SANTÉ
La Réunion est entrée en phase épidémique de chikungunya. Un vaccin, jugé très efficace, existe depuis peu, mais il n’est pas remboursé par la sécurité sociale.
Depuis le 13 janvier, le préfet a activé le niveau 3 du plan Orsec Alboviroses, considérant que le chikungunya circule maintenant de « manière épidémique à faible intensité ». A cette date, 192 cas avaient été recensés dans l’île (256 au 21 janvier ; il faut considérer que la plupart sont guéris depuis longtemps). Mais que revêt ce plan Orsec ? Est-ce que ce sera suffisant pour enrayer l’épidémie ? En 2006, plus d’un tiers de la population a été touché par la maladie, donc immunisé, avant que le virus ne cesse de circuler. Brutalement, l’épidémie s’est arrêtée, sans qu’aucun cas ne soit plus déclaré à La Réunion, jusqu’en août dernier. « Alors que ce virus circule partout dans le monde, notamment en Amérique du Sud en Inde et en Afrique, il n’y a plus eu de cas ici pendant près de vingt ans », remarque Anne Lignereux, médecin microbiologiste au Chor de Saint-Paul, titulaire en outre d’une maîtrise en santé publique épidémiologie et d’un diplôme universitaire de gestion des risques infectieux.
Bonne solution
« Renouvellement de la population aidant, les autorités sanitaires et Santé publique France estiment que, dans l’Ouest, il ne reste plus que vingt pour cent de personnes immunisées », rapporte la médecin. Qui remarque que tous les cas de cette nouvelle épidémie sont concentrés dans l’Ouest, entre Saint-Gilles et le Tampon, dont la moitié à l’Etang-Salé. « Les médecins sentinelles, comme ceux de l’hôpital public, demandent que le vaccin soit proposé au personnes vulnérables, et remboursé par la sécurité sociale », témoigne-t-elle.
A Parallèle Sud, nous avons aussi pensé que le vaccin était une bonne solution pour lutter contre la maladie. Nous avons contacté l’Agence régionale de santé (ARS), pour avoir des précisions, et savoir pourquoi il n’était pas remboursé par la sécu. On nous a répondu que, en effet, « Le vaccin IXCHIQ, commercialisé par le laboratoire Valneva, a reçu une AMM de l’Agence Européenne du Médicament ». Mais qu’il est « considéré comme un vaccin du voyageur d’après les données disponibles et le positionnement actuel du laboratoire ». Un avis très parisiano-centré du point de vue d’un territoire où sévit l’épidémie. Et on ne voit pas pourquoi le laboratoire aurait un avis sur cette question de « vaccin du voyageur » pour les pays et régions où sévit la maladie.
Pour autant, l’ARS et donc l’Etat ne semble pas disposée à faciliter l’accès au vaccin. « Les travaux en cours à la Haute Autorité de Santé (HAS) visent à savoir si ce vaccin est susceptible d’avoir une place dans la stratégie vaccinale dans le cadre de mesures de gestion associée à une probable épidémie de chikungunya à La Réunion. Les recommandations de la HAS sont attendues pour les prochaines semaines », nous indique l’agence régionale de santé. On n’avait pas autant de pudeurs pendant l’épidémie de covid.
Conception traditionnelle
Un vaccin pourtant jugé « parfait » par Anne Lignereux. « Il a été mis au point à partir de la souche réunionnaise du virus, par l’armée américaine, et abondamment utilisé depuis avec succès », assure-t-elle. Un vaccin de conception « traditionnelle », dit vivant atténué, dont l’efficacité de plus de 98% est reconnue et administré en une seule injection. « Il convient juste de vérifier avant de l’administrer si la personne n’est pas déjà immunisée », souligne la médecin spécialisée dans les maladies infectieuses. L’ARS nous a indiqué un prix de 150 euros, ce serait entre 110 et 180 selon les pharmacies indique la médecin.
« A l’Ehpad qui dépend de l’hôpital, j’ai proposé qu’on administre le vaccin à nos pensionnaires. Il suffit de faire une sérologie, beaucoup sont déjà immunisés pour avoir connu l’épidémie de 2006. Ça ne coûterait probablement pas plus cher que les prises électriques et badigeonner les gens deux fois par jour avec des produits répulsifs, et éviterait les problèmes de respiration et de peau », expose Anne Lignereux qui parle d’économie de court terme. On lui a répondu de façon inattendue que le vaccin n’était pas agréé pour les collectivités.
« En tout cas, à L’Etang-Salé où est situé le plus gros foyer, beaucoup de ceux qui peuvent se le permettre, les médecins notamment, se sont fait vacciner », témoigne-t-elle encore.
Le prix des tortillons
A notre connaissance – l’ARS, sollicitée, n’a pas répondu à nos questions -, ce plan Orsec permet l’enlèvement rapide des épaves de voitures ou le nettoyage des arrières cours chez les personnes qui ne peuvent le faire eux-mêmes. C’est bien, mais est-ce que ce sera suffisant ? Et le préfet indique qu’on va débloquer 600 (ou 400) financements de ces emplois aidés et précaires. Mais qui va les employer ? Qui va payer les 35% restants ?
On va donc lutter contre les gîtes larvaires. Mais où en est-on de la technique de l’insecte stérile (TIS), dont les essais ont donné de bons résultats ? Comme à Sainte-Marie ou la dernière fois à Saint-Joseph. Si cette épidémie démarre plutôt doucement, qu’en sera-t-il si la pluie se décide à tomber ? Un vaccin accessible, « au moins pour les personnes à risque » demande Anne Lignereux, serait peut-être au bout du compte moins cher. Et plus efficace, surtout que ce vaccin empêche la contagion contrairement à celui contre le covid. Cette semaine, la préfecture a choisi de communiquer sur le contrôle des prix des tortillons.
Philippe Nanpon
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