[Société] Les fast-foods à la Réunion : un fléau qui va s’essouffler ?

RENCONTRE AVEC FRIDOR FUNTEU

Aujourd’hui l’ile compte 17 McDonald’s, 6 O’tacos, et 21 Burger king et d’autres chaines de fast-foods. Des chiffres qui révèlent une vraie adhésion de la part de la population, ou alors une forte incitation à la consommation ? Quelle habitude prend la population réunionnaise et peut-être au détriment de la cuisine traditionnelle ? Un patrimoine en danger ?

La croissance phénoménale de ces grandes enseignes à la Réunion s’explique, selon l’auteur, nutritionniste et fondateur de l’IREN Fridor Funteu, par une demande de la population. « Tout ce qui est nouveau suscite la curiosité, et incite en fait à la découverte. » Même si le premier McDonald’s à la Réunion date de 1997, les fast-foods se renouvellent continuellement, et le font très bien savoir à travers leur publicité. D’autres comme KFC, fraichement arrivé au Port en 2021 peut compter sur la réputation internationale de son poulet frit pour attirer les consommateurs.  » Je pense qu’aujourd’hui ils surfent sur la curiosité mais que sur le moyen et long terme ça va s’essouffler. Lorsqu’on interroge les familles dans les écoles, pour demander combien de fois par mois allez-vous au fast-food, on a des réponses qui vont de 1 à 3 fois. D’autre part, le fait que les familles ne soient et ne deviennent pas vraiment intéressées, c’est le prix. Il faut quand même avoir les moyens pour se le permettre de manière récurrente. Au niveau de l’impact santé aussi, le public sera de mieux en mieux informé sur le fait que ce n’est pas une offre alimentaire favorable à notre corps.« 

« Ces chaines de restaurations sont tout sauf bénéfiques pour une population sur l’ile déjà très concernée par le surpoids et le diabète. Pour endiguer ce phénomène d’obésité, il y a minima trois choses à faire. La première, c’est déjà de se rendre à l’évidence que les aliments qui sont dans la capacité de ralentir ce phénomène sont inaccessibles. Les fruits et les légumes aujourd’hui sont inaccessibles pour ce public-là. Il faut accepter et acter ce fait-là et prendre les décisions qu’il faut pour y remédier. Parmi ces solutions il y a le subventionnement des fruits et légumes. Deuxième chose, il faut aller vers les Réunionnais pour faire de l’éducation à l’alimentation ; combien de Réunionnais savent lire une étiquette alimentaire pour faire un choix qui soit efficace pour eux-mêmes ? Aujourd’hui tous les produits industriels, y compris ces restaurants rapides, sont bourrés d’acides gras saturés, de sucre, d’acide gras trans et le Réunionnais est totalement désarmé pour pouvoir identifier ces pièges industriels et faire des choix intéressants pour la santé. Troisièmement, le manque d’infrastructure. Aujourd’hui il y a certaines communes où on veut faire du sport mais il n’y a pas du tout de possibilités d’en faire.« 

Et plus tard ?

« Mon premier espoir est basé sur le fait que les écoles s’emparent du sujet, les jeunes des écoles vont grandir avec l’équilibre alimentaire et pourront faire des choix éclairés plus tard. Les écoles ont pris conscience et améliorent l’offre alimentaire. Au goûter, certaines écoles interdisent aux enfants de ramener des gâteaux, boissons sucrées ou autres. Oui, nous sommes dans une très bonne dynamique. Les fast-foods vont devoir faire une offre alimentaire de qualité à la demande de la population parce qu’ils vont voir que la leur sera boudée. Au début, les fast-foods ne présentaient pas de salade dans leurs menus. Aujourd’hui on peut entrer dans certains fast-foods et manger entre guillemets sainement. Et ça, nous le voyons déjà comme du progrès.« 

Pour les personnes qui hésiteraient encore, « un burger maison ne sera pas aussi calorique et sera de bien meilleure qualité. Le burger tel qu’il est fait au fast-food est ultra-transformé. Ce sont des aliments qui ont perdu tous leurs intérêts nutritionnels pour ne conserver que les intérêts énergétiques tandis qu’à la maison, les aliments gardent une partie de leur valeur nutritionnelle. On invite les familles qui le souhaitent à refaire les menus à la maison pour satisfaire leur curiosité. L’ambiance familiale de la préparation du repas sera bien mieux que de prendre le tout-fait. »

Le nutritionniste Fridor Funteu, pense aussi que la cuisine réunionnaise risque de disparaitre peu à peu. La transmission intrafamiliale se perd. De plus, la cuisine est petit à petit vécue comme une contrainte chez les jeunes générations. Et pour finir — car nous devenons paresseux — Fridor Funteu explique que le week-end au lieu de prendre le temps de cuisiner comme le faisaient les générations d’avant, les gens préfèrent faire la queue pour du poulet grillé ou au drive…

Etienne Satre

A propos de l'auteur

Etienne Satre | Etudiant en journalisme

Etienne Satre a rejoint l'équipe en janvier 2024 en tant qu'apprenti journaliste. Il étudie à l'Institut de l'image de l'océan indien (Iloi) basé au Port.

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