[Randonnée] L’escalade du Cimendef

LA PYRAMIDE DU ROI MARON

Cimendef, roi maron, a donné son nom à une montagne en forme de pyramide. 271 ans après sa mort le sommet accueille un autre symbole. Pour savoir de qui il s’agit, il faut lire ce texte ou regarder la vidéo jusqu’au bout.

Le Cimendef — c’est écrit comme ça un peu partout mais il y a débat sur l’orthographe — est cette pyramide montagneuse facilement reconnaissable que l’on soit au Port, en regardant dans l’enfilade de la Rivière des Galets, dans Mafate, ou Salazie. 

A 2 228 mètres d’altitude, il marque l’un des centres de gravité du royaume des marons, comme le piton Anchaing. Cimendef désigne celui qui ne veut pas être esclave en malgache : « tsy mandevi / non esclave ». Les sources historiques concordent pour dire que Cimendef s’est enfui et qu’il a été tué par un « chasseur de marons » en 1752, Bronchard a priori, mais le meurtre est parfois attribué à Mussard. Il avait pour épouse Marianne qui a laissé son nom à la crête qui prolonge le Cimendef et qui domine la rivière Sainte-Suzanne.

Le Cimendef déchire les nuages.

Cette zone charnière entre Mafate et Salazie se trouve à l’écart des sentiers GR les plus fréquentés. Le bras de Sainte-Suzanne a été vidé de ses ilets et le Cimendef ne s’offre pas facilement aux randonneurs. Certains guides de montagne le proposent dans leur catalogue car son approche relève de l’escalade. Et un peu de matériel, cordes et casques, peut rassurer les groupes qui partent à son assaut.

Thierry Gillet, avec qui nous avions visité les trois salazes il y a quelques mois, nous avait dit d’attendre la saison sèche pour nous lancer dans l’ascension. C’est aussi ce que conseille l’incontournable site des randonneurs hors-pistes RandoPiton. De fait, le Cimendef est placé sur la route des alizés. Il déchire les nuages tout au long de l’année. Et il est hors de question de l’escalader par temps de pluie.

Des rochers à escalader au-dessus du vide

Après une premier renoncement le mois dernier, nous nous sommes organisés ce week-end des 10 et 11 juin pour l’escalader en deux temps. D’abord la partie « tranquille » de Grand-Ilet jusqu’à « la fenêtre » sur un sentier balisé avec, dans le sac, de quoi passer la nuit en contrebas du col. Nous avons donc établi notre bivouac là-haut, suspendus dans nos hamacs, à écouter le vent chanter dans les filaos. Nous avons passé la nuit à la frontière de la pluie, un peu mouillés, mais pas trop.

Seule entrave au règlement sévère du Parc national, nous avons allumé un feu à l’abri d’un rocher. L’humidité ambiante empêchait toute propagation et un bivouac sans flamme et crépitement de bois mort, ce n’est pas vraiment un bivouac, mince !

La pluie ne s’est arrêtée que vers 3h00 du matin. De quoi nous faire douter. Est-ce que ça va passer ? A en croire le fondateur de RandoPiton, Jean-Paul Goursaud, qui a écrit un commentaire le 8 février dernier sous la fiche du Cimendef, il n’est pas nécessaire de s’équiper de cordes. Il est juste obligatoire d’être entraîné, motivé et de ne pas être sujet au vertige.

En effet, la veille nous avons croisé deux randonneurs ayant escaladé le Cimendef et qui nous ont confirmé y être arrivé sans équipement. Et nous avons aperçu ce dimanche un autre groupe monter à mains nues.

Sur les autres expéditions décrites par RandoPiton, la trace GPS à télécharger, se révèle indispensable. Ce n’est pas le cas pour le Cimendef car il n’y a pas de risque de s’égarer : il suffit d’escalader l’arrête qui part de « la fenêtre ». Dès les premiers pas on sait si on est en mesure de poursuivre ou s’il faut faire demi-tour : il faut en effet progresser sur l’étroite ligne de rochers à escalader avec le vide des deux côtés.

Une lame de sabre rouillée

Les difficultés s’enchaînent pendant deux heures et demi. Soyons honnêtes, nous ne sommes pas sûrs d’y arriver, craignant à chaque marche franchie que la suivante soit encore plus compliquée. Il y a quelques moments de doute à surmonter. Une pierre qui bouge et se détache, un surplomb au-dessus du trou… 

Tout au long de l’ascension, 500 mètres de dénivelé positif, la course des nuages fait changer les ambiances et les paysages. Le cirque de Salazie et le Bras Sainte-Suzanne disparaissent par intermittence sous une mer de brume alors qu’apparaissent la Roche Écrite, le piton des Neiges, le Gros Morne, le Grand Bénare et le piton de la Fournaise.

Après avoir tant douté et tant sué, c’est presque par surprise qu’on atteint le sommet couvert de branles rachitiques. À droite une vue sur Mafate et ses îlets (îlet à Malheur et îlet à Bourse), RandoPiton indique l’existence d’un sentier descendant en direction du Piton Bémale et de la route forestière du Haut Mafate. Ce sera, peut-être, pour une prochaine fois.

Au bout du chemin, surprise, un autel de cailloux entoure une statue de Bouddha. Il est assis sur une galet arrondi qui vient sans doute d’en bas. Il serre entre ses mains une pièce de 50 centimes et trône devant une lame de sabre rouillée. On vous laisse imaginer l’histoire, on doit redescendre, piano piano, avant l’arrivée du brouillard. 

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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