[Écologie] Un projet de perruches endémiques à Mare-Longue

Réintroduction de la perruche verte des Mascareignes

Le projet de réintroduction de l’endémique perruche verte des Mascareignes reprend vie. Ce serpent de mer pourrait permettre de sauver la forêt primaire.

Ramener à la vie une espèce disparue? L’idée n’est pas nouvelle. Avec la perruche verte des Mascareignes (Alexandrinus (ex- Psittacula) eques), le projet piloté par la Séor (société d’études ornithologiques de la Réunion) est en passe de se réaliser. Nous ne sommes pas dans un remake de Jurassic Park, et l’espèce en question existe encore, chez nos cousins mauriciens.

Il existait quatre espèces de perruches et perroquets dans notre île, toutes disparues avant la fin du XIXe siècle à cause de la destruction de leurs habitats. « A Maurice, les forêts de basses altitude ont perduré plus longtemps, ce qui a permis la préservation de la perruche verte des Mascareignes »,  souligne Kalyan Leclerc, chargé de mission à la Séor. 

Espèce sauvée

Il nous apprend qu’en 1986, il ne restait qu’une douzaine d’individus dans les restes de forêt primaire mauriciennes, et qu’un travail remarquable de protection a permis de sauver l’espèce. Il y aurait aujourd’hui environ 850 perruches endémiques dans la nature, et on n’est pas loin de la surpopulation tant son habitat est réduit. D’où l’idée de reprendre le projet qui date des années 70 et de réintroduire la perruche verte des Mascareignes à La Réunion.

La perruche verte des Mascareignes, autrefois présente dans l’île, fait l’objet d’un projet de réintroduction.  (crédit photo :  Mauritian Wildlife Foundation)

« En plus de retrouver un pan de notre patrimoine avec un oiseau originaire de notre île, de participer à la sauvegarde d’une espèce en danger, cette réintroduction permettrait de retrouver une espèce qui jouait un rôle dans la dispersion des semences des grands arbres endémiques, des plantes qui ne se régénèrent que très peu », explique Kalyan Leclerc. Les perruches sont friandes des fruits de ces arbres, comme les grand et petit nattes, bois de pomme ou takamaka par exemple, en mangent la pulpe et laissent les grains un peu plus loin. La méthode pourrait également s’appliquer avec des tortues géantes, le pigeon rose ou la roussette. 

Perruches semblables

Mais pourquoi interdire la perruche à collier (Alexandrinus (ex- Psittacula) krameri) de nos volières, très ressemblante à sa cousine des Mascareignes, et à chercher à éradiquer celles qui sont déjà en voie d’acclimatation dans la nature? « Si les deux espèces sont proches d’apparence et génétiquement, elles n’ont pas du tout le même mode de vie », explique le scientifique. En effet, la perruche à collier, très invasive, s’adapte facilement à la présence de l’homme et à ses cultures. Ce n’est pas du tout le cas de la perruche des Mascareignes, qui ne sort jamais du couvert des forêts humides. Les Mauriciens l’ont observé, jamais ces oiseaux ne s’attaquent aux vergers qui jouxtent les forêts.

fruit de bois de pomme
Fruit de Bois de pomme rouge – Syzygium cymosum (crédit photo : Kalyan Leclerc)

Le projet est séduisant mais, même les inquiétudes des agriculteurs levées, quelques voix s’élèvent, posent des questions, s’interrogent. Comme celles de l’association citoyenne de Saint-Pierre: les perruches vont-elles manger les fleurs des arbres déjà menacés? ne vont-elles pas préférer manger et disperser les espèces exotiques envahissantes? les fruits ne sont-ils pas trop gros à transporter pour ces oiseaux de seulement 180 grammes? il y a-t-il un risque sanitaire d’introduction de maladies? ce travail ne sera-t-il pas mené en pure perte, par exemple à cause de prédateurs ou du braconnage? Questions auxquelles répond la Séor, mettant en avant l’expérience réussie à l’île Maurice, le rôle des disperseurs secondaires, les quarantaines et examens prévus, la prédation possible par les papangues, la faible dispersion de la perruche verte des Mascareignes (pas plus de 2,5 km autour du point de relâché)… 

Bec noir

Après la restitution du projet, il faudra obtenir un avis de principe des acteurs concernés, celui du CSRPN (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel), que la Deal organise une nouvelle consultation, que deux textes réglementaires soient modifiés (l’arrêté de 1989 sur les espèces protégées et celui de 2018 qui interdit les relâchés dans la nature), que le préfet réunionnais s’entende avec les autorités mauriciennes. Si tout va bien, une dizaine de perruches très jeunes seront relâchées dans deux ans dans la forêt de Mare-Longue. Puis, plusieurs fois vingt autres individus, sur cinq ans, pour atteindre une centaine de relâchés.  Le budget prévu est d’un million d’euros en six ans.

Les perruches vertes des Mascareignes se distinguent des perruches à collier par un vert plus foncé, les plumes de la queue plus courtes ce qui lui donne un air plus trapu en vol, le bec noir de sa femelle (rouge pour les mâles et les perruches à collier) et un cri plus rauque. Elles vivent en couples ou en petits groupes familiaux de six individus au maximum.

« Au pire, ça ne marchera pas », rassure Kalyan Leclerc aux détracteurs qui craignent pour la biodiversité ou l’agriculture. Pour le savoir, rendez-vous en 2030.

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

Articles suggérés