les polos de gendarmerie nationale par exemple. Pour le reste, la plupart a été trouvée chez Recyclimage, une association réunionnaise qui stocke des décors et accessoires pour les tournages de l’île. Les outils du médecin légiste ont eux parfois été prêtés par des labos. Certains éléments sont vendus à l’équipe technique, tandis que d’autres sont données à Recyclimage.

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OPJ à La Réunion

La série OPJ informations.

A propos de l'auteur

Léa Morineau | Etudiante en journalisme

Cocktail de douceur angevine et d'intensité réunionnaise, Léa Morineau a rejoint l'équipe de Parallèle Sud pour l'éducation aux médias et à l'information, elle s'est rapidement prise au jeu du journalisme. A travers ses articles, elle souhaite apporter le regard de sa génération et défendre un journalisme qui rayonne au-delà des apparences.

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