Ruth Dijoux interviewée par Sarah Cortier et Franck Cellier

Ruth Dijoux propose que les élus renoncent à leurs indemnités quand ils ne servent à rien

CANDIDATES, CANDIDATS…

Ruth Dijoux n’aime pas les extrêmes, qu’elle voit à gauche comme à droite. Elle n’aime pas non plus cette période de blocage et d’incertitude au point qu’elle propose la mesure radicale de la démission générale : que tous les élus renoncent à leurs indemnités tant qu’ils ne servent à rien… Rencontre avec la première candidate déclarée à la mairie de Saint-Pierre, fondatrice du parti Ekilibre.

Même si on la présente souvent comme telle, Ruth Dijoux n’est plus une jeune élue. Elle est en effet entrée en politique à la fin des années 2000, repérée par le défunt maire de Saint-Benoît, Jean-Claude Fruteau dont elle fut l’adjointe à la culture.

« J’ai commencé en tant qu’étudiante à l’université de La Réunion. On avait créé notre propre association qui s’appelle Réunir. Après un débat radio assez houleux avec Jean-Claude Fruteau, il vient me voir et me dit : “je suis très intéressé par votre profil”… »

Elle figurait sur la liste du parti socialiste aux régionales de 2015, puis sur celle, centriste, de Jean-Gaël Anda aux municipales de Saint-Pierre en 2020. « Ma famille est d’origine du sud… J’ai beaucoup de membres de ma famille à la Ravine des Cabris… j’ai souhaité revenir. » Elle est la directrice à Saint-Pierre de l’Apap, (l’association pour la protection et l’accompagnement des personnes).

Ruth Dijoux interviewée par Sarah Cortier et Franck Cellier
« Il faut pas confondre les votes d’adhésion et les votes de contestation. »

Entre LFI et le RN, elle ne choisit pas

De sensibilité de gauche, elle tient à marquer ses distances avec ce qu’elle qualifie « d’extrême-gauche » en parlant de La France Insoumise. Et elle ne reconnaît pas comme une « erreur » le fait d’avoir répondu à l’invitation de la députée européenne Maxette Pirbakas qui, elle, était carrément issue du parti Reconquête d’Eric Zemmour (information révélée par Le Tangue, sentinelle intraitable de tout rapprochement potentiel avec l’extrême-droite). Pour elle il s’agissait de « répondre à l’invitation d’une députée européenne d’outre-mer… avec à la clé la promesse de subvention. »

On retiendra au bout du compte qu’au moment de choisir entre un bulletin LFI et un bulletin RN, Mélenchon ou Le Pen, elle fait valoir le secret de l’isoloir avant de voter « blanc ». Et a tendance à relativiser la montée du RN dans les urnes réunionnaises : « Il faut pas confondre les votes d’adhésion et les votes de contestation. »

En tout cas elle déplore la reprise ici des arguments de l’extrême-droite sur le risque d’une « submersion migratoire » : « on s’est perdu quelque part. Par effet miroir, on reporte les craintes nationales par rapport à ce qu’on vit au niveau local. La migration, il y en a toujours eu ici entre Mayotte, les Comores, Madagascar ou même l’Inde. L’histoire de la Réunion, c’est la migration. Nous sommes le fruit d’une migration. »

« On est un exemple du vivre ensemble… Le risque c’est qu’on perde cette exemplarité. »

Elle veut répondre à la perte d’influence des partis traditionnels en s’adressant aux abstentionnistes. « Le gros problème aujourd’hui d’une démocratie en souffrance, c’est que plus personne ne vote. Au final ceux qui votent ce sont les militants des partis. Donc le système fait en sorte de toujours se reproduire. »

« Macron ne démissionnera pas »

Et de lancer la proposition révolutionnaire du renoncement : « On invite la population à manifester, mais demain qui va payer la note de ces manifestations ? Forcément, c’est la population. » « Macron ne démissionnera pas… il faut trouver une autre solution… ne pas prendre la population en otage. »

Selon elle, c’est aux élus de prendre leurs responsabilités : « Le geste fort qui pourrait être fait, c’est que tous les élus renoncent à leurs indemnités, qu’ils disent : je suis pas d’accord avec ce gouvernement. Donc je rends mes indemnités si je ne sers à rien pour le moment. »

« Je refuse de percevoir toutes mes indemnités tant que le gouvernement ne ne bascule pas. »

Favorable à la préférence régionale, Ruth Dijoux raconte son non-recrutement à l’université : « J’ai été qualifiée… il y avait un poste… il a été préféré de faire venir un maître de conférences en mutation… ». Selon elle, pas besoin de toucher au statut de La Réunion pour faire évoluer la loi vers plus d’autonomie : « Ce n’est pas de l’indépendance, c’est de l’autonomie… On peut tenir compte juridiquement de nos spécificités sans revoir la Constitution. La sénatrice Audrey Belim a montré l’exemple sur le plafonnement des loyers. »

Quant à juger des politiques régionales (de gauche) et départementales (de droite), elle est critique sur les deux exécutifs. Pour Huguette Bello : « Je n’ai pas encore vu son bilan puisque son mandat n’est pas terminé. Mais se mettre en photo sur tous les bus… à 2 ans des élections, lorsqu’on supporte en plus des candidats sur les municipales, c’est pas très honnête. »

Ruth Dijoux interviewée par Sarah Cortier et Franck Cellier
«  Il faut vraiment arrêter avec le clientélisme. »
Ruth Dijoux interviewée par Sarah Cortier et Franck Cellier
Entretien : Sarah Cortier et Franck Cellier

« On a de vraies difficultés à travailler avec le département… c’est une souffrance… »

Et pour Cyrille Melchior, elle critique son action de son point de vue de responsable associative œuvrant dans le domaine du social relevant des compétences du Département. « On a de vraies difficultés à travailler avec le département… c’est une souffrance… On n’arrive pas à joindre le département… Il n’y a pas de schéma départemental de l’action sociale… » « Je fais un appel à monsieur Melchior, échangeons, je vais lui expliquer ce qui ne va pas dans la maison. »

Sur Saint-Pierre où elle est la première candidate déclarée à l’élection municipale de l’année prochaine, elle rappelle avoir le soutien de l’ancien maire communiste Elie Hoarau, des écologistes, de Place Publique. Le soutien du PS est encore en discussion et bien sûr d’une union saint-pierroise à laquelle elle travaille avec son parti Ekilibre. Elle annonce qu’Emmanuel Doulouma (Saint-Pierre plus verte) travaille également avec elle.

Cap sur les municipales à Saint-Pierre

« Michel Fontaine a poursuivi l’œuvre d’Élie Hoarau… puis est arrivé… son mandat de trop », dit-elle. Elle s’en prend notamment au manque de transparence des décisions municipales : « ce qui manquait… c’était le respect du cadre juridique… » 

Elle rappelle son opposition à la construction de la nouvelle cité administrative. « J’ai contesté… Le budget est passé de 15 M € puis 18… Finalement 30 M €… Quand un projet n’est pas maîtrisé… il est bancal. » Elle aurait préféré transférer les services ailleurs : « On a une tour à Casabona qui est vide… »

« Il faut vraiment arrêter avec le clientélisme. »

Sur le personnel communal elle veut mettre fin à la « politique de recrutement et d’attribution de primes à l’ancienne ». Elle compte 2 800 agents : « Les agents municipaux pour beaucoup sont en souffrance. » « Peut-être que 10% des agents ne font plus rien et sont en train de pourrir tout le panier. » Elle promet donc, si elle est élue, de replacer l’humain au cœur de la gestion RH : « Je tiens vraiment à ce que les agents municipaux retrouvent leur dignité. »

Autres priorités en cas de victoire aux municipales, écouter les citoyens : « Dans le cadre de la consultation citoyenne, je vais lancer par thématique chacune de nos propositions… ». Et « remettre de l’éthique dans les Process, dans les commissions d’attribution des subventions. Il faut vraiment arrêter avec le clientélisme. »

Entretien : Sarah Cortier et Franck Cellier

Photos et vidéos : Etienne Satre

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A propos de l'auteur

Franck Cellier

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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