DEUX LOIS NON APPLIQUÉES
Deux lois qui visent à réduire l’usage des plastiques à usage unique sont entrées en vigueur. Elles ne sont pas appliquées.
Il faut en finir avec le plastique. Même notre gouvernement l’admet. Pour preuve, deux lois récemment applicables qui visent à diminuer l’usage des plastiques à usage unique. Lois votées, décrets promulgués, mais qu’en est-il de leur application ?
Depuis le début de l’année, la loi Agec du 10 février 2020 qui demande la fin de la distribution de la vaisselle jetable dans les restaurants rapides, est entrée en application. Qu’en est-il ? La préfecture nous assure que ces restaurateurs « ont été conviés à un point d’étape le mois dernier par le ministère de la Transition écologique. Ces derniers ont fait part de certaines difficultés en approvisionnement et en investissements… Le ministère prévoit un autre point d’étape d’ici la fin de l’année ». Et quand nous avons relancé le service communication de la préfecture, peu convaincus de la réponse : « Il y a des difficultés d’approvisionnements en vaisselles non jetables et un temps nécessaire à l’organisation des entreprises pour assurer le lavage de cette vaisselle notamment ». En somme, des restaurateurs qui ne savent pas où acheter les assiettes ni comment les laver, ça laisse rêveur. Un peu comme ces commerçants des centre-villes, censés fermer la porte pour ne pas climatiser la rue… et qui n’ont pas de porte.
Barquettes plastique
La même loi pourrait bien s’appliquer aux barquettes plastique vendues avec le cari du midi à emporter. Mais là aussi les autorités ne sont pas pressées. Si ce n’est quelques initiatives isolées ou organisées, on continue à vouloir nous faire croire que ces barquettes sont à ranger dans la case « réutilisable ». Tout comme le sachet plastique qui les contient trop souvent. Nous avons quand même trouvé un restaurant au Port, Le Panier Kréol, qui a mis en place un système de consigne. En échange de quatre euros, un bol en verre avec couvercle est fourni. « Nous attendons une nouvelle livraison de cent boîtes », se félicite Valérie Payet, employée de l’établissement, qui explique que le succès n’est véritablement arrivé qu’avec la promesse d’un onzième repas gratuit en échange d’utiliser le système de consigne. D’après elle, un snack sur le campus du Moufia a une pratique similaire. Tout comme l’association Réutiliz (soutenue par le TCO, l’ADEME, la Région Réunion, la préfecture et EDF) qui propose également des barquettes consignées ; six restaurateurs sont recensés sur le site internet de l’association. Il est à noter par ailleurs que, de notre expérience, tous les restaurateurs qui font la vente à emporter acceptent que vous vous présentiez avec votre propre contenant.
A Rennes, en Bretagne, l’association Pakadur propose aussi ce système depuis fin 2020. Rémi Pradel, Réunionnais qui sillonne la région au volant de son camion-bar, est l’un des premiers à avoir adopté les barquettes consignées. Il a déjà fait une économie de 10 000 contenants jetables représentant 150 euros par mois. Une soixantaine de restaurants et food-trucks sont partenaires de Pakadur dans la région rennaise.
Fontaines publiques
Autre réglementation qui peine à voir le jour, l’obligation aux établissements accueillant du public d’installer une fontaine à eau (loi Egalim du 30/10/2018 applicable depuis le 1er janvier 2022) afin de permettre de remplir sa gourde et ainsi d’éviter aux visiteurs d’avoir à acheter une bouteille d’eau. La moitié de la population française serait détentrice d’une gourde. Qui, à l’aéroport ou dans sa galerie marchande préférée, a déjà vu une telle fontaine ?
No Plastic In My Sea est bien décidé à ne pas lâcher l’affaire. Dans une pétition lancée avec le soutien de plusieurs associations et personnalités, l’ONG demande des comptes en réclamant au plus vite les 30 000 points d’eau potable qui auraient déjà dû être installés depuis quinze mois.
Greenvoice, qui a initié la pétition, précise que « la bouteille plastique constitue une aberration à plusieurs titres :
– 15 milliards de bouteilles plastiques sont vendues en France par an.
– Fabriquée à partir de pétrole, la bouteille plastique est émettrice de gaz à effets de serre sur tout son cycle de vie.
– Des études évoquent 3 litres d’eau pour la fabrication d’une seule bouteille d’eau ! L’eau embouteillée contribue ainsi à assécher les nappes phréatiques.
– Les bouteilles en plastique sont contaminées par des microplastiques, qui constituent un risque sanitaire.
– Le coût de l’eau vendue en bouteille plastique est prohibitif dans les lieux accueillant du public et inadmissible, puisque l’accès gratuit à l’eau potable est obligatoire. Pour l’exemple, en gare SNCF, le prix moyen est de 2 euros à 2,50 euros pour une bouteille de 50 cl d’eau, soit plus de 8 euros pour une famille de 4 personnes. »
Recyclage
« Mais c’est recyclé », pensent beaucoup pour se dédouaner. Pour en avoir le coeur net, nous sommes allé visiter Cycléa, la société d’économie mixte (Sem) en charge du tri des poubelles du TCO. « Avec les bacs de collecte sélective, nous trions 7 000 tonnes de déchets par an, la moitié n’est pas recyclable », indique Laurent Blériot, son directeur, devant la chaine de tri. Un premier tri manuel pour enlever les plus gros déchets, puis un crible pour les plus petits, ne seront valorisés que les bouteilles en plastique, les flaconnages types bouteilles de lessive, les métaux ferreux et non ferreux ainsi que les papiers et cartons.
Six à huit mille tonnes de PET (plastique clair des bouteilles d’eau) entrent chaque année dans l’île, seuls deux mille tonnes sont récupérées, triées par couleurs. « Les bouteilles d’eau gazeuse, bleues, vertes ou rouges, doivent être triées à part », témoigne Laurent Blériot.
Dans la cour de Cycléa, des big bags de bouteilles réduites en paillettes, des ballots de cartons ou papiers, des montagnes d’encombrants… Toutes choses qui sont exportées en Europe, les métaux, eux, sont vendus en Inde.
Ces matières premières, en effet, sont exportées. Toutefois, un essai est réalisé sur place pour réutiliser le plastique des poubelles usagées en fosses septiques. Un projet est envisagé pour recycler dans l’île les PET qui reviennent sous forme de préformes. « Mais le gisement local est trop peu important ; la plus petite usine de France traite 20 000 tonnes par an, nous n’en récupérons que 2 000 tonnes », souligne le patron de Cycléa. Il faudra alors augmenter le taux de tri quand, loi Agec oblige, le gisement va diminuer. Peut-être que le jeu en vaut la chandelle ? Peut-être que faire faire le tour de la Terre à ces plastiques pourrait être évité ?
Philippe Nanpon
Quelques chiffres qui font peur
Production de plastiques
460 millions de tonnes de matières plastiques produites dans le monde en 2020
… doublement de la production de 2000 à 2020…
… un milliard de tonnes à l’horizon 2050 si rien n’est fait.
Production en 1950→ 2,3 millions de tonnes / en 1993→ 162 millions / en 2015→ 448 millions : une croissance exponentielle (multipliée par 195)
Près d’un million de bouteilles en plastique sont vendues chaque minute à travers le monde
15 milliards de bouteilles plastiques sont vendues en France par an
Plus de 6,9 milliards de tonnes de déchets plastique ont été produites depuis 2015
Près de la moitié de tous les déchets plastiques sont des emballages ; la plupart ne sont jamais recyclés ou incinérés. C’est le marché principal du plastique de nos jours.
Plus de 40 % du plastique n’est utilisé qu’une fois, avant d’être jeté.
Océans
A l’échelle mondiale, on estime aujourd’hui que la quantité de plastique dans les océans est comprise entre 75 à 199 millions de tonnes (ce qui représente 85% des déchets marins), et que 1 camion poubelle de 17 tonnes, est déversé dans la mer chaque minute
- Entre 75 et 198 millions de tonnes de plastiques déjà présents, déversés dans les océans depuis les années 1950
- 9 à 14 Mt/an de déchets plastique– une quantité qui devrait tripler d’ici à 2040…
- Il y aurait alors plus de plastiques que de poissons dans les océans en 2050 et 50 kg de plastique parmètre de côte dans le monde.
- ▪ 600 000 tonnes de déchets déversés chaque année en Méditerranée
- 24 400 milliards de particules de microplastiques (entre 1 et 5 millimètres) en suspension dans lesmers du globe
- ▪ 73 % des déchets sur les plages à travers le monde sont du plastique : filtres de cigarettes, bouteilles, bouchons, emballages alimentaires, sacs ou bacs en polystyrène.
- … et plus de 50% sont des produits à usage unique▪ 80% des débris plastiques marins proviennent d’activités terrestres. Les 20% restants proviennent des plates-formes pétrolières en mer et des grands navires.
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- Recyclage
▪ 9 % seulement des plastiques produits à ce jour auraient été recyclés, 12 % incinérés et 79 % accumulés dans des décharges ou dans la nature.
- Recyclage
- Souvent très inférieur à 50 % = taux de recyclage du plastique collecté par les ménages, même dans les pays développés
- De 450 ans à l’infini = durée de vie du plastique
- Europe : 31 % de 26 Mt recyclésÉtats-Unis : 10 % du total recyclés
- Vie animale
- 700 espèces marines affectées par la pollution du plastique au niveau de nos océans.
- Plus d’1,5 million d’animaux marins meurent chaque année : étranglés, étouffés, affamés,mortellement blessés par le plastique.
- 90% des espèces marines sont impactées par la pollution plastique : du plancton aux grandsprédateurs (soit 3800 espèces au total)
- Les taux de mortalité causés par des débris plastiques peuvent aller jusqu’à 22% pour les cétacés etpresque 50% pour les tortues marines
- 9 sur 10 oiseaux de mer, 1 sur 3 tortues de mer, plus de la moitié des espèces de baleines et de dauphins ont ingéré du plastique.
- D’ici 2050, toutes les espèces d’oiseaux marins mangeront du plastique régulièrement.
- Pollution
- Nous ne savons pas exactement combien de temps il faut pour que les plastiques fabriqués à partir du pétrole se dégradent (ni même d’ailleurs s’ils se dégradent)
- ▪ La pollution plastique menace la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et l’emploi des communautés de pêcheurs côtiers des pays en développement.
- Gaspillage de ressources en eau
- ▪ 3 litres d’eau seraient nécessaires pour la fabrication d’une seule bouteille d’eau
- ▪ L’eau embouteillée contribue à assécher les nappes phréatiques : l’eau embouteillée est tirée en masse pour être stockée, immobilisée au lieu d’être débitée régulièrement + pertes par gaspillage de bouteilles non finies.
- Source Greenpeace