[Podcast] Les guerrières du Grand Raid

IMMERSION DANS LA DIAGONALE DES FOUS 2024

Dans ce nouvel épisode de podcast, nous vous invitons à plonger en immersion dans l’effervescence de la mythique diagonale des fous. 13%, c’est le nombre de femmes participant à cette édition 2024 de cet Everest du trail. Pendant trois jours, nous avons rencontré plusieurs de ces femmes qui ont relevé ce défi sportif d’envergure. Depuis la remise des dossards jusqu’à la ligne d’arrivée au stade de la Redoute à Saint-Denis, ces guerrières nous ont livré des témoignages poignants.

Ce jeudi 17 octobre 2024, les 373 femmes inscrites à la Diagonale des fous ont pris le départ de la course depuis Saint-Pierre pour franchir la ligne d’arrivée au stade de la Redoute à Saint-Denis. 175 km pour 10 150 mètres de dénivelé positif, et autant de négatif, c’est ce que s’arrêtent à parcourir ces athlètes, pour traverser l’île de La Réunion, du Sud au Nord en moins de 66 heures.  Sur les 2 937 personnes prenant le départ, ces femmes représentent 13 % du total des inscrits. De véritables guerrières, qui se sont lancé dans un périple aussi bien envoutant qu’effrayant. Pendant trois jours, je me suis plongée dans l’effervescence de la Diagonale des fous pour tenter de comprendre ce qui pousse ces femmes, encore sous-représentées, à tenter de gravir cet Everest du trail. Plusieurs de ces guerrières ont accepté de partager avec moi leurs ressentis, leurs peurs, leurs attentes et enfin leur retour d’expérience de cette redoutable diagonale, largement considérée comme l’une des courses les plus difficiles au monde. 

Mercredi 16 octobre, à la Ravine-Blanche de Saint-Pierre, les 7300 coureuses et coureurs inscrit.e.s sur les 5 formats de courses du Grand Raid viennent chercher leur dossard. A l’issue de longues heures d’attente, je croise plusieurs femmes qui viennent de récupérer le fameux papier qui leur permettra de franchir la ligne de départ, le lendemain, à 22 heures tapantes. 

Qu’elles se lancent pour la première fois ce défi sportif ou qu’elles réitèrent leur expérience sur la diagonale, ces femmes ont toutes dû se préparer d’arrache pied, pendant des semaines, mois et années pour espérer rallier Saint-Pierre à Saint-Denis en ce week-end d’octobre. 

Le Grand Raid est aussi synonyme de sacrifices, de concessions pour dégager du temps à arpenter les sentiers de montagne, de piste, de route, qu’il vente, qu’il chauffe ou qu’il pleuve. 

Prendre le départ, et savoir pourquoi

Pour ces passionnées de trail, la Diagonale des fous est une aventure à part qui réserve bien des surprises. Elles se lancent dans l’inconnu, mais savent d’avance qu’elles s’apprêtent à vivre quelque chose de fort, tumultueux, et inoubliable. On dit souvent que pour se lancer dans ce genre de performance, il faut avoir une raison, alors je leur ai demandé qu’elles étaient les leurs. A leurs réponses, je sens les émotions se mélanger, jusqu’à déborder. Audrey a les larmes aux yeux lorsqu’elle me répond. «J’aimerai franchir la ligne d’arrivée avec mon frère. Tous les deux, en même temps, ça sera compliqué, mais ça serait mon rêve.»

Sylvie et Régine se sont rencontrées ce jour la, et ont décidé de se suivre durant le parcours. Une sororité féminine nécessaire, qui peut même changer le cours de la course lorsque que l’on est sur le fil de la souffrance, du dépassement, et que le risque de blessure et d’abandon plane sur les athlètes. 

13% de femmes

Pour Valérie, Sylvie, Régine, Audrey, Marie et Virginie, la force et la puissance des coureuses égale celle des hommes sur les sentiers. Les femmes se démarquent par leur sagesse, leur détermination et leur résilience. 

Le jeudi 17 octobre, à 22 heures, l’ambiance bat son plein, l’adrénaline est à son comble, le départ est enfin lancé. Les coureurs et coureuses lâchés, je prends la route en direction de Cilaos ou je fais un premier stop, puis je me rends à Marla par le col du Taibit. J’y rencontre Jean-Claude. Depuis 1989, lorsqu’il ne fait pas lui même la diagonale, il se rend à ce point mythique de ravitaillement, en plein coeur de Mafate, pour prêter main forte. Des guerrières du Grand Raid, il en a vu passer, et cette année encore, il a été impressionné par plusieurs d’entres elles. 

Rêve déchu ou victoire personnelle

Nous sommes maintenant le samedi 19 octobre, dans le stade de la Redoute à Saint-Denis. Plusieurs centaines de personnes sont venues des quatres coins de l’île pour assister à l’arrivée des raideuses et raideurs. Les premiers ont franchi la ligne la veille au soir.  En ce troisième jour de course, à 15 heures, 18 femmes sont arrivées. Parmis elles, je rencontre Marion Flament 13ème féminine. Elle a mis 41 heures et 48 minutes pour boucler sa course.

Parmi les femmes ayant accepté de se livrer au micro de Parallèle Sud, Sylvaine Cussot, autrement appelée Sissi Cussot, revient sur son histoire avec le trail et cette course en particulier. Cette année, Sissi a participé pour la 4ème fois à la diagonale, dont elle ressort encore une fois grandie. Arrivée 6ème féminine, et 109e au scratch, elle a mis 36 heures et 48 minutes à boucler sa course. Depuis sa découverte de la pratique du trail il y a plus de 10 ans, elle a vu augmenter le nombre de femmes sur les sentiers, sur les courses, ainsi que leur niveau. Selon elle, les femmes ne sont peut être pas toujours conscientes de la force qu’elles ont en elles, de leurs capacités à se dépasser sur ce type de distances.

Pour Chloé, tout ne s’est pas passé comme prévu durant la course. Elle a abandonné après 145 km, à bout de force.  Elle m’explique comment la diagonale l’a poussée au bout de ses limites, et ce qu’elle en retient. 


Avant qu’elle ne reparte dans l’Hexagone, j’ai retrouvé Audrey, que j’avais rencontrée à la remise des dossards. Ce jour-là, émue, elle me racontait à quel point passer la ligne d’arrivée avec son frère lui tenait à coeur. Son rêve s’est réalisé dimanche dernier, après 
62 heures de course. Sur les 373 femmes inscrites, 226 ont franchi l’arche du stade de la Redoute.

Malgré la souffrance, le doute, l’épuisement, la colère que ces guerrières ont pu ressentir sur les sentiers, elles en retiendront la fierté profonde d’avoir eu la chance de se confronter au moins une fois à la mythique Diagonale des fous. Et, peut-être, certaines d’entre elles auront la folie de prendre leur revanche, ou tenter de faire mieux sur ces mêmes sentiers lors d’une prochaine édition

Cet épisode a été réalisé par Sarah Cortier

Remerciements à Sissi Cussot, Marion Flament, Valérie, Virginie, Régine, Sylvie, Audrey, Marie, Chloé et Jean-Claude pour leurs témoignages.

A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Etudiante en journalisme

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique, Sarah souhaite désormais se former au métier de journaliste qui la fait rêver depuis toujours. Persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits et d’apporter de nouveaux regards sur le monde pour le faire évoluer, Sarah souhaite participer à ce travail journalistique engagé aux côtés de Parallèle Sud.

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