Comme chaque année au mois d’avril, les pétrels prennent leur envol depuis les hauts de l’île pour rejoindre le large. Une vingtaine de kilomètres les séparent de leur objectif : l’océan. Un trajet relativement court, mais qui suffit pour en tuer des dizaines chaque année à cause des éclairages publiques et privés. Cette année, seulement 25 pétrels de Barau ont été ramassés mais la saison n’est pas finie. Un pic est attendu le 18 avril.
« Ils font quelques efforts, mais c’est largement insuffisant », c’est ce que rapporte Hélène, membre de Greenpeace. L’éclairage des stades, skateparks et boulodromes de Saint-Pierre, Saint-Louis ou d’autres communes est un problème majeur dans l’envol des pétrels de Barau. Des éclairages puissants, qui trompent l’oiseau, et qui le font s’écraser. L’année dernière, à Cilaos, des centaines d’individus se sont écrasés sur le stade. « Ils éclairent les terrains beaucoup trop tard alors que c’est à la tombée de la nuit que les jeunes pétrels s’envolent ».
Julie Tourmetz, responsable au Centre de sauvegarde faune sauvage à la SEOR (organisme qui soigne les pétrels et autres toute l’année) compte 25 volatiles ramassés depuis début avril, et 2 décès. « Le gros devrait arriver vers le 18 avril. Normalement c’est 25 par jour donc c’est bien mais on attend le pic. […] L’année dernière, du 2 avril au 12 mai, on a recueilli 1351 pétrels de Barau, et en dehors de ces dates c’est une trentaine d’adultes. »
Monsieur Choisis, bénévole et membre du C.A accuse aussi les enseignes, qui contribuent à la pollution lumineuse en ville. « On a quelques communes qui jouent le jeu, qui baissent et éteignent les lumières, on les remercie. Mais il y a aussi une grosse responsabilité des entreprises, qui laissent les enseignes allumées. […] On attend que le préfet donne obligation d’éteindre les lumières. Il faudrait renforcer les réglementations. »
Léo Chevillon, qui s’occupe de la pollution lumineuse à la SEOR explique : « Y’a des communes qui ont fait un arrêté pour éteindre la moitié des éclairages publics vers 19h comme La Possession ou Bras-Panon. L’année dernière, quasiment aucun échouage là-bas, une dizaine. Par contre à Mafate, sur les îlets, y’en a eu pas mal. Comme le cirque est plongé dans le noir, les lumières sont très visibles. À Cilaos, on a fait un travail de sensibilisation avec les gîteurs, et on espère que ça paiera. Un important travail de coordination a aussi été mené cette année avec la sous-préfecture de Saint-Pierre et la DEAL pour trouver des compromis et éviter que l’échouage en masse dans le cirque ne se reproduise. Un effort particulier de médiation a aussi été engagé auprès des propriétaires d’éclairage. Dans les autres communes, nos communiqués de presse annuels ont été diffusés comme d’habitude. Globalement, de nombreux efforts ont été réalisés cette année. Du côté nord, Saint-Denis a investi dans des lampadaires commandables à distance, qui peuvent se régler à 10-20 % de puissance. C’est ce qu’on voudrait sur toute l’île à terme. Peut-être que dans 10-15 ans on aura juste à baisser la puissance des éclairages sur toute l’île. »
Cette année, c’est du jamais vu, nous dit Marie qui travaille à l’association Taille-Vent, qui s’occupe du ramassage et du relâchage des juvéniles. « Cette année, la lune est miséricordieuse, un temps magnifique, à Cilaos et sur toute l’île. Des paramètres météo incroyables. Très très peu de ramassages. […] En ce moment, nous les ramassons, bien sûr la population participe. Nous nous en occupons, le post-ramassage. Tout un protocole de soins des pétrels de Barau vient de tomber. On peut les relâcher s’ils sont en bonne santé, s’ils n’ont rien de cassé et on doit tester leur étanchéité en les baignant. S’ils ne sont pas étanches, ce n’est pas dramatique. Au bout de 2-3 bains, ils retrouveront leur étanchéité. Si on les relâche comme ça, ils risquent de couler à la mer. Ce sont des juvéniles, ils ont 3 mois. […] Nous les relâchons au bord de l’océan, à Saint-Pierre, au souffleur Saint-Leu et à la Grande ravine. On essaye de les lâcher sur le littoral, dans des endroits hauts et abrités. Les conditions doivent être optimales avec peu de vent et peu de houle. »
« Je ne peux m’empêcher d’ajouter que le Pétrel de Barau est l’oiseau des pics, des remparts, des pitons de l’île. Donc le voilà au cœur du patrimoine de La Réunion et inscrit au Patrimoine mondial de l’Humanité. L’ironie de la chose est que sa disparition en accéléré démontre bien l’insuffisance ou l’incapacité des diverses mesures dites de » protection « , Jours de la nuit, observations-radar et autres », rapporte Sylvain Benusiglio de l’association Taille-Vent.
Le nombre de pétrels de Barau sur l’île est difficile à estimer. Même si le nombre d’échouages est en baisse, impossible de dire pour le moment si c’est une réussite ou pas. « Il se peut aussi que moins de reproductions aient lieu », explique la SEOR. « On n’a pas de signes que la population est en déclin, mais en tout cas, elle n’est malheureusement pas en augmentation ». Les pétrels de Barau nichent près du Grand Bénare, vers le piton des Neiges. Outre la pollution lumineuse, les chats errants et les rats nuisent également à la survie de l’espèce. Le Parc National essaye de garder le contrôle sur ces animaux, qui prédatent directement les œufs ou même les jeunes pétrels.
Etienne Satre
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