[INNOVATION]
Deux chercheurs réunionnais ont mis au point un adjuvant qui, mélangé à du rhum produit localement, remplace avantageusement l’essence sans plomb pour faire tourner les moteurs des voitures.
Que cache l’annonce récente par la société Isautier du triplement de sa capacité de production de rhum ? Alors que la consommation a atteint un plafond. L’alcoolier réunionnais, en vantant ses ambitions, a (involontairement ?) trahi un projet déjà bien avancé. Jérémie Boisvilliers et Paul-Emile Hugo, doctorants chimistes en bio-énergies à l’Université de Moufia, ont créé il y a deux ans la start-up Karbu-Kann et ont obtenu deux subventions de 15 000 € chacune (Département et Région) pour financer leurs travaux de recherche et développement. Hébergés dans l’incubateur de la Technopole de Saint-Denis, ils sont en passe de mettre au point, si ce n’est déjà fait, un adjuvant qui, combiné à de l’acide éthyl méthylbutanoïque produit un hydrocarbure saturé de type alcane.
« Mon arrière-grand père faisait tourner le moteur de son tracteur avec tout un tas de carburants de sa fabrication, a expliqué Paul-Emile Hugo dans l’introduction du dossier de présentation de Karbu-Kann que Parallèle Sud a consulté. C’est un secret de famille bien gardé qui m’a motivé dès l’enfance pour me lancer dans une carrière de chimiste ». Jérémie Boisvilliers s’est chargé de la conclusion : «Deux centilitres de Karbu-Kann mélangés à 50 litres de rhum permettront de faire tourner un moteur de type essence sans avoir à apporter la moindre modification technique, ni pour l’allumage, ni pour la carburation. La consommation sera de l’ordre de 3 litres pour 100 kilomètres ».
Le procédé était en fait connu depuis longtemps mais les lobbys pétroliers ont pris le contrôle des filières de production de bio-carburant. Ils n’ont eu de cesse d’entraver toute initiative locale du type de celle de Karbu-Kann. Si la situation est en passe de se débloquer à La Réunion, c’est le fait de la nouvelle majorité régionale. L’un des vice-présidents d’Huguette Bello, grand consommateur de rhum et d’essence, s’est emparé du dossier pour qu’il se concrétise au plus vite. Avec la flambée des produits pétroliers, il est persuadé que cette solution locale soulagera le porte-monnaie des automobilistes et lui donnera un avantage conséquent pour les prochaines échéances électorales.
Il remplit déjà le réservoir de sa voiture de fonction avec le mélange pays. D’après une indiscrétion de son chauffeur, le mélange avec du Charrette présenterait un meilleur rapport-qualité prix qu’avec du rhum Isautier. Ce qui expliquerait les récents investissements de ce dernier pour rattraper son retard…
Julie Kerval