recyclage de meubles, l'atelier de Jess

[Recyclage] La magicienne de la récup

RESTAURATION DE MEUBLES

L’Atelier de Jess rencontre un succès croissant sur les réseaux sociaux. Jessica Bayol, 46 ans, récupère de vieux meubles abandonnés au bord des routes pour les transformer totalement et éviter le gaspillage. La générosité, la simplicité de sa démarche et sa portée dans l’ère du temps ont fait la popularité de sa page qui touche aujourd’hui 65 000 personnes sur Facebook. L’entrepreneure s’apprête à lancer une peinture 100% biodégradable à base de pigments naturels.

10 heures par jour, Jessica Bayol travaille dans son atelier. Elle traite, elle ponce, elle peint. Sous ses mains passent quantité de bois variés : le merisier, le pin, le tamarin… Avec l’expérience, elle reconnaît désormais les différents bois, leur couleur, les veines qu’ils dessinent, les nœuds qu’ils portent et qui font leur singularité. Sa matière première, les meubles, elle la récupère dans la rue ou à tout petits prix sur le Bon Coin, « parce que les gens n’ont pas conscience du potentiel d’un vieux meuble de famille ». Autrement, ce sont les meubles que lui portent ses clients parce qu’ils rêvent des miracles qu’elle sera capable d’accomplir pour transformer une ancienne coiffeuse, un buffet de l’arrière-grand-mère en pièce unique avec un cachet actuel.

Jess est une magicienne.

Parallèle Sud et l’Atelier de Jess sont nés au même moment, juste après le confinement, et ont grandi en parallèle. Jessica venait de démissionner de son travail dans l’hôtellerie. C’est la génération, tranquille et déterminée, des nouvelles activités émergentes.

65 000 abonnés

En trois ans, à peine, l’Atelier de Jess a rencontré un succès croissant sur les réseaux. Avec 65 000 abonnés sur Facebook, Jessica — qui travaillait seule jusque-là — doit se soumettre à une organisation rigoureuse. Elle passe 2 heures par jour sur les réseaux sociaux, pas plus, sinon ça lui prendrait tout son temps. A répondre aux 150 messages quotidiens, à transmettre des conseils sur le groupe Les relookeurs du 974 qu’elle a créé, à réaliser des devis à partir de photos, etc.

Il y a quelques mois, elle a même dû annuler un showroom — un événement pour présenter ses réalisations au public — parce que plus de 400 personnes avaient confirmé leur venue, dépassant largement la capacité d’accueil de son logement. Quand elle a commencé, elle était loin d’imaginer ce succès. Mais naturellement, la générosité de sa démarche et sa portée dans l’ère du temps ont fait le reste.

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La Réunion, Maurice, Madagascar

« Ce qui plaît, ce sont les conseils, les astuces que je donne. Comment, avec une tête de lit pour enfant en bois récupérée, des planches, on peut faire un banc très sympa par exemple. Je suis bien sûr très suivie à La Réunion, mais pas seulement, j’ai beaucoup de gens qui sont à Maurice, à Madagascar, en France, etc. »

À travers sa démarche, elle sensibilise les gens à trouver une autre utilité à ce qu’ils possèdent, à ne pas jeter. « Par exemple, j’ai retourné le haut d’un buffet de salon orange bien moche, je l’ai peint et je l’ai transformé en un meuble à chaussures. Il a eu beaucoup de succès ! »

Envies « trop sages ou trop folles »

Aujourd’hui, il y a plus de 8 mois d’attente pour les clients. Jessica Bayol parvient toutefois à conserver du temps pour se faire plaisir dans ses propres créations. « Quand c’est des commandes, les gens ont leurs idées en tête. » Avec, elle le reconnaît, parfois des envies « trop sages ou alors trop folles ». Elle raconte avec amusement cette fois où un client lui a demandé de customiser son buffet dans un « jaune titi brillant ».

« Parfois je refuse carrément parce qu’ils ont des meubles inestimables et ils veulent les remettre au goût du jour en les peignant. On n’est pas loin du sacrilège ! Le bois, on le respecte. Quand on le peint, le meuble perd de sa valeur. »

Retirer les couches de vernis

Pour s’être abîmé l’épaule et le bras en passant le plus clair de son temps sur la ponceuse, Jessica mesure la valeur du temps passé à retirer les couches de vernis orange ou de peinture ancienne. Parfois, cela suffit pour redonner du caractère au meuble. Souvent, derrière ses épaisses couches de vernis, le bois n’a pas du tout la même apparence.

Âgée de 46 ans, Jessica a exercé une grande variété d’activités dans sa vie. La première, c’est d’avoir été mère très jeune, puis famille d’accueil pour adolescents placés, et enfin elle a passé plusieurs années dans l’hôtellerie. Aujourd’hui, elle s’apprête à commercialiser ses propres peintures, 100% biodégradables, à partir de pigments naturels tels que le curcuma ou encore les scories. Et pour continuer toujours à ne pas gaspiller, elle prévoit de les vendre au poids dans des pots consignés.

« Ecologie passive »

Malgré la sensibilité de sa démarche à l’aspect écologique, Jessica s’estime à contre-courant de la tendance de certains à être, selon elle, « trop radicaux ». « Quand tu as une activité en lien avec l’écologie ou le recyclage, souvent on te catalogue. Moi, je ne suis pas moralisatrice, je n’irai jamais dire à quelqu’un qu’il n’aurait pas dû acheter un meuble neuf. Quand je vois un meuble sur le trottoir, je vois de l’emploi, une chaîne, une opportunité économique, je n’y vois pas que de l’écologie. Moi, je suis dans l’écologie passive. »

Elle développe avec verve ses convictions : « Je n’aime pas du tout les personnes moralisatrices. Moi, je ne revendique rien. Ce que je veux, c’est amener plein de personnes différentes, qui n’ont pas les mêmes idées, à partager, échanger. C’est la différence qui nous rassemble. Tolérer les gens qui ne pensent pas comme nous, c’est aussi se donner la possibilité à soi-même de dire ce qu’on ressent, sans se conformer, sans chercher à rentrer dans une case. »

Dans cette démarche, elle espère d’ailleurs pouvoir fédérer des artisans qui vont dans la même direction : dans le recyclage, la seconde main, la réparation d’objets…

Texte : Jéromine Santo-Gammaire

Photos : L’Atelier de Jess, Joséphine Robore

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.

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