Bastien Michelon, garde forestier et son collègue Anthony Roulenq, chargé de projet risques naturels à l'ONF sur le sentier Augustave pour aller constater l'avancée des travaux. © Olivier Ceccaldi

Sentier Augustave : après un an de préparation, l’ONF lance les travaux de réparation dans Mafate

Le sentier Augustave, fermé depuis le passage du cyclone Belal en janvier 2023, est enfin en cours de réparation. Un soulagement pour les habitants d’Aurère, qui dépendent de ce chemin pour se déplacer, faire venir des touristes, mais aussi pour entretenir leur réseau d’eau. Le chantier, long à démarrer, illustre la complexité de la gestion des sentiers dans ce territoire isolé.

À première vue, ce n’est qu’un chemin de randonnée suspendu entre deux parois. Une passerelle discrète au cœur du sentier Augustave, à Mafate. Pourtant, depuis sa fermeture en 2023, les conséquences se sont fait sentir jusque dans les foyers d’Aurère. Car ici, les sentiers ne sont pas que des parcours de loisirs. Ce sont des voies de vie, indispensables à la circulation, à l’approvisionnement, à l’entretien des infrastructures – et même à l’accès à l’eau potable.

Des sentiers, des vies

Dans le cirque enclavé de Mafate, il n’y a ni routes, ni voitures. Les habitants marchent. Et tout passe par les sentiers : les enfants qui vont à l’école, les courses descendues à pied, les touristes qui font vivre les gîtes. Le sentier Augustave, bien que très physique, est l’un des plus empruntés, notamment parce qu’il relie rapidement Aurère à Salazie, mais aussi parce qu’il longe une canalisation d’eau vitale pour l’îlet.

« Ce chemin est crucial. Quand la canalisation a un souci, on doit y accéder pour réparer. Mais sans passerelle, c’était impossible », explique Bastien Michelon, garde forestier de l’ONF. « À Aurère, il n’y a pas d’agent communal. Ce sont les habitants eux-mêmes, via une association, qui assurent l’entretien. »

Bastien Michelon, garde forestier et son collègue Anthony Roulenq, chargé de projet risques naturels à l'ONF sur le sentier Augustave pour aller constater l'avancée des travaux. © Olivier Ceccaldi
Bastien Michelon, garde forestier et son collègue Anthony Roulenq, chargé de projet risques naturels à l’ONF sur le sentier Augustave pour aller constater l’avancée des travaux. © Olivier Ceccaldi
Canalisations d'eau le long du sentier Augustave. © Olivier Ceccaldi
Canalisations d’eau le long du sentier Augustave. © Olivier Ceccaldi
Sur le sentier Augustave, la végétation a repris le dessus sur les installations rendant le parcours assez difficile. © Olivier Ceccaldi
Sur le sentier Augustave, la végétation a repris le dessus sur les installations rendant le parcours assez difficile. © Olivier Ceccaldi

Un chantier sous contraintes

Pourquoi avoir attendu plus d’un an pour réparer cette passerelle ? Contrairement aux apparences, ce n’est ni de la négligence, ni un simple oubli. C’est une suite d’étapes obligatoires, techniques, environnementales et administratives, qui retardent le processus.

D’abord, il faut attendre la fin de la saison cyclonique pour intervenir en sécurité. Ensuite viennent les diagnostics sur le terrain, souvent difficilement accessibles, pour estimer les dégâts. Puis il faut commander les études techniques, établir un plan de travaux, et… trouver les financements.

Car ici, la passerelle est en forêt département-domaniale, en plein cœur du Parc national de La Réunion. Ce qui signifie que l’ONF, gestionnaire des sentiers, doit obtenir des autorisations auprès du Département et du Parc. « Ce sont des procédures encadrées, indispensables pour préserver ce milieu fragile. Mais elles prennent du temps », reconnaît Anthony Roulenq, en charge des projets risques naturels à l’ONF.

Des ouvriers travaillant sur la réparation de l'échelle du sentier Augustave.
Des ouvriers travaillant sur la réparation de l’échelle du sentier Augustave. ©Olivier Ceccaldi
Des ouvriers travaillant sur la réparation de l'échelle du sentier Augustave. ©Olivier Ceccaldi
Des ouvriers travaillant sur la réparation de l’échelle du sentier Augustave. ©Olivier Ceccaldi
Vue imprenable sur Mafate depuis l'échelle en réparation. © Olivier Ceccaldi
Vue imprenable sur Mafate depuis l’échelle en réparation. © Olivier Ceccaldi
Canalisations d'eau le long du sentier Augustave. © Olivier Ceccaldi
Canalisations d’eau le long du sentier Augustave. © Olivier Ceccaldi
Ancienne kaz qui servait de local pour le matériel d'entretien des sentiers pour l'ONF.
Ancienne kaz qui servait de local pour le matériel d’entretien des sentiers pour l’ONF. © Olivier Ceccaldi

Une équation budgétaire difficile

À ces contraintes s’ajoute la recherche de financement. L’entretien courant est assuré chaque année par le Département, mais les réparations exceptionnelles, comme celle-ci, demandent des budgets complémentaires. Et ces derniers sont de plus en plus difficiles à obtenir.

« Les demandes sont nombreuses, mais les moyens ne suivent pas toujours. Quand il faut choisir, la priorité va à la sécurisation des accès vers les îlets habités. Mais cela laisse en suspens d’autres projets », poursuit Roulenq. Certains dossiers mobilisent des fonds européens, mais ceux-ci nécessitent des appels à projets complexes et longs à instruire.

Un territoire qui s’adapte

Malgré tout, la vie continue à Mafate. Lorsqu’il n’y a plus de passerelle, les habitants contournent, attendent, ou prennent en charge les réparations eux-mêmes. À Mafate, ce sont les résidents qui interviennent sur la canalisation d’eau, en transportant le matériel, parfois même par hélicoptère financé par la mairie. Une scène presque normale au sein du cirque, comme il y a quelques semaines alors même que Bastien Michelon était en visite à Aurère.

Le statut particulier de Mafate rend ce genre de situation fréquent. Les sentiers, bien plus que dans d’autres zones de montagne, y sont structurellement essentiels. C’est pourquoi l’ONF accorde toujours la priorité à ceux qui desservent les îlets, avant les parcours purement touristiques.

Vers une meilleure coordination ?

Une lueur d’espoir est apparue avec la création du Groupement d’Intérêt Public (GIP) pour Mafate, officialisé jeudi 5 juin dernier. Ce GIP, annoncé lors de l’assemblée plénière du 12 décembre 2024, vise à renforcer la coordination entre tous les acteurs — ONF, Parc national, Département, communes, habitants — autour de missions cruciales : entretien des sentiers, gestion de l’eau, accès à la vie courante dans les îlets.

Au-delà de la dimension technique, ce GIP pourrait fluidifier les processus de décision et de financement. Aujourd’hui, chaque chantier — comme celui de la passerelle Augustave — nécessite une succession d’autorisations et de portages budgétaires. Le GIP offre, en théorie, un cadre plus intégré : des procédures adaptées aux réalités de Mafate, avec moins d’échelons bureaucratiques, une meilleure visibilité des financements et une réactivité renforcée.

Pour les habitants, c’est un pas concret vers un modèle où les sentiers ne sont plus seulement maintenus à la pièce, mais vus comme appartenant à un réseau de vie plus global. Le lancement des travaux sur le sentier Augustave, dans leur temporalité et leur priorisation, donne ainsi un aperçu de ce que pourrait devenir cette nouvelle gouvernance : plus agile, plus homogène, plus respectueuse des enjeux locaux — tout en garantissant les normes environnementales et la sécurité des utilisateurs. 

Olivier Ceccaldi

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Olivier Ceccaldi

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