À l’occasion des 10 ans du Trokali, Michel, médiateur environnemental, et Françoise Auvin, chargée de mission au sein de la communauté d’agglomération du Territoire de l’Ouest, nous en disent un peu plus. Avec peu de moyens et beaucoup d’imagination, il est possible de faire rimer écologie et solidarité.
« Nous, c’est le stand du réemploi » Sur le site du Trokali, pour célébrer dix ans de pratiques alternatives à l’enfouissement, l’association met à l’honneur les mille et une vies des déchets. Avec du carton, du tissu, du plastique ou même des bouteilles récupérées, les enfants apprennent à fabriquer des puzzles, des poufs, des meubles miniatures. Le tout sans dépenses excessives : un peu de colle, du papier journal, du sopalin, et beaucoup de créativité.
« C’est simple, c’est utile, et ça ne coûte pas cher », insiste Michel, médiateur environnemental depuis plus de vingt ans. « À La Réunion, on jette énormément alors qu’on a déjà la matière. Il faut juste apprendre à l’utiliser autrement ». Le stand attire les curieux, les familles, et notamment les enfants, qui redécouvrent le plaisir des activités manuelles, trop souvent délaissées au profit des écrans.
Sensibiliser sans culpabiliser
Derrière les objets fabriqués se cache un message clair : apprendre à voir la valeur des matières qu’on considère à tort comme des déchets. Le TCO, via ses médiateurs, veut montrer qu’il est possible de limiter le gaspillage tout en développant des compétences utiles. « Nous, on ne vend pas, on partage. On montre aux gens que chacun peut faire quelque chose avec ce qu’il a sous la main ».
Cette démarche ne se limite pas aux ateliers créatifs. Les Trokalis permettent à chacun de déposer et de récupérer gratuitement des objets encore utilisables : vêtements, meubles, électroménager. Des matériauthèques ont même été mises en place pour récupérer portes, fenêtres ou morceaux de ferraille qui peuvent resservir.
Des résultats visibles sur le terrain
Selon Michel, la prise de conscience progresse. « Avant, les gens jetaient sans réfléchir. Aujourd’hui, il y a moins de dépôts sauvages dans les ravines. Les poubelles jaunes sont mieux utilisées, même si on retrouve encore parfois des erreurs comme des couches ou des seringues ». Il note aussi l’importance de commencer l’éducation environnementale dès l’école. « Les enfants comprennent vite. Ce sont eux qui, demain, feront différemment ».
L’enjeu, pour lui, est de maintenir cet effort de sensibilisation sur le long terme. « La Réunion peut devenir une île propre. Mais il faut qu’on continue à transmettre, à montrer, à agir ». Une mission qu’il mène avec passion, aux côtés d’une trentaine de médiateurs répartis sur les cinq communes du TCO.
Dix ans de réemploi : les déchetteries misent sur les Trokalis
Françoise Auvin, chargée de mission au sein de la communauté d’agglomération du Territoire de l’Ouest, revient sur le développement des zones de réemploi.
Ces espaces de réemploi permettent aux habitants de déposer ou de récupérer gratuitement des objets encore utilisables : meubles, jouets, vaisselle, décoration… voire même des vêtements dans les sites les mieux équipés. « Notre objectif, c’est vraiment de réduire les déchets. Il y a beaucoup d’habitants qui viennent avec des objets en bon état, ou juste à réparer. Plutôt que de les enfouir, on leur donne une seconde vie », explique Françoise Auvin.
Une dynamique qui s’étend
Au fil des années, le dispositif s’est élargi. À Saint-Laurent, une grande terrasse couverte a récemment été aménagée pour accueillir les objets volumineux, sensibles à la pluie. « C’est une nouveauté que l’on voulait mettre en avant à l’occasion des dix ans », souligne Françoise Auvin. D’autres sites du TO ont adopté une version plus compacte du concept, avec des « mini-Trokalis » : simples étagères où les habitants peuvent déposer ou récupérer quelques objets.
La matériauthèque, souvent méconnue du grand public, fait également partie des dispositifs de réemploi. Installée en hauteur dans certains sites, elle permet de stocker des matériaux récupérés à des fins pédagogiques ou de revalorisation.
Bientôt cinq nouvelles déchetteries
Si toutes les déchetteries du territoire sont aujourd’hui dotées d’une zone de réemploi (à l’exception de Pointe-de-Château qui sera bientôt équipée) le TO ambitionne d’aller plus loin. Cinq nouvelles déchetteries sont en projet, dont certaines déjà en cours de programmation. « On a repéré les zones blanches, là où les habitants sont encore trop éloignés d’un site. L’ADEME recommande un accès à 10-15 minutes maximum. Dans des zones comme la Plaine, ce n’est pas encore le cas », précise Françoise Auvin.
En attendant, une déchetterie éphémère est installée un samedi par mois, avec quelques bennes sur un parking pour dépanner les habitants.
Un modèle qui inspire
Le succès des Trokalis ne passe pas inaperçu. D’autres EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) de La Réunion s’intéressent au modèle. Si les contraintes d’espace limitent parfois leur déploiement, plusieurs intercommunalités envisagent d’intégrer des zones de réemploi dans leurs projets de nouvelles déchetteries.
« On est regardés, clairement », affirme Françoise Auvin. « Le réemploi devient un axe fort. Il passe désormais avant la valorisation et bien avant l’enfouissement ».
Dans un territoire îlien comme La Réunion, s’emparer de la question du réemploi paraît plus que jamais nécessaire afin de limiter au maximum la création de déchets et la gestion qui en découle.
Jean Fauconnet
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