L’AFRIQUE DU SUD EST UN VIVIER EXTRAORDINAIRE DE GROUPES TOUS PLUS ORIGINAUX LES UNS QUE LES AUTRES.
Pas moins de quatre artistes sud-africains ont enflammé les scènes du Sakifo vendredi 3 juin, puis un ou deux autres le lendemain. Ce n’est pas autant que de Réunionnais, mais c’est quand même considérable. Qu’est-ce qui peut bien attirer autant les programmateurs en Afrique australe? La mode? La qualité des artistes? Un peu tout ça, mais surtout une extraordinaire profusion de groupes et musiciens, de genres très différents, et beaucoup de qualité.
L’Afrique du Sud, c’est un peu comme la Belgique; la seule mention de l’un de ces pays sur un programme provoque chez l’amateur de musique une irrésistible envie de découverte. Et elle est rarement déçue. « Pourquoi les artistes, musiciens ou danseurs, sont tous très bons en Afrique du Sud », avions-nous demandé aux trois groupes présents le matin de leurs concerts à la conférence de presse dédiée.
Force est de constater que la réponse est plus difficile quand on est concerné. Pour Tumi, de Stogie T, « on attend des Sud-Africains des messages politisés, ou rastas; c’est injuste pour les artistes qui ont une histoire différente ». Nkosi « Jovi » Zithulele, chanteur de BCUC, pointe « l’esprit singulier, le plus honnête possible » de son groupe. « Nous sommes Noirs, mais nous ne revendiquons pas l’identité d’un groupe noir », ajoute-t-il. Bongeziwe Mabandla regrette pour sa part la prédominance de la musique américaine dans son pays. Et le racisme qui permet d’y occulter de nombreux talents. Et si, comme le pense le chanteur à la voix d’ange, les talents étaient encore plus nombreux qu’on ne le pense, et si on ne voyait que la partie émergée de l’iceberg sud-africain?
« Il y a aussi des merdes »
« Il y a aussi des merdes », relativise Jérôme Galabert, ordonnateur du festival saint-pierrois. « J’ai dû écouter une centaine d’enregistrements pour faire une sélection, tout n’est pas bon », poursuit-il. Pour autant, c’est la diversité des cultures, le brassage ethnique qui, pour lui, font les fondations de la créativité sud-africaine.
Gaël Mallet, de l’association La Ravine des Roques, est un autre connaisseur de la musique de nos voisins, pour avoir programmé nombre de groupe de rock issus de Jobourg, Durban ou Le Cap. « Il y a une tension, une violence sous-jacente, qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est bon pour le rock », remarque le Saint-Leusien. « Il y a un gros vivier », reconnait-il, évoquant lui aussi le mélange culturel entre Afrique et Occident. Sans compter les innombrables tribus différentes, l’Afrique du Sud compte pas moins de onze langues officielles.
« L’exotisme marche bien »
De Die Antwoord à BCUC, « l’exotisme marche bien », estime Gaël Mallet. « Un groupe à succès attire les programmateurs, c’est un cercle vertueux dont bénéficient les autres », poursuit l’amateur de rock. « Et puis, l’Afrique du Sud est un pays relativement riche, en tout cas par rapport à ses voisins. Il y a beaucoup de festivals, de cafés concerts, c’est plus facile pour un musicien d’y vivre de son art qu’ailleurs en Afrique », souligne-t-il encore.
Alors, si ce pays compte aussi nombre de musiciens aux styles plus consensuels, il y abonde quantité d’artistes beaucoup plus déjantés. De ceux qui veulent s’exprimer avant tout, avant de viser une carrière commerciale. Et c’est cette authenticité qui fait leur succès.
Philippe Nanpon