Le samedi 8 mars, à Saint-Denis, près de 500 personnes se sont réunies pour une marche lors de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. L’occasion pour tous.tes de faire entendre leurs voix.
Une marche endeuillée
Le 3 mars dernier, Salma, une jeune femme de trente cinq ans, était retrouvée sans vie au pied de son immeuble dans la ville de Saint-Denis. Ce samedi, lors de la marche féministe, une dizaine de ses proches étaient en tête de cortège habillés de blanc, portant son deuil et plusieurs portraits d’elle.
“En début de semaine, quand on a appris pour ce féminicide*, des membres de l’association ont pris contact avec la famille et leur ont proposé de participer à cette marche et de prendre la parole”, explique Karine Mallet, militante bénévole du collectif Nous Toutes 974.
Le sujet est préoccupant sur l’île avec des chiffres de violences conjugales qui sont en nette augmentation ces dernières années. En 2025, on compte déjà un féminicide et deux tentatives selon Karen à La Réunion et 23 au total sur l’ensemble du territoire français.
Pour un 3919 local
“Pour stopper ces chiffres et protéger les femmes, on a besoin de rendre les outils existants accessibles à toutes. Or aujourd’hui, le numéro d’appel d’urgence ne répond qu’en français alors que de nombreuses femmes victimes de violences parlent une autre langue comme le créole, le chinois ou le shimaore”, dénonce Pierrette Mira, présidente de l’association des Femmes Solid’air qui a participé à l’organisation de la marche du jour.
Si l’association Nous Toutes 974 a déjà mis en ligne un livret d’aide avec des traductions, pour Karine Mallet, “l’évolution du dispositif 3919 est primordiale pour pouvoir répondre plus efficacement aux urgences et avoir une prise en charge plus rapide des victimes”.
L’évolution de cet outil, ainsi que l’augmentation des places d’hébergement d’urgence dans le dispositif du 115, sont au cœur des discussions qui animent les associations féministes de l’île. Si l’engagement du département de la Réunion n’est pas remis en cause avec la création de nombreux dispositifs pour la prise en charge et l’accompagnement des victimes de violences conjugales et intrafamiliales, les organisations présentent lors de la marche dénoncent un dispositif qui était déjà saturé avant le passage du cyclone Garance avec un manque de près de 49000 places pour répondre aux besoins.
“Nout batay pour la vie! Nout batay pour not droits!”
Dans le cortège, les manifestant.e.s donnent de la voix et les slogans chantés ou écrits sur les pancartes nous rappellent les nombreuses difficultés qui font toujours le quotidien des femmes. “Aujourd’hui, on se rend compte qu’on doit autant lutter pour garder nos acquis que lutter pour obtenir de nouveaux droits”, s’indigne Karine Mallet.
La mobilisation du jour démontre néanmoins une réelle évolution dans la prise de conscience collective selon Pierrette Mira, heureuse de voir “pour la première fois, autant de syndicats et d’associations réunis ensemble pour faire avancer les droits des femmes”.
Pour une lutte intersectionnelle et antiraciste
Mais au-delà des problématiques locales, la marche de cette année tend à montrer une évolution des revendications vers un féminisme plus mondialisé, dans une actualité internationale qui montre un recul des droits pour les femmes, les minorités de genre et la communauté LGBTQI+ . L’exemple le plus significatif est la campagne actuelle de la nouvelle présidence américaine qui fait la chasse aux minorités.
C’est dans cette optique que Nous Toutes 974 a invité le Collectif Réunion Palestine à se joindre à la marche. « Le collectif inscrit son combat dans une perspective décoloniale. En cette journée du 8 mars, nous pensons que la résistance des Palestiniennes pour la reconnaissance de leurs droits doit nous inspirer », explique Giyom, porte-parole du collectif.
Plus globalement, la marche de samedi s’inscrit dans un féminisme intersectionnel et antiraciste, affirmant la condition des femmes comme un enjeu de justice sociale. « Cette année, face à la montée des idées fascistes et des mouvements d’extrême droite, il est plus que jamais nécessaire de s’armer politiquement pour défendre nos droits. Pour cela, nous devons élargir notre combat et nous attaquer aux oppressions systémiques », précise Karine Mallet.
Un dernier femmage* pour Salma
Après plus d’une heure de marche dans le centre-ville, le cortège regagne les Jardins de la préfecture pour les prises de parole. Les proches de Salma lui rendent un dernier femmage* en chanson, précédé d’une minute de silence. Son enterrement a eu lieu la veille, mais son nom résonne encore dans la foule. L’émotion est palpable. Pour les manifestant·es, la lutte continue avec notamment un prochain rassemblement contre la montée de l’extrême droite le 22 mars à Saint-Paul.
Olivier Ceccaldi (texte & photos)
*le féminicide désigne le meurtre d’une ou plusieurs femmes pour la raison qu’elles sont des femmes.
* Le terme femmage est utilisé pour désigner l’hommage rendu à une femme.
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