ZAC RENAISSANCE III
Protège nout savane et Un Toit pou nou, dimanche dernier, manifestaient à quelques centaines de mètres de distance. Le « collectif » pour le logement nie tout lien de cause à effet. Et Pourtant…
Cent cinquante personnes qui se donnent la main pour sauver la savane, c’est le spectacle donné dimanche, le 28 septembre, sur le chantier de la Zac Renaissance 3. Une Renaissance synonyme de la mort d’un espace naturel pour tous les opposants au projet.
Pendant ce temps là, la Sédré (Société d’Equipement du Département de la Réunion), le maître d’oeuvre (la mairie de Saint-Paul est maître d’ouvrage), bombarde les rédactions de communiqués pour expliquer que cette partie de la savane n’est pas protégée, c’est vrai mais elle n’en est pas moins un espace naturel unique, et que les syndicats de patrons sont derrière lui, c’est vrai aussi. Mais quoi de plus normal que les syndicats défendent leurs adhérents et quoi de plus évident que les bétonneurs, transporteurs, industriels et commerçants ne sont pas les plus fervents défenseurs du patrimoine naturel.
« Quelque chose ne va pas. Nous nous sommes rendu compte, il y a deux mois quand on a fait une première manifestation, du marasme politique et financier, du sentiment d’injustice qui anime les Réunionnais au delà de la question de la savane », souligne Elie Payet, porte parole du collectif (bientôt association) Protège nout savane. « Comment est-ce possible que nos décideurs ne soient pas au courant ? Comment est-ce possible qu’ils continuent de se comporter comme si la Terre avait des ressources infinies. On va assister ici aux catastrophes liées à l’urbanisation, au ruissellement notamment. Nous avions le sentiment que ce qu’on défend est juste alors qu’en face il n’y a que mensonges et manipulations », poursuit le Saint-Paulois.
C’est ainsi, nous l’avons constaté, qu’on canalise la colère avec le combat contre la pénurie de logements. Le 31 juillet dernier, le Collectif un toit pou nou est apparu. Avec un très professionnel logo sur sa page Facebook dès la semaine suivante. La veille, le 6 août, le courrier d’un mystérieux « habitant de l’île » arrive dans les rédactions pour fustiger les « égoïstes », un courrier drôlement bien écrit et qui reprend tous les éléments de langage de la Sédré.
Le 28 juillet, au lendemain d’une manifestation contre le projet, le « Collectif », publie un communiqué à faire pleurer dans les chaumières (Ndlr: nous ne nions pas le drame du mal logement mais pouvons nous moquer du style rédactionnel) qui se conclue par ces mots : « Dans un contexte d’urgence sociale et de pénurie de logement, la ZAC Renaissance 3 est une réponse essentielle à la crise du logement dans la région Ouest ».
« On m’a rapporté qu’Emmanuel Séraphin, devant des élus et des cadres de la mairie, avant même la première parution de communiqué, avait déclaré avoir trouvé le moyen de contrer Protège Nout Savane », raconte Elie Payet. Il faisait probablement allusion au travail de l’agence de communication Stratégies et Territoires, très active auprès des institutions et prestataire de la Sédré. Ce qui nous laisse à penser que le Collectif Un Toit pou nou pourrait être une émanation de l’agence de com qui conseille la Sédré dans ce dossier.
Erick Fontaine, l’administrateur de la CNL, contacté, avoue ne pas connaître les nouveaux venus sur le terrain du mal logement. « On ne sait pas, je ne connais pas ces gens ; on verra dans six ou huit mois si ça tient toujours. Il y a tellement d’associations qui se montent sans rien derrière », note-t-il. Rappelant qu’ « il faut veiller à l’environnement » comme il l’a « dit au directeur de la Sédré ».
On s’étonne aussi du nombre de like saint-paulois qu’affiche Un Toit pou nou sur sa page Facebook, bien au delà de ce que fait la CNL d’Erick Fontaine, organisme reconnu et bien plus ancien. Pourquoi un tel engouement dans l’Ouest si Un Toit pou nou défend les mal logés partout dans l’île ? On y retrouve beaucoup d’élus et d’employés de la mairie, certains d’entre eux, que nous connaissons bien, sans doute sous la pression, nous n’imaginons pas qu’ils l’auraient fait spontanément. Et même une élue EELV, ils sont plusieurs dans la majorité. « C’est des nuls », tranche Geneviève Payet, secrétaire départementale du parti, quand on lui demande pourquoi ils ne sont pas là à la manifestation.
D’ailleurs, les statuts d’Un Toit pou nou ne vont pas franchement dans le sens d’une action vers les plus démunis. « Répondre à la crise du logement en offrant un toit à ceux qui en ont besoin et un emploi stable », peut-on lire sur le site du Journal Officiel. Les chômeurs, passez votre chemin.
Dimanche, après la manifestation dans la savane, nous sommes allés à la rencontre d’Un Toit pou nou, qui organisait un pique nique au parc Arc-en-Ciel de Plateau-Caillou. « Notre action est plus globale, pas que sociale », fait remarquer son président Guillaume Chérubin.
Une demie heure avant midi, nous y avons compté une trentaine de personnes. Manifestement, on n’y apportait pas son repas ; qui alors a payé ? On imagine mal comment une association de quelques semaines d’existence (sans droit aux subvention donc), qui propose des adhésions gratuites, peut avoir le budget pour cette invitation ainsi que pour son identité graphique, le logo évoqué plus haut.
Guillaume Chérubin, président du collectif, en réalité une association, assure sur place qu’il ne s’agit pas d’une contre manifestation, mais de fêter sa première participation à une émission de télévision. Pourtant, alors que nous partions, un fidèle militant PLR saint-paulois arrivait en remarquant qu’il n’y avait pas beaucoup de monde (Ndlr: nous avons compté une trentaine de personnes). Et d’ajouter « de l’autre côté non plus ils ne sont pas nombreux ».
Philippe Nanpon