Interventions de Médecins du Monde auprès des réfugiés sri-lankais.

[Réfugiés] « On ne risque pas sa vie sans raison sérieuse »

INTERVIEW DE LA DÉLÉGUÉE RÉGIONALE DE MÉDECINS DU MONDE

Six réfugiés sri-lankais, arrivés dimanche dernier sur un petit bateau, se battent actuellement à la frontière réunionnaise pour faire valoir leurs droits de demandeurs d’asile. Zoom sur l’intervention de Médecins du Monde.

Trois ans après les premières vagues d’arrivées de réfugiés sri-lankais, une nouvelle embarcation a abordé dimanche dernier les côtes réunionnaises. Les six passagers fuient la crise qui secoue leur pays. Administrativement, ils n’ont toujours pas posé le pied en territoire français, les autorités s’appliquant à les faire passer d’une zone d’attente, au Port, à une autre zone d’attente, à Gillot. Tous tentent de se faire reconnaître comme demandeurs d’asile et sont actuellement soumis à une procédure particulièrement sévère.

Dans ce contexte de défiance, les gestes ou les moments de réconfort sont plutôt rares. A ce titre, l’action menée par Médecins du Monde est à signaler. Emmanuelle Dupont, déléguée régionale pour l’océan Indien revient sur le déroulement du débarquement des réfugiés.

Emmanuelle Dupont, déléguées régionale de Médecins du Monde pour l’océan Indien
Emmanuelle Dupont, déléguée régionale de Médecins du Monde pour l’océan Indien

— A l’arrivée du bateau de pêche sri-lankais, dimanche dernier au Port, une équipe de Médecins du Monde a pu ausculter les six passagers. Dans quel contexte s’est déroulée cette intervention ?

Emmanuelle Dupont, déléguée régionale de Médecins du Monde pour l’océan Indien : Ayant appris l’arrivée de ce bateau, nous avons spontanément envoyé une équipe sur place : deux médecins et deux coordinatrices. Nous avons demandé aux autorités (les douanes et la police aux frontières) de pouvoir ausculter ces gens et nous avons été autorisés à le faire.

— Lors d’une précédente arrivée de réfugiés sri-lankais, durant la vague de 2018-2019, vos équipes avaient déploré avoir eu trop peu de temps pour remplir leur mission dans de bonnes conditions…

— Cette fois-ci, ça s’est bien passé. Nous n’avons pas été limités dans notre action.

— Quel était l’état de santé des 6 Sri-Lankais arrivés ?

— Le secret médical nous interdit de rentrer dans les détails. Mais il s’agit de six hommes qui venaient de traverser un océan de 4 238 km pendant 26 jours à bord d’un bateau trop petit pour une telle traversée. Ils étaient simplement vêtus de shorts et de tee-shirts, comme s’ils s’étaient embarqués à l’improviste, sans bagage. Ils étaient frigorifiés. Nous les avons trouvés extrêmement fatigués. Leur état ne nécessitait pas une hospitalisation mais nous avons demandé à ce qu’ils puissent être soumis à des examens complémentaires.

— Médecins du Monde assurera ce suivi ?

— Hélas, nous n’avons pas eu de suite. Ce qui est assez frustrant. Les autorités ont pris le relais et nous avons appris que les réfugiés ont été conduits en zone d’attente à l’aéroport… Mais nous répondrons présents si on nous demande d’intervenir.

Interventions de Médecins du Monde auprès des réfugiés sri-lankais.
Interventions de Médecins du Monde auprès des réfugiés sri-lankais.

— Justement, comment se décide votre intervention ?

— Nous intervenons à chaque fois qu’une situation d’urgence sanitaire se présente. En l’occurrence, à l’arrivée de ce bateau, il nous paraissait indispensable d’évaluer l’état de santé des réfugiés. C’est important de faire un accueil digne de ces personnes. Et nous saluons la générosité de la communauté des gens du port qui s’est immédiatement mobilisée pour apporter des vêtements et des boissons chaudes.

— Que retenez-vous de cette intervention ?

— Il était essentiel d’assurer cet accueil. Essentiel de comprendre les raisons de ce voyage pendant lequel ces hommes ont mis leur vie en danger. Le Sri-Lanka traverse une nouvelle crise économique et politique d’une extrême gravité. Les prix ont augmenté de 60% en un mois. Nous, médecins du monde, sommes là pour témoigner qu’on ne risque pas sa vie sans raison sérieuse.

Entretien : Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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