LES GENDARMES ONT CONSTATÉ SON DÉCÈS AVANT L’ALERTE VIOLETTE
Il est le premier des SDF dont on a retrouvé le corps pendant le passage du cyclone Belal : Jean-Hugues est mort à l’abri du débord du toit de la mairie annexe de Saint-Gilles. « Sa » mairie ! Considérons qu’elle lui appartenait tant il était connu depuis une dizaine d’années sous le surnom du « maire de Saint-Gilles ». « Pour tout le monde, c’était Monsieur le maire », relatent les riverains.
De l’autre côté de la rue se trouve la brigade de gendarmerie. En pleine alerte, les gendarmes pouvaient l’apercevoir à travers leur fenêtre. Justement, ils s’en sont inquiétés. Le capitaine du peloton de gendarmerie de Saint-Paul relate que ses hommes ont proposé au sans-abri de rejoindre un centre d’hébergement avant le déclenchement de l’alerte rouge. C’est quand ils sont retournés le voir une demi-heure avant le début de l’alerte violette qu’ils ont constaté son décès.
Quel en est la cause ? Une voisine qui le connaissait bien évoque l’éventualité d’un arc électrique conséquence d’un dégât cyclonique marginal. Mais elle penche plutôt pour une septicémie « car il avait une jambe enflée. Il devait aller voir le médecin ». Zaskia, qui pratique des massages thaï sur la plage, pense que Jean-Hugues, « qui allait avoir 61 ans le 29 mars », a pu être victime d’un AVC. Qui sait ? Elle avait vu sa santé se dégrader depuis trois mois : « Il avait perdu son énergie, Il venait m’aider moins souvent »… Interrogé au lendemain de Belal, Emmanuel Séraphin, le « vrai » maire de Saint-Paul, signalait pour sa part « une mort naturelle ».
Ancien prof de sport
Tout le monde connaissait Jean-Hugues à Saint-Gilles. « C’était une belle personne », s’exclame Zaskia à qui il rendait service tous les jours pour monter et démonter son salon de massage. « Il ne gagnait que 400€/mois et il aidait tout le monde pour gagner une petite monnaie. Il était grand et costaud et portait mes affaires. Je lui donnais un billet de 10€ à chaque fois. Pour Noël je l’avais amené en voiture faire ses courses. Je voulais lui acheter du champagne et du foie gras mais il m’a dit qu’il n’avait pas besoin de ça et s’est contenté d’acheter des rillettes ».
Pour avoir partagé son quotidien avec Jean-Hugues pendant huit ans et demi, Zaskia a appris qu’il avait été « prof de sport » et avait eu une « vie normale », qu’il avait un fils et des frère et soeur sur Saint-Gilles. « On avait de grandes discussions, il parlait de politique, de sport. Il connaissait beaucoup de choses mais parfois il était difficile à suivre car il souffrait de schizophrénie. Et tout cas, il prenait soin de lui, de son hygiène. »
La vendeuse de la boutique du coin confirme la serviabilité de « Monsieur le maire ». Il déposait ses provisions dans le frigo d’un restaurant. Il nettoyait les terrasses des voisins. « Il n’y a que moi qui lui criais dessus quand il lavait le palier à grande eau mais, au fond, je l’aimais bien comme tout le monde ici », murmure une dame presque centenaire.
Les habitants de l’immeuble le plus proche avaient fourni un coffre à Jean-Hugues pour qu’il y mette ses sacs et vêtements à l’abri. Le tout était entreposé dans une cage d’escalier à l’abri des intempéries. « Avant le cyclone on lui avait dit de venir. On n’avait pas fermé la porte de l’immeuble pour qu’il puisse venir se réfugier mais il n’a rien voulu entendre et est resté dans « sa » mairie.»
F.C.