Clara Derfla: « Utopiste? J’en suis fière »

[Présidentielle]

Dans le cadre de la campagne pour la prochaine élection présidentielle, nous allons à la rencontre de personnalités réunionnaises afin qu’elles nous racontent comment elles la vivent. Cette semaine, Clara Derfla oscille entre espoirs et résignation.

  • Bonjour Clara Derfla. Pouvez-vous nous dire qui est Clara Derfla?
  • Oui, bien sûr. Je suis une syndicaliste, une maman, une photographe… J’aime la spiritualité, je cultive un regard large sur le monde…
  • A trois semaines du premier tour, comment voyez-vous cette campagne présidentielle?
  • J’observe de loin. D’ordinaire, je suis ça de près mais là, pour faire quoi? Pour refaire la même chose? Les gens se sentent déçus, manipulés, le pouvoir d’achat est un problème, on l’a vu avec les Gilets jaunes, il y a un malaise profond.
  • Que pensez-vous de la proposition du candidat Macron de faire travailler les bénéficiaires du RSA?
  • Est-ce que l’on pourrait parler des vrais problèmes? Donner un vrai travail à ceux qui n’en ont pas. C’est toujours la même chose, on vise les petits mais quand les puissants volent l’argent, ils ne sont pas condamnés, je suis déçue de ça, de cette crise de valeurs.
  • Comment allez-vous vous déterminer pour cette élection?
  • Il faut connaitre ses propres valeurs. Si celles du candidat sont en phase avec les miennes, je voterai pour lui. Souvent, on ne choisit que par intérêt personnel, en ne regardant que le superficiel. Il faut regarder les besoins vraiment importants qui, pour moi, sont un toit, de quoi manger, de l’amour et de la bienveillance.

« C’est grave de jouer avec la peur des gens pour les manipuler »

  • Que vous inspire la guerre en Ukraine?
  • Est-ce que j’ai besoin de voir ces dirigeants étaler leur toute puissance? Ce dont j’ai besoin, c’est de vivre dans un monde meilleur. On me dira utopiste, j’en suis fière, il faut croire en un monde qui n’existe pas encore. Nous vivons dans un système qui ne plaît à personne, qui dit qu’il est super? 
  • Pensez-vous que le président Macron utilise la guerre en Ukraine au profit du candidat Macron?
  • Oui, on joue sur les peurs. C’est grave de jouer avec la peur des gens pour les manipuler. Après le Covid, on a la guerre. Mais pour avoir peur de quoi? On ne vit plus, pourtant la maladie a toujours existé. Les spécialistes du Covid, dans les médias, sont devenus des spécialistes de guerres. Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’y intéresser, mais il faut être capable d’analyser, de faire la part des choses. Comment décrypter une campagne présidentielle quand les informations sont à 90% monopolisées par le Covid ou la guerre? On s’y perd complètement si l’on oublie ses vrais valeurs. Qu’importe qui a raison, ce n’est pas de ce monde là que je veux. Je veux d’un monde où l’on se lèverait serein le matin, où tout le monde pourrait manger correctement, où tout le monde aurait un travail; quel candidat porte ces valeurs? Aucun.
  • L’extrême droite est en tête dans les sondages…
  • Zemmour prône le rejet de l’autre, ce n’est pas humain. Rejeter l’autre, c’est se rejeter soi-même, qu’importe la couleur ou l’origine. C’est plus facile d’aller sur ces arguments que de poser les vrais problèmes.
  • Il faudrait changer de société?
  • En tout cas, il ne faut pas compter sur un président de la République pour ça, il ne faut pas croire que c’est lui qui va venir nous sauver. Au lieu d’être dans la lutte, on pourrait être dans la création, il suffit juste de penser qu’un autre monde est possible. On dirait qu’on arrive à une sorte de résignation, même dans le syndicalisme, on voit que les gens ont du mal à batailler.
  • Quel serait votre candidat rêvé, le programme que vous aimeriez ?
  • Le plein emploi, la paix… pas un président qui se croit le plus fort du monde. Je serais aussi pour le référendum d’initiative populaire, pour que l’on puisse avoir un droit de regard sur la politique menée, pas donner tous les pouvoirs une fois l’élection passée.
  • En 2017, personne à La Réunion ne soutenait Macron. Que penser de tous ces récents ralliements locaux.
  • Je me pose la question: qu’est-ce qui anime ce choix? Sur quoi se basent-ils pour prendre cette décision? Pour beaucoup, c’est certainement par intérêt, mais intérêt de quoi? Pour le pouvoir? La question à se poser est de quoi le peuple réunionnais a-t-il besoin. 
  • La dernière question, à la réponse facultative, sera pour qui allez-vous voter?
  • J’ai déjà tout dit. Mais j’irai voter!

Propos recueillis par Philippe Nanpon

Bio Express

Clara Derfla est devenue l’une des figures du syndicalisme réunionnais. La fille de la très active syndicaliste Marlène Derfla a quitté la CGTR en 2014 pour prendre son indépendance et créer l’Union régionale 974, dont elle deviendra secrétaire générale, pour promouvoir un syndicalisme « de terrain ».

© Jéromine Santo-Gammaire

L’entretien intégral comme si vous y étiez

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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