COLLOQUE SUR LES OUTRE-MER
Réunis à Paris à l’invitation du Parti communiste français (PCF) pour un colloque sur les Outre-mer, les députés de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane et de La Réunion ont redit leur volonté commune de changer le rapport de leurs territoires à la France.
La journée a commencé par une « séquence sémantique » : « Le terme “Outre-mer” fait perdurer le jeu colonial, rend obligatoire le fait de devoir exister par rapport à un Autre et rend impossible le fait de s’auto-centrer », a théorisé Corinne Mencé-Caster, professeure de linguistique à la Sorbonne. Dans le siège historique du PCF à Paris, sous la célèbre coupole dessinée par l’architecte Oscar Niemeyer, c’était une façon pour la première oratrice de ce colloque consacré aux Outre-mer, à leur « développement dans l’égalité républicaine », de poser le décor.
« Bilan de la départementalisation », « économie de plantation et autosuffisance alimentaire », « différenciations institutionnelles et normatives dans la Constitution », « Appel de Fort-de-France »… les tables rondes et les prises de parole des orateurs étaient sur la même ligne. Un positionnement politique synthétisé par le député (GDR) de Guyane Davy Rimane, pour qui « le rejet de la proposition de loi sur la réintégration du personnel soignant non vacciné a été l’humiliation de trop ! À partir de là, nous nous sommes retrouvés, en tant qu’élus de territoires dits d’Outre-mer et nous avons décidé de nous redresser. Ce n’est pas une posture anti-française mais une façon de dire que l’histoire doit être regardée en face ». Le « séminaire de Cayenne » qui a suivi, c’est-à-dire le moment où tous ces élus se sont retrouvés en Guyane en janvier dernier, n’était qu’une première étape.
Nouvelle Alliance
Invités à ce colloque, de nombreux experts et professeurs d’université ont donné des points de vue engagés, tant sur l’histoire qu’à propos de la situation contemporaine des départements et collectivités ultramarins. Justin Daniel, professeur de sciences politique à l’université des Antilles, a ainsi déclaré que « l’État n’a plus d’ambition pour les Outre-mer. La loi de départementalisation, ou plutôt d’assimilation comme on l’appelait à l’époque, était vue comme un aboutissement : en réalité, elle s’est révélée un processus continu et très largement inabouti ».
S’il est un point sur lequel orateurs politiques et experts sont tombés d’accord, c’est la nécessité très actuelle et très concrète d’une décolonisation des départements ultramarins. Pour Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et ancien candidat à la présidentielle, c’est une véritable prise de conscience. « J’ai ressenti pendant la campagne de l’élection présidentielle, l’urgence de réactualiser notre pensée, nos objectifs et nos combats ensemble ! » a-t-il lancé aux élus ultramarins et aux participants du colloque.
« Vous n’êtes pas seuls dans cette République des oubliés, nous devons faire une nouvelle alliance ! » renchérissait un peu plus tard, Philippe Rio, responsable de la coopérative des élus communistes et maire de la ville de Grigny. « Tout projet politique doit penser son organisation territoriale, nous sommes à votre disposition. »
Ce momentum décolonial du PCF doit beaucoup à la nouvelle composition de l’Assemblée nationale : le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) compte 10 députés ultramarins pour un total de 22 membres. Il faut 20 élus pour pouvoir former un groupe politique et bénéficier des avantages qui y sont liés dans le fonctionnement légal de l’Assemblée.
Cela dit, à en croire le sénateur (PS) Victorin Lurel, invité du colloque et orateur lors de cette journée, « Le Parti communiste est depuis bien longtemps dans un moment décolonial, un horizon décolonial même, cela fait partie de son ADN. Autoriser à penser l’émancipation des populations et même des peuples, est très important. » Surtout si la configuration politique du moment l’impose.
À Paris, Julien Sartre
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Et aussi : Une proposition de loi pour les fonctionnaires ultramarins
Les accords politiques entre élus communistes et élus ultramarins d’opposition de gauche donnent la possibilité aux uns comme aux autres de former un groupe dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale et donc de défendre leurs propositions de loi. Lors de la prochaine « niche » du groupe, c’est-à-dire le moment qui leur sera consacré d’office pendant le temps de travail des députés, les députés Gauche démocrate et républicain (GDR) demanderont à leurs collègues de voter une loi « visant à promouvoir l’emploi et le retour des fonctionnaires d’État ultramarins dans les territoires d’Outre-mer. »
Dans le texte préparatoire, les élus soulignent le fait que dans les Dom, « les ultramarins sont minoritaires à occuper des postes d’encadrement dans la fonction publique d’État. En effet, les enquêtes Emploi réalisées par l’Insee sur des données recueillies de 2014 à 2019 estiment qu’il y a une surreprésentation des cadres « hexagonaux ». » Il convient donc, selon les députés GDR, de « favoriser l’emploi et le retour des fonctionnaires d’État ultramarins dans leur territoire et [de donner] aux centres d’intérêts moraux et matériels une assise légale. » La proposition de loi sera débattue le 12 avril prochain.