INTERSYNDICALE ET ORGANISATION
Avant chaque manifestation, l’intersyndicale décide du chemin que prendra le cortège. Entre le 20 et le 23 mars, elle a opté pour un autre mode d’expression. Barrages filtrants, distribution de tracts, SRPP sous tension, on était plus près du mouvement des Gilets jaunes que du traditionnel parcours Petit marché – Barachois de Saint-Denis. Didier Bourse, membre de l’intersyndicale en tant que représentant de l’association citoyenne Attac, nous raconte comment ces décisions sont prises.
Didier Bourse, comment se déroulent les réunions préparatoires aux manifestations et qui y participent ?
Il y a dans ces réunions les représentants de l’intersyndicale. C’est-à-dire les syndicats CGTR, CFDT, Solidaire, FO, CFO CGC, CFTC, Unsa, FSU, Saiper, l’Unef ainsi que la Fédération des retraités de la fonction publique et Attac. La réunion dure trois à quatre heures, c’était vendredi pour la manif de mardi. C’est très compliqué, ça demande parfois beaucoup de discussions, mais on y arrive. Ensuite, on se revoit pour la conférence de presse et c’est tout.
Vous êtes nombreux autour de la table. Ce n’est pas trop difficile de s’entendre ?
En effet, ce n’est pas évident de mener à bien cet exercice de la démocratie. Pour le coup, on a la chance qu’aucun des dirigeants syndicaux n’ait une trop grosse personnalité, il n’y a pas de gros meneurs, on s’écoute. On décide collégialement, en fonction de la stratégie que l’on décide.
Qu’est-ce qui fait que l’on choisisse un défilé traditionnel ou un autre mode d’action comme occuper un rond-point ou les abords de la SRPP ?
Pour cela, nous tenons compte de la mobilisation de la précédente manifestation, la gradation… Il faut aussi pouvoir tenir dans la durée. Dans une manifestation de rue, il faut qu’il y ait du monde. On sait aussi que de telles manifestations rassemblent plus. Le 7 mars (distribution de tracts à Gillot), il y avait quand même beaucoup de monde, nous avons été étonnés nous-mêmes et ça a montré la détermination des syndicats. Comme le mot d’ordre national était de bloquer l’économie, nous avons imaginé entre les 20 et 23 mars des actions inspirées des Gilets jaunes. Nous avons cherché les points stratégiques : SRPP, distribution de tracts devant les hôpitaux pour sensibiliser aux services publics, refait Gillot et occupé les quatre entrées du Port. C’était plutôt une réussite avec beaucoup d’écho, de la publicité, et surtout la population a bien réagi malgré les embouteillages.
J’ai vu aussi un barrage filtrant sur la quatre-voies au niveau de Savanna…
Parfois, il y a des imprévus. Là, c’est la CFDT du BTP qui a rejoint l’action, ce n’était pas prévu. Tout comme l’opération escargot organisée par la CGTR Albioma.
Et pour l’action du 28 mars (Ndlr: l’interview a été faite avant), comment avez-vous décidé ?
Il y a eu de gros débats. Reconduire le même mode d’action, mais ça finit par être mal perçu par la population, ou retrouver les défilés. Pour rassembler et avoir une mobilisation qu’on espère massive, on a choisi le défilé aux dépens des actions « coup de poing » qui sont plus des actes militants. Pour arriver au consensus, on a mixé les deux avec un changement de l’itinéraire et la décision d’occuper le Barachois.
Après avoir choisi, vous donnez l’itinéraire à la préfecture qui se prononce pour ou contre…
Jusqu’à présent, la préfecture n’a interdit aucune manifestation. A La Réunion, il n’y a eu encore aucune violence et il faut souligner la prudence dont fait preuve le préfet. Pour autant, nous parlons de barrages filtrants, de distributions de tracts, jamais de blocages. Le lundi, à la SRPP, on a bloqué les camions pendant une matinée. Ce n’est pas sûr du tout, bien au contraire, qu’on nous aurait laisser faire une semaine entière. Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu de refus.
Malgré tout, la mobilisation est souvent décevante. Comment l’expliquer ?
Vaste débat. Je pense que la précarité d’une grande partie de la population réunionnaise l’explique en partie. Il ne faut pas oublier que les deux tiers des plus de 50 ans sont sans emploi. Pour eux, RSA ou retraite de misère, ça ne fait pas une grande différence.
Propos recueillis
par Philippe Nanpon