[COVID]
Contrairement à l’Hexagone, La Réunion est toujours soumise au régime du pass vaccinal. Pourtant, rien n’indique que la mesure ait un quelconque intérêt.
Restaurants, bars et autres lieux de loisirs sont interdits d’accès à plus de 30% de la population (*). Au moins jusqu’en avril. Pourtant, en France hexagonale, ce n’est plus le cas depuis mi-mars. Pourquoi le pass vaccinal perdure-t-il chez nous? Pourquoi, alors qu’on entend partout que la vaccination n’empêche pas la contamination?
C’est ce que l’on a pu constater dans notre chair. Triplement vacciné, il a suffit d’un resto avec des amis pour attraper le virus. L’établissement avait bien sûr vérifié les pass de tout le monde. Le préfet aurait-il fait sienne « l’envie d’emmerder » les non-vaccinés. Pour en avoir le coeur net, nous avons demandé à l’ARS (agence régionale de santé) de nous expliquer l’intérêt de la mesure. Par chance, nous avons pu en discuter avec l’un des responsables de l’agence qui, d’ordinaire, se contente de communiquer ses réponses par mails. Par malheur, après une heure de questionnements avec Nicolas Thévenet, directeur adjoint à la direction de la veille et sécurité sanitaire/santé et milieux de vie à l’ARS OI, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés.
La seule boussole des autorités semble être la situation à l’hôpital. « Quand elle sera revenue à l’équilibre, on reviendra à une situation normale », assure Nicolas Thévenet, pointant « une vague épidémique localement plus tardive » que dans l’Hexagone. Nous voulions des chiffres, le résultat d’une étude, la preuve que le pass est utile, nous n’en avons trouvé nulle part. Nicolas Thévenet nous en a quand même communiqué quelques-uns, qui indiqueraient une efficacité de quelque 30% avec le variant omicron. « A l’époque où l’on a voté le pass, la plupart des malades n’étaient pas vaccinés », indique sans rire le directeur adjoint à l’ARS. Autre variant, autre taux de vaccination aussi, serait-on tenté de répondre. Car, depuis, d’autant plus avec le variant omicron, avoir subit les trois doses ne protège pas vraiment de la contamination. « Pendant la première semaine de mars, 20% des cas testés positifs n’étaient pas vaccinés, 80% avaient reçu deux ou trois doses », poursuit-il. Sauf que deux doses, ce n’est pas pareil que trois, quand on vous dit que les chiffres font défaut. Tellement qu’on a l’impression que les décisions se prennent au doigt mouillé!
Les seules réponses gouvernementales depuis le début de la crise n’ont été que port du masque ou interdictions à se rencontrer. Pour la première mesure, « avec un masque, même quand les autres n’en portent pas, on réduit de 70% le risque de transmission », soulignait le 14 mars sur France Inter l’épidémiologiste Anne-Laure Crémieux qui travaille à l’hôpital Saint-Louis de Paris. Mais reconnait, sans donner de chiffre, que « les vaccins dont on dispose n’arrivent pas – mais un petit peu quand même – à arrêter la transmission, particulièrement du variant omicron ». Son collègue Martin Blachier, sur RMC, remarquait de son côté que, « de toute façon, le virus va circuler, il n’y a aucun moyen de l’empêcher de circuler, les vaccins ne permettent pas ça ».
Du côté des politiques, le discours est le même. Notre députée Karine Lebon avait déclaré dans nos colonnes que « le pass vaccinal n’empêche en rien de contracter le virus et qu’il n’est qu’une excuse pour continuer à contrôler ». Le sénat, de son côté, a la même lecture sur l’efficacité du vaccin contre la transmission. Son rapport d’une commission d’enquête publiée jeudi 24 février, appelle à la levée « sans délai, mais avec prudence » du pass vaccinal. Encore plus fort, le ministre de la Santé lui-même, Olivier Véran, pour justifier la levée du pass vaccinal dans l’Hexagone, après en avoir fait une publicité mensongère (**), remarque que « les pays comme l’Italie qui conservent le pass vaccinal ne sont pas plus épargnés » par la reprise de l’épidémie.
Si ce n’est pour éviter la contamination, pourquoi alors maintenir le pass? Reste l’argument de pousser les réfractaires et les procrastinateurs à aller se faire vacciner. Mais qui peut croire que ceux qui ont jusqu’ici résisté vont se décider maintenant? Pas l’ARS en tout cas qui compte dix fois moins de candidats au vaccin depuis le début de l’année. Quand bien même le vaccin sans ARN messager serait disponible. « Le Novavax, ça ne prend pas », constate Nicolas Thévenet. Pour preuve supplémentaire, on est en train de démanteler les centres de vaccination qui seront tous fermés au 31 mars.
Alors, pourquoi? Si ce n’est par dogmatisme et manque d’imagination, pourquoi poursuivre dans une voie sans issue ?
Philippe Nanpon
(*) Environ 70% de la population éligible c’est-à-dire de plus de 6 ans, est vaccinée d’au moins deux doses à La Réunion. Un chiffre à relativiser à la hausse chez les adultes puisque seulement 1,5% des 6 à 12 ans sont vaccinés.
(**) Quand Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille estimait le 10 janvier dernier sur TF1 que le risque de transmission était réduit de 30 à 40 % après la 3e dose, Olivier Véran prétendait que le même risque était réduit de 85%, y compris avec omicron.