Patrice Thien Ah Koon dédiabolise la présence d’un député RN au Tampon

CANDIDATES, CANDIDATS…

Patrice Thien Ah Koon avait 18 ans en 1983 lorsque son père a été élu maire du Tampon. Il l’a longtemps accompagné dans l’ombre avant d’être à son tour élu au conseil municipal en 2020 puis de lui succéder en juin 2024 sur le fauteuil de premier magistrat. Il n’est pas officiellement candidat pour 2026. Mais les ambitions de développement qu’il présente dans cet entretien vont bien au-delà d’un seul mandat… Et la prudence qu’il emploie pour ménager de potentielles alliances à droite, y compris avec l’extrême-droite, reste dans la ligne tracée par son père.

« Moi je ne suis pas un idéologue forcené, j’ai des lignes claires. La Réunion dans la République, la Réunion au sein de la République. »

À l’entendre, dans l’interview qu’il a accordé à Parallèle Sud, Patrice Thien Ah Koon ne s’est jamais rêvé maire, ni même candidat, même s’il a toujours suivi de près la carrière de son père. Il a été candidat en 2020 sur la liste municipale, poussé, selon lui, par l’entourage de son père André Thien Ah Koon. « Ce n’était pas dans mes préoccupations. » « J’étais élu au côté de mon père. Mon objectif, c’était d’être plus proche de lui dans son action. »

Quand on lui demande si le poids politique de son père l’étouffe, il répond n’avoir jamais été soumis à son autorité politique : « Il ne m’a jamais imposé une décision quelconque. […] Je n’ai jamais ressenti le poids paternel sur mes épaules. » Quant à l’inéligibilité d’André Thien Ah Koon pour prise illégale d’intérêt, Il se dit surpris de la qualification juridique de prise illégale d’intérêt, et insiste sur la régularité de la procédure de recrutement.

Il détaille le processus de recrutement incriminé, en expliquant qu’un cabinet indépendant avait été mandaté, avec des auditions formelles, pour un poste attribué à Christelle Mondon, la sœur de Laurence Mondon (2e adjointe) et la fille d’Ary Mondon, ancien adjoint historique d’André Thien Ah Koon : « C’était la candidate qui avait le meilleur profil qui a été retenue. » « Ce n’était pas sur le terrain du favoritisme. » 

« C’était une prise illégale d’intérêt qui m’a particulièrement surpris. »

Sur le terrain politique, le nouveau maire du Tampon normalise la présence d’un député RN sur la 3e circonscription : « Joseph Rivière l’a emporté. Je vous dirais que ce n’est pas si mal que cela parce qu’il aurait été dommage de laisser la représentation de l’ensemble de la population avec des députés qui étaient tous issus du Nouveau Front Populaire. » 

« Joseph Rivière est un Tamponnais que ma famille et moi nous connaissons bien. Nous n’avons pas des liens politiques, nous avons des liens personnels. »

La position de Patrice Thien Ah Koon vis-à-vis du Rassemblement national et de l’extrême droite est prudemment ambiguë. Il adopte une posture personnelle et non idéologique, en évacuant toute condamnation frontale du RN. Il évite de se revendiquer d’une famille idéologique rigide : « Je ne suis pas un idéologue forcené. J’ai des lignes claires. » « La Réunion au sein de la République. » Il soutient le mouvement “Nouvelle R” avec Cyrille Melchior.

À propos du mouvement Nouvel R de Cyrille Melchior : « Je préfère que ce soit un mouvement politique dans lesquels les maires qui partagent ces points de vue se retrouvent. On est plus puissant en étant ensemble qu’en étant chacun de son côté. »

Lorsqu’on lui demande pour qui il voterait dans un duel Mélenchon / Le Pen à la présidentielle : « En tout cas, je ne voterai pas pour Jean-Luc Mélenchon. » Mais il évite soigneusement de dire s’il voterait pour Marine Le Pen. En résumé, Patrice Thien Ah Koon se revendique d’une droite réunionnaise attachée à la République, ouverte au dialogue, et ancrée dans le concret plus que dans l’idéologie.

Le Tampon n’est plus un village

À la tête de la mairie depuis un peu plus d’un an, il se présente comme un maire de terrain, rigoureux, technicien, attaché à la rationalité. 

« Être maire, c’est chaque jour faire un marathon, avec des sprints de 100 mètres à chaque fois. »

Son approche du mandat s’ancre dans sa formation juridique et son expérience du privé. Il valorise une gestion pragmatique et modernisatrice : généralisation des outils numériques dans les écoles, double-écrans pour les agents, usage maîtrisé de l’intelligence artificielle, réorganisation de la police municipale vers un fonctionnement 24h/24.

« Je prends mes décisions in concreto, pas in abstracto. »

Urbanisme : maîtriser la densification

Face à l’explosion démographique (passée de 30 000 à 85 000 habitants en 40 ans), le maire du Tampon revendique une ville en transformation mais sans renier son identité. « Le Tampon n’est plus un village. Il faut moderniser, tout en gardant notre cachet. » « On m’a présenté du béton sur six niveaux, j’ai dit non. »

Il a lancé une révision du PLU pour encadrer les constructions et maintenir une présence végétale dans l’espace urbain : « Le végétal, c’est ce qui permet aux villes de respirer. »

Sarah Cortier et Franck Cellier rencontrent Patrice Thien Ah Koon maire du Tampon
« Il faut cesser d’avoir une démarche purement arithmétique. Il faut regarder l’humain. » « Sur 100 logements livrés, 70 sont attribués à des Tamponnais. Et pourtant, on paie. »

Priorité aux Tamponnais pour l’attribution de logements

Patrice Thien Ah Koon a fait du logement un chantier prioritaire. Il critique la vision technocratique de l’État, qui sanctionne la commune (500 000 € par an de pénalités) pour ne pas atteindre les 25 % de logements sociaux imposés par la loi SRU. « Il faut cesser d’avoir une démarche purement arithmétique. Il faut regarder l’humain. » « Sur 100 logements livrés, 70 sont attribués à des Tamponnais. Et pourtant, on paie. » Il alerte aussi sur les dérives dans les attributions : fausses domiciliations, inscriptions multiples au CCAS…

Face à une population croissante, il plaide pour une police municipale renforcée et opérationnelle 24/7. Mais il dénonce l’attitude de l’État : « On vous transfère des compétences, mais pas les moyens. » Un nouveau commissariat municipal doit voir le jour d’ici la fin de l’année.

Mobilité : un téléphérique de Saint-Pierre à la Plaine des Cafres

Son projet-phare pour désengorger le sud de l’île : deux lignes de téléphérique reliant le Tampon à Saint-Pierre. « Ce qui me paraît la meilleure solution, c’est un système de transport par câble. »

Inspiré de modèles sud-américains et asiatiques, il veut concilier sobriété foncière, faible impact carbone et rapidité d’exécution :

« On ne passera pas au-dessus des habitations, on passera au-dessus des champs de cannes et des vaches. »

Le coût reste à définir, mais selon lui, il serait inférieur à celui d’une route urbaine ou d’un tunnel ferroviaire.

Agriculture : autonomie alimentaire et innovation sous serre

Le Tampon reste selon lui le « grenier de La Réunion ». Il défend une agriculture sous serre, résistante aux cyclones et adaptée aux nouveaux impératifs climatiques. « Si on veut une agriculture performante, l’avenir passe notamment par la production sous serre. »

Il dénonce l’absurdité de classer les serres comme artificialisation des sols : « On marche sur la tête. » « Si on ne peut pas cultiver chez nous, on va importer avec des pesticides. »

Bien qu’il porte des projets dépassant 2026, Patrice Thien Ah Koon ne se déclare pas candidat à sa propre succession : « Aujourd’hui, je ne parle pas comme candidat. Je parle comme maire. » Il mise sur la spécificité des élections locales, à contre-courant des dynamiques nationales : « Une élection législative n’a rien à voir avec une municipale. »

Entretien : Sarah Cortier et Franck Cellier

Vidéo et photos : Etienne Satre

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A propos de l'auteur

Franck Cellier

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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