théâtre Vollard Yaelle Trulès et Arno Dormeuil Séga Tremblad

[Théâtre Vollard] Emmanuel Genvrin édite ses pièces

EN 1 700 PAGES, LE DIRECTEUR DE VOLLARD RACONTE L’ÉPOPÉE DE SON THÉÂTRE.

« Je voulais raconter l’histoire du théâtre Vollard, j’ai adopté cette formule », présente Emmanuel Genvrin, auteur et metteur en scène de la célèbre troupe qui a fait les beaux jours du théâtre réunionnais pendant quarante ans. 

Trois épais pavés qui totalisent 1700 pages, seize pièces de théâtre, trois opéras, et toute l’histoire, la petite et la grande, qui va avec. Ne manque que les trois pièces écrites par Pierre-Louis Rivière pour l’ensemble des pièces de Vollard, « à chacun de pouvoir contrôler son travail », explique Emmanuel Genvrin. 1 700 pages à déguster petit à petit comme une boîte de chocolats de la fête des pères. 1700 pages pour raconter quarante ans du théâtre le plus connu de l’île.

« Je n’ai pas voulu une édition avec seulement les textes, indique l’auteur. Nous avons toujours été défendus par le public et la presse; le reste, c’est que des ennuis. En quarante ans, on s’est fâchés et réconciliés avec tout le monde à La Réunion ». « Le système réunionnais n’est pas favorable à la liberté d’expression; pour les décideurs, indécrottables, les subventions doivent permettre le contrôle », assure l’auteur.

Emmanuel Genvrin Théâtre Vollard toutes les pièces
Emmanuel Genvrin présente en trois livres toutes les pièces et l’histoire du théâtre Vollard.

Les pièces de théâtre sont traduites sur la page d’en face quand elles sont en créole, ou comportent des extraits en malgache ou chicomore. « Pas toutes. Par exemple, Séga Tremblad, une production avec le Divan du Monde à Paris, est écrite en créole francisé, des notes de bas de page suffisent », explique Emmanuel Genvrin. 

Mais, même traduit, le texte n’est pas suffisant pour le directeur du théâtre Vollard. En plus des partitions de Jean-Luc Trulès, le compositeur de toutes les musiques, deux rubriques y ont été agrégées. Des commentaires pour placer la pièce dans son contexte, historique ou autre, ainsi que des analyses universitaires en fonction des thèmes abordés. Par ailleurs, Emmanuel Genvrin a sélectionné 140 articles de presse parmi les 1400 qu’il a gardés. « Ça  me permet de parler du décors, des costumes, du jeu des acteurs, de l’accueil réservé par le public, de ses réactions… Je ne pouvais pas décemment raconter moi même que les acteurs jouent bien ou que le public était content », explique-t-il.

Le début de la fin

Et de passer aux déboires de Vollard à partir de 1991, l’histoire qu’Emmanuel Genvrin veut raconter, les bons moments, et les mauvais. La fin des subventions décidée par Camille Sudre à son arrivée à la tête du conseil régional, la grève de la faim, l’écriture d’Ubu Colonial en réaction à la politique locale, les articles de Charlie Hebdo quand la presse réunionnaise se faisait timide, les tournées dans l’Hexagone, d’autres papiers dans L’Express, Le Monde, Libération ou Le Point pour se remonter le moral. « Pour survivre, Vollard a été obligé de s’expatrier », souligne Emmanuel Genvrin. C’est ainsi que le public parisien et de province a pu voir Lepervenche, Baudelaire au Paradis, Cari Vollard, Séga Tremblad.

Puis viendra pour Vollard la désillusion du centre dramatique de l’océan Indien, pour lequel la troupe avait été pressentie mais toujours écartée. Pour le dramaturge, le rejet a été jusqu’au procès, quand il a été accusé par un directeur des affaires culturelles d’outrages, de menaces et d’intimidations. « Une folie réunionnaise, ou quand la justice vient au secours de l’administration. Ce procès de Moscou nous a poussé à trouver une autre voie, ça a été l’opéra », se souvient  Emmanuel Genvrin.

« J’ai alors fait la promesse de ne plus faire de théâtre, ça a marché. Au ministère, les directions de la musique et du théâtre ne se parlent pas. On échappait ainsi à nos assassins », raconte-t-il. « Nous avons eu le soutien de Paul Vergès, contre toute attente on a réussi notre pari. Mais, dès le deuxième opéra, les ennuis sont revenus ». Quant au troisième opus, Fridom, il a seulement été vu à la télévision.

La cité des Arts a été inaugurée sur les cendres de Jeumon, le site emblématique de Vollard, les costumes rachetés par la ville de Saint-Denis pour finir de financer Fridom, ça a scellé la fin du théâtre Vollard. « Quarante ans c’est long, nous ne sommes pas éternels, regrette Emmanuel Genvrin un brin désabusé. Maintenant, il nous faut sauver la mémoire. »

Philippe Nanpon

Théâtre Vollard (tomes I, II et III) par Emmanuel Genvrin aux édition L’Harmattan théâtre, 33 euros, 33 euros et 39 euros.

Les trois opéras sont disponibles sur la chaine Youtube opéra Vollard; des extraits des pièces sont à voir sur OI Films et sur le site du théâtre Vollard, www.vollard.com.

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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