Gérard Yeselnick, commissaire enquêteur et expert judiciaire auprès de la cour d’appel de Saint-Denis, a monté un projet de loi pour lutter contre la vie chère à La Réunion et des Dom. Après avoir travaillé dans presque tous les territoires ultramarins, il dresse un portrait de l’économie dans l’outre-mer et propose des améliorations potentielles à apporter au système en place (bouclier qualité prix, transparence et concurrence des entreprises) via un projet de loi « Konbat ».
Anciennement salarié à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), Gérard Yeselnick a pensé un projet de loi grâce à ses années d’expériences dans le milieu. « Konbat », c’est le nom que porte ce projet qui vise à réformer le système juridique de l’économie à La Réunion et dans les outre-mer pour favoriser les consommateurs. Deux points majeurs ressortent de ce projet de loi : un bouclier qualité prix 2.0 (BQP 2.0) et la création d’une nouvelle autorité Dom pour contrôler les marchés, la transparence et la concurrence des entreprises.
Un BQP 2.0
Cette proposition de loi inclut une mise à jour du bouclier qualité prix, historiquement crée en 2013. C’est un accord renouvelé tous les ans, entre les grandes surfaces et l’État qui vise à réduire et encadrer le prix d’une centaine d’articles. La version 2025 sera d’ailleurs signée ce vendredi 11 juillet. Le projet de loi « Konbat » prévoit d’augmenter ce panier à 250 articles propre à chaque supermarché. Il prévoit également une plateforme pour aider les consommateurs : un outil numérique qui géolocaliserait leur position, dans chaque territoire ultramarin, pour donner les meilleurs prix des articles de votre panier. Le but est d’orienter au mieux les consommateurs vers la grande surface la moins chère de leur ville, et par la même occasion de redynamiser la concurrence. Cette mesure sera en lien avec les travaux de l’OPMR (Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus). De plus, chaque produit en rupture devrait être remplacé par un équivalent du même prix.
Une nouvelle autorité exclusive aux outre-mer
Comme le dit Gérard Yeselnick « à La Réunion, les marchés sont petits, souvent concentrés, avec des acteurs dominants ». Pour plusieurs raisons, y compris celle d’une construction économique de l’île pendant la colonisation, un certain monopole s’est installé, notamment avec le groupe GBH.
Pour encadrer le marché, éviter des pratiques abusives, rétablir une concurrence et obtenir une réelle transparence de la part des entreprises, l’ancien contrôleur des fraudes propose de créer une nouvelle autorité : L’AOMC (Autorité d’Outre-Mer pour la Concurrence). Cette autorité, rattachée à celle déjà en place (l’ADLC), serait spécialisée dans les problèmes liés aux Dom et plus encline pour faire appliquer le droit de la concurrence et les nouvelles mesures ajoutées. Elle pourrait s’auto-saisir, sanctionner les abus de position dominante, encadrer les contrats déséquilibrés, contrôler les délais de paiement et limiter la concentration excessive (+ de 25% du marché). Toujours dans la dynamique de travailler avec des experts locaux, cette autorité, qui comprendrait en son sein des habitants de La Réunion, collaborerait étroitement avec les OPMR ultramarines.
Même sur la transparence, le projet prévoir un contrôle plus attentif pour éviter des marges abusives. « La transparence permet de comprendre les mécanismes économiques, et donc d’agir dessus ». « Konbat » obligerait les grandes entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros à transmettre certaines des données à l’AOMC comme leurs comptes détaillés, leurs contrats, leur prix d’achat et la cartographie de leurs point de vente. Les grandes entreprises ne pourraient pas dépasser un seuil de 25 % du marché, ou alors, elles s’exposeraient à des amendes ou des interdictions d’acquisition.
On peut également noter qu’en période de crise comme pré ou post-cyclone, l’AOMC aurait le droit d’encadrer les prix pour des produits de première nécessité pour une période de 6 mois.
En bref, ce projet de loi citoyen porté par Gérard Yeselnick est un début d’une transformation économique profonde dans les Outre-mer. Plus de transparence, plus de justice, et plus de liberté économique pour les citoyens. Toutefois, Gérard Yeselnick se dit « ouvert à toute discussion car c’est le but dans une démarche citoyenne ».
Etienne Satre
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