QUELLE STRATÉGIE POUR L’ILE DE LA RÉUNION TOURISME (IRT) ?
Un stand en l’honneur de La Réunion et de Roland Garros, 52 places offertes dans les tribunes et deux allers-retours en première classe permettront-ils à l’IRT de doper le tourisme ? Pas sûr car de telles opérations n’ont jamais fait leurs preuves par le passé comme l’avait souligné la Chambre régionale des comptes en 2015.
Tous nos confrères ont repris l’info communiquée par l’Ile de La Réunion Tourisme selon laquelle « La Réunion est de retour à Roland-Garros après quinze ans d’absence ». Pas à l’aéroport où il est logique de faire de la promotion touristique mais à Paris dans l’enceinte du célèbre tournoi de tennis. L’IRT y a ouvert un stand en grande pompe intitulé « Le rougail de l’île de La Réunion ».
Sur la photo envoyée à la presse, le président de l’IRT, Patrick Lebreton, pose à côté du président de la Fédération française de tennis, Gilles Moretton, de Samia Badat-Karam représentant la mairie du 16e arrondissement et de nombreuses autres personnalités comme le handballeur Daniel Narcisse et la tenniswoman Pauline Payet.
La première question à se poser est de savoir pourquoi l’IRT a renoncé il y a une quinzaine d’années à s’offrir un stand aux abords des courts accueillant les « Internationaux de tennis ». La réponse n’a jamais été formulée mais elle se lit dans le rapport accablant qu’en faisait la Chambre régionale des comptes en 2015 à propos de la gestion de l’IRT entre 2007 et 2013.
Les magistrats, qui citaient alors les opérations de l’IRT au festival de Cannes, étaient particulièrement sévères avec ces « opérations sans lien direct avec le tourisme ». Ils notaient l’absence de transparence et de suivi des actions de l’IRT ainsi que « l’absence de corrélation entre les dépenses de promotion et les flux touristiques ».
Sous la menace d’un audit
La deuxième question coule de source : Pourquoi un stand à Roland-Garros, qui n’avait pas fait ses preuves, serait-il devenu une « belle opportunité » telle que l’opération a été présentée en interne ? Patrick Lebreton a expliqué sur Réunion la 1ère que « le tourisme repart et il faut repartir avec notre clientèle naturelle or 82,5% des touristes qui viennent à La Réunion viennent de l’hexagone ».
Cette part de marché est constante depuis toujours et tient essentiellement à la prépondérance du tourisme affinitaire insensible aux opérations de pub. L’argument du président de l’IRT est un peu court aussi nous l’avons contacté pour creuser la question. Jusqu’à présent, il n’a pas donné suite.
L’IRT, qui reste l’un des comités régionaux de tourisme les mieux financés de France, n’a visiblement toujours pas su redéfinir sa stratégie. Un audit est en voie de finalisation et on peut s’attendre à ce qu’il étrille la gestion de la mandature précédente. C’est dans ce contexte relativement tendu qu’a surgi l’opération Roland-Garros.
Il y aurait donc une opportunité à associer, dans l’esprit des fans de tennis, que Roland Garros est une personnalité réunionnaise. En espérant que cela les convainque d’acheter un billet d’avion pour La Réunion. Ou, au moins, de se payer un « rougail saucisse » entre deux matches. Les professionnels sont, pour le moins, sceptiques. Mais pourquoi pas ?
Deux allers-retours à 5 000 € en quinze jours
Il apparaît surtout que le montage de l’opération Roland-Garros emprunte les mêmes travers que ceux relevés naguère par la CRC. Celle-ci trouvait salées les notes de 40 000 et 46 000 € défiées au festival de Cannes en 2012 et 2013, considérant que ça ne relevait pas de la promotion touristique.
Sans connaître le montant global de la facture de Roland-Garros 2023, cela dépassera allègrement les 70 000 €. On notera en particulier les plus de 7 500 € pour l’achat de 52 places dont 8 places pour chacune des finales, hommes et dames. Mais aussi deux billets allers-retours pour le président de l’IRT à plus de 5 000€ chacun.
Il était pourtant de tradition que le président de l’IRT voyage en classe intermédiaire. Était-il nécessaire de ponctionner sur le budget de l’association deux billets en première classe sur une aussi courte période ? À qui Patrick Lebreton a-t-il attribué les 52 places achetées ? Surtout, en quoi celles et ceux qui assisteront aux matches vont-ils promouvoir la destination Réunion ? Toutes ces questions ont été transmises à l’IRT.
Les montants en cause ne sont certes pas vertigineux comparés à tant d’autres chantiers et opérations. Mais pour le symbole, les choix opérés ne reflètent pas le changement de méthode promis à l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité régionale.
Franck Cellier